Bona Arsenault, Histoire des Acadiens, Québec, 2004
1L’Acadie pourrait être définie comme un pays avec son drapeau bleu, blanc, rouge, frappé d’une étoile dorée, sa fête nationale, célébrée le 15 août, son hymne national, ses héros nationaux, etc. Pourtant, elle n’est pas un territoire avec un sol délimité par des frontières, mais une construction imaginaire, fondée sur l’histoire de la colonisation française du Canada. Cette histoire connaît trois grandes phases, correspondant à son expansion, à sa disparition puis à sa renaissance symbolique.
2C’est au XVIe siècle que l’Acadie commence à désigner un vaste territoire du nord-est de l’Amérique qui comprend le territoire de l’actuelle Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, les îles du golfe du Saint-Laurent au Canada, et la majeure partie de l’État du Maine aux États-Unis. Un vice-roi est chargé par Henri IV de développer la colonisation française grâce à des établissements comme Port-Royal, Beaubassin et Grand-Pré. Des pêcheurs et des colons venus de Bretagne, de Normandie ou du Pays basque, ainsi que des ordres religieux (jésuites, récollets, capucins) s’installent tout au long du XVIIe siècle, en bonne intelligence avec les Indiens mi’kmaqs, habitants d’origine.
3Cette dynamique est combattue par les Anglais dans la première moitié du XVIIIe siècle, et l’Acadie alternera plusieurs fois entre domination française et anglaise, jusqu’à la victoire de l’Angleterre. Entre 1755 et 1763, c’est le Grand Dérangement, période de déportation des Acadiens vers la Louisiane, le Québec, la France (Belle-Île-en-Mer), les Antilles et même les îles Malouines. Pourtant, au moment même où la France perd ses dernières possessions canadiennes, une diaspora se constitue, qui revient progressivement dans les actuelles Provinces maritimes (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard).
4C’est à partir de la seconde moitié du XIXe siècle qu’une élite se constitue, donnant forme à un nationalisme acadien. C’est par voie de presse (Le Moniteur acadien, L’Évangéline) et par des conventions (créant la Société nationale de l’Acadie) que les Acadiens vont peu à peu obtenir une reconnaissance linguistique, économique et éducative.
5La fin du XXe siècle voit l’émergence de droits politiques avec la création d’un éphémère parti nationaliste acadien, la reconnaissance des Acadiens comme communauté linguistique et le développement d’entreprises. L’économie acadienne comporte une dimension artistique et culturelle avec des maisons d’édition, des compagnies théâtrales, des galeries et des centres artistiques. En ce début de XXIe siècle, l’Acadie occupe un territoire imaginaire qui comprend des provinces canadiennes mais aussi Saint-Pierre-et-Miquelon, la Louisiane et d’autres espaces de la francophonie, investis ou traversés par les Acadiens depuis le Grand Dérangement.