1Coucher sur le papier les épreuves de l’existence et débrouiller l’écheveau de ses expériences, mais aussi, et peut-être surtout, garder trace du temps qui passe : quelque trois millions de Français de plus de 15 ans tiennent un journal intime [1]. À l’adolescence, ce sont essentiellement les jeunes filles qui se confient à de tels compagnons de vie. Puis, à partir de l’âge de 25 ans, les diaristes se recrutent à peu près en aussi grand nombre chez les hommes et les femmes, soulignent Philippe Lejeune, spécialiste de ces écritures personnelles, et Catherine Bogaert, ancienne présidente de l’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique.
2Relatant l’histoire de cette activité discrète dans un magnifique ouvrage où sont reproduites plus de 200 pages manuscrites [2] – inédits des experts du genre comme d’inconnus à la créativité souvent débordante –, les auteurs expliquent que la pratique du journal intime a pu se développer, entre la fin du Moyen Âge et le XVIIIe siècle, grâce à l’arrivée du papier en Europe, puis à l’apparition de nouveaux outils de mesure du temps (horloge mécanique, calendriers annuels et agendas).
3Carnets brochés, livres cousus main, cahiers d’écoliers, petits fascicules illustrés de découpages et dessins, agendas ornés de commentaires donnent à voir le rapport de leurs propriétaires aux autres et à eux-mêmes. Ils témoignent aussi, sur la longue durée, de “la progressive individualisation du contrôle de la vie et de la gestion du temps”.