Économie et statistique, nos 393-394, “Histoires de vie”, novembre 2006
1L’INSEE a réalisé, en 2003, une grande enquête “Histoire de vie”, dont les analyses sont proposées dans cette livraison d’Économie et statistique. Cette recherche avait un double but : d’une part, voir comment les personnes interrogées pouvaient se situer positivement, malgré l’extension des questions d’exclusion ; d’autre part, décrire la diversité des modes d’insertion sociale, à une période où les formes standardisées de socialisation devenaient minoritaires. De nombreux thèmes ont été abordés, depuis les relations familiales et la relation au travail, jusqu’à la santé et aux activités de loisirs, en passant par les opinions et la mobilité géographique.
2L’enquête s’intéressait à trois niveaux constitutifs de la question identitaire : les appartenances objectives, les identités revendiquées, les assignations identitaires. Autrement dit, les individus ont été pensés comme le produit de leur situation matérielle, de leur opinion sur eux-mêmes et de celle que les autres ont d’eux.
3La famille est l’identificateur principal mais les rôles auxquels les personnes font référence sont variables. Ceux qui vivent en couple se sentent conjoint(e) de façon relativement stable, alors que s’identifier aux rôles paternels ou maternels décroît avec l’âge. Le lien parental reste prépondérant, mais 40 % des enquêtés répondent qu’ils se définissent comme “un homme ou une femme, tout simplement”, non spécifié par des attaches familiales.
4Le travail occupe la seconde place dans ce qui permet de définir leur identité, mais loin derrière la famille. En effet, seulement 7 % des personnes interrogées donnent une place centrale au travail. Deux éléments sont à prendre en compte pour expliquer cette place relativement minoritaire : les conditions de travail des professions intermédiaires les conduit à des attitudes de “retrait” ; la concurrence entre vie familiale et vie professionnelle se résout au profit de la primauté de la famille.
5Le lien au territoire permet de révéler une composante importante de l’identité, puisque plus de 30 % des personnes estiment pouvoir se définir en référence à un lieu habité ou investi. “Lieu d’attachement” et “lieu de projet” forment deux catégories remarquables : la première est plutôt mise en avant par les personnes seules, les étudiants et les propriétaires, alors que la seconde est revendiquée par les moins de 50 ans, les urbains et les personnes sans attaches matérielles ou professionnelles.
6Cette enquête, particulièrement riche, ouvre des perspectives en croisant données objectives et subjectives de la définition de soi, et en s’intéressant à des thèmes encore peu traités au plan de la statistique, comme la généalogie, l’attachement aux lieux, ou encore la question des identités prises dans les accidents de la vie.