CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Rien n’est jamais acquis aux femmes ? Sur le front de l’éducation, en tout cas, la vigilance reste de mise, souligne l’historienne Micheline Dumont, professeur émérite de l’Université de Sherbrooke, qui revient sur le tardif accès des Québécoises à l’enseignement supérieur, et sur “l’antiféminisme sournois” que leur réussite suscite actuellement[1].

2Au début du XXe siècle, alors que les universités européennes commencent à admettre leurs premières étudiantes et qu’aux États-Unis, celles-ci constituent déjà un tiers des effectifs de l’enseignement supérieur, les jeunes filles catholiques de la province de Québec sont toujours exclues de la seule voie éducative – le “collège classique” – qui donne accès à l’université. Si, à l’issue du primaire, les écolières québécoises veulent poursuivre leurs études, elles doivent presque obligatoirement passer par une institution religieuse, privée et payante. Cette conception d’une éducation différenciée des filles prévaudra jusque dans les années 1960. Cependant, lorsque le gouvernement québécois met sur pied, en 1961, une commission d’enquête sur l’éducation, il y a alors unanimité pour que les réformes envisagées concernent autant les filles que les garçons. Celles-ci, de fait, seront les premières bénéficiaires des mesures adoptées entre 1965 et 1968 : abandon des anciennes structures éducatives sexuées, mixité absolue du nouveau cursus unique primaire, secondaire et supérieur qui est mis en place, et instauration de la gratuité scolaire jusqu’au seuil de l’université.

3Résultat ? Entre 1959 et 1968, le nombre des jeunes gens obtenant un diplôme universitaire est multiplié par 2,8, celui des diplômées par 4,8, et les jeunes filles deviennent rapidement majoritaires à l’université, y compris dans les anciens bastions masculins comme la pharmacie, la médecine, le droit ou l’administration, qui sélectionnent les étudiant(e)s sur la base de leurs résultats scolaires. Mais, si à la fin du XXe siècle, “c’est au Québec (et au Canada) que le taux d’accès des filles à l’enseignement supérieur est le plus élevé au monde”, Micheline Dumont s’inquiète d’un possible retour de bâton. En effet, depuis 1990, “la société québécoise s’alarme du haut taux de décrochage scolaire et surtout de la médiocre performance des garçons dans le champ de la réussite académique”…

Notes

  • [1]
    Le siècle des féminismes, Paris, Éditions de l’Atelier, 2004, 463 p., 27 euros.
Caroline Helfter
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.143.0019
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