Des familles monoparentales aux foyers à un seul parent
Anne EYDOUX, Marie-Thérèse LETABLIER, avec la collaboration de Nathalie GEORGES, Les familles monoparentales en France, Centre d’études de l’emploi, Le Descartes, 29 promenade Michel-Simon, 93166 Noisy-le-Grand cedex, juin 2007, 112 p. www.cee-recherche.fr
1Dans les années soixante-dix, la notion de famille monoparentale apparaît dans le domaine des politiques publiques comme dans le champ de la recherche. Face à l’augmentation du nombre de divorces, de séparations, mais aussi de remariages et à la formation de nouvelles unions, ce concept, avec celui de familles recomposées, est utilisé pour décrire le nouveau paysage des pluralités familiales. La notion de famille monoparentale, traduction de l’expression anglaise de “one parent family”, permettait de rendre compte d’une transformation démographique mais aussi de mettre l’accent sur la situation de ces femmes qui dirigeaient des familles sans la présence d’un homme, rompant ainsi avec des siècles de soumission. Trente années plus tard, Anne Eydoux et Marie-Thérèse Letablier, du Centre d’études de l’emploi, conduisent une recherche sur la situation des familles monoparentales en France dans le cadre d’un programme de l’Union européenne sur le thème “Poverty and exclusion among lone-parent households”, terminologie que l’on pourrait traduire par ménage ou foyer à un seul parent. Ce titre à lui seul traduit les inflexions de la période. Il met l’accent sur la montée de la pauvreté chez les mères célibataires, qui y sont particulièrement exposées en raison d’une situation plus difficile sur le marché du travail et de problèmes spécifiques de garde d’enfants. Situations que ne partagent pas aussi directement d’autres catégories de ménages comprenant elles aussi un seul parent comme les ménages séparés ou divorcés. L’autre changement réside dans la différence de terminologie. En glissant de “one parent family” à “lone-parent household”, on reconnaît implicitement qu’un enfant a toujours deux parents même si ces derniers ne vivent pas ensemble. La notion de co-parentalité est passée par là. 1443
L’autisme, référentiel pour agir
Jacques GRECO, Claude VOLKMAR et autres, Référentiel départemental de bonnes pratiques pour l’accueil des personnes adultes atteintes d’autisme, Conseil général de l’Isère CREAI Rhône-Alpes, 18 avenue Félix-Faure, 69007 Lyon, mai 2005, 40 p. www.creai-ra.org
2Dans un secteur difficile où l’affrontement des passions l’emporte sur la comparaison et le test des méthodes, le Conseil général de l’Isère s’est engagé dans une démarche raisonnable et originale en demandant au CREAI Rhône-Alpes de construire un référentiel de bonnes pratiques. Il ne s’agit pas de valider une méthode au détriment d’une autre mais de rappeler, au-delà des différences de thérapies, que des critères doivent être respectés, permettant d’accueillir et de faire vivre des personnes atteintes d’autisme dans des établissements et services. L‘originalité tient au fait que ces critères ne relèvent pas de la sécurité matérielle ou alimentaire, ou ne décrivent pas quelque protocole de qualité de l’environnement, mais interviennent dans le domaine de la prise en charge. Le référentiel rappelle, par exemple, qu’un diagnostic doit être énoncé et annoncé, que les situations de crises doivent être prévenues et traitées de façon spécifique, qu’une attention toute particulière doit être portée aux âges et aux situations charnières. Construit à l’aide d’expériences multiples et de regards croisés, ce référentiel devrait constituer la trame du cahier des charges des futurs appels à projets des équipements médico-sociaux pour des adultes fortement handicapés dans le département de l’Isère. 1444
Femmes handicapées : double peine
Collectif, Femmes et handicaps, Université des femmes, numéro spécial de Chroniques féminines, 10 rue du Méridien, 1210 Bruxelles, Belgique, décembre 2006, 142 p. www.universitedesfemmes.be
3Les femmes en situation de handicap souffrent-elles plus de discriminations, liées au sexe et au handicap, et sont-elles plus souvent victimes de violences, surtout dans le cadre de leur vie affective et sexuelle, que les femmes non handicapées ? Les très nombreux thèmes abordés dans ce cahier produit par l’Université des femmes de Bruxelles répondent de manière affirmative à cette question peu étudiée dans la littérature francophone. Utilisant des enquêtes réalisées en France, en particulier l’enquête HID ainsi que des témoignages ou des travaux qualitatifs, les auteurs mettent l’accent sur les disparités de genre dans le repérage et la prise en charge des situations de handicap, sur les violences faites aux femmes handicapées, qu’il s’agisse de violences physiques ou de privation des droits. Plusieurs textes abordent les questions relatives à la prise en charge de la maternité. Adoptant le plus souvent une perspective militante féministe, ce document oscille entre la dénonciation de situations insupportables et la préconisation de politiques et de démarches d’intervention plus adaptées à la situation de ces femmes. 1445
La naissance, avant, pendant, après
Cynthia MORGNY, Véronique BRUN, Pratiques autour de la naissance en Côte-d’Or : points de vue de professionnels et de mères, Observatoire régional de la santé de Bourgogne, 34 rue des Planchettes, 21000 Dijon, janvier 2006, 115 p. www.orsbourgogne.free.fr
4Des usagers peuvent-ils devenir des acteurs à part entière d’une politique d’accompagnement de la naissance dans une région ? Telle est du moins l’ambition des personnes qui, à la suite des états généraux de la santé à la fin des années quatre-vingt-dix, ont créé l’Observatoire régional des usagers en périnatalité de Bourgogne. La question n’est pas anodine dans un contexte national de remise en cause des petites maternités pour des raisons de coût et de sécurité. L’attitude même des parents et des futurs parents n’est pas dénuée d’ambiguïtés, prompts à défendre les maternités de proximité, ce sont souvent les mêmes qui pour des raisons de sécurité s’adressent pour leur accouchement aux services spécialisés des centres hospitaliers. Mais l’arrivée de l’enfant n’est pas que le moment précis de l’accouchement, la naissance a un amont et un aval. À partir d’entretiens avec des jeunes mères et des professionnels de la naissance, les auteurs de ce rapport explorent les pratiques autour de la naissance, depuis le début de la grossesse jusqu’aux temps de l’allaitement. Au final, les auteurs proposent un rapport en demi-teinte qui montre davantage certaines difficultés relationnelles entre soignants et futurs parents qu’il ne met l’accent sur une politique à faire évoluer. 1446
Les moments de l’insertion
François BRUN, Michèle ERNST-STÄHLI, Jérôme PELISSE, Trajectoire d’insertion ou gestion »sociale » d’un chômage de masse ?, Centre d’études de l’emploi, Le Descartes, 29 promenade Michel-Simon, 93166 Noisy-le-Grand cedex, février 2006, 141 p. www.cee-recherche.fr
5Être passé par une structure d’insertion par l’activité économique (IAE) améliore-t-il la situation sociale, économique et professionnelle des bénéficiaires de ces mesures ? On sait depuis la loi dite de « lutte contre les exclusions » de 1998 que les conditions d’entrée dans ce secteur ont été fortement modifiées. La mise en place d’une procédure d’agrément par l’ANPE a introduit un acteur supplémentaire entre les bénéficiaires, les institutions de l’IAE et le marché du travail. Cet acteur devrait être garant du fait que les personnes les plus éloignées de l’emploi bénéficient bien de ces structures et surtout que leur efficacité économique s’en trouve renforcée. Ne disposant pas des moyens pour s’engager dans une étude évaluative quantitative, les auteurs de cette recherche essaient, à partir d’entretiens dans lesquels les bénéficiaires décrivent leurs trajectoires, de comprendre comment le passage par une structure d’insertion peut modifier le cours d’une vie. Les résultats de ce travail montrent que le succès d’une action d’insertion est lié à deux facteurs : la pertinence du diagnostic établi par le prescripteur et la compréhension par le futur bénéficiaire de ce qu’il peut attendre d’une telle structure. Si de tels ajustements s’opèrent, alors le passage par la structure d’insertion peut être un sas vers autre chose comme l’affirme Julie dans l’un des entretiens, « cette expérience au sein d’une structure d’insertion s’est avérée positive à bien des égards, puisque le retour et l’intégration dans la vie active s’effectuent en douceur. En effet, dans la mesure où un individu est respecté et que toute sa personnalité est prise en considération même un travail un peu dégradant peu devenir source de richesse… ». 1447
Le logement démonté
Collectif, L’état du mal-logement en France, Rapport annuel 2007, Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, 3-5 rue Romainville, 75019 Paris, 2007, 251 p. www.fondation-abbe-pierre.fr
6S’éloignant de plus en plus d’un texte militant associatif pour proposer une véritable contre-expertise de la situation du logement et des politiques publiques dans ce domaine, le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, en plus d’une actualisation des données chiffrées sur l’état du mal logement, développe trois analyses particulièrement novatrices. La première porte sur la situation des personnes sans logement et utilisant des abris de fortune dans les bois aux abords des villes ou sur des terrains abandonnés. À ces abris qui constituent un non-logement, les auteurs du rapport ajoutent le développement d’une véritable cabanisation, principalement sur le littoral méditerranéen et sur la côte landaise, les campings qui deviennent un habitat permanent et l’émergence des formes dénaturées d’habitat comme substitut au logement tels les garages, les soupentes, les sous-sols, les boutiques ou les locaux d’activité. La seconde analyse interroge plus globalement le marché du logement. La progression très rapide des coûts du logement, en accession comme en location, constitue une source d’appauvrissement pour des familles d’enseignants, d’infirmières, de travailleurs sociaux, de cadres intermédiaires dont les revenus salariaux n’ont pas suivi la même progression. En matière de logement, l’ascenseur social pour ces familles est lui aussi en panne. La Fondation parle à leur propos de duperie. La dernière analyse porte sur les politiques publiques dont on aurait pu penser qu’elles venaient compenser les distorsions du marché du logement. Ce n’est pas le cas et la majorité des mesures engagées ces dernières années visent à favoriser la fraction supérieure, voire très supérieure, des classes moyennes. Le rappel du fait que 95 % des ménages peuvent désormais bénéficier du prêt à taux zéro est de ce point de vue particulièrement éloquent. 1448
Cannabis, pour comprendre
Jean-Michel COSTES (sous la direction de), Cannabis, données essentielles, Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 3 avenue du Stade-de-France, 93218 Saint-Denis-La Plaine Cedex, 2007, 232 p. www.ofdt.fr
7Les publications quasi simultanées dans LANCET, la prestigieuse revue anglaise de médecine, d’un compte rendu de recherches sur les pathologies induites ou favorisées par la consommation de cannabis et d’un rapport entièrement consacré à ce produit par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies ont alimenté bien des articles et chroniques radiophoniques durant l’été. Ces rapports et travaux arrivent bien à propos pour éclairer une situation relativement confuse. Le cannabis est surtout consommé par des jeunes, utilisateurs réguliers mais plus souvent expérimentateurs occasionnels qui se veulent plutôt rassurant sur les risques de ce produit qu’ils opposent aux drogues dites dures et à l’alcool. En revanche, la montée de l’usage du cannabis est régulièrement dénoncée par les plus âgées, faibles consommateurs, qui mettent l’accent sur le fait qu’une drogue douce et illicite reste une drogue interdite. Les clivages politiques sur la nécessité de s’engager ou non sur la dépénalisation du cannabis ne contribuent pas à clarifier la situation Les auteurs du rapport rappellent la montée parmi les jeunes générations de l’usage du cannabis mais aussi sa stabilisation actuelle. La part des consommateurs réguliers est de l’ordre de 6 % parmi les 15-34 ans. Les auteurs signalent que le cannabis est d’abord un marché dont la matière première provient du Maroc via la Belgique et les Pays-Bas, même si l’autoculture est un phénomène en expansion, marché dont le chiffre d’affaires est sans doute inférieur au milliard d’euros. Pour mémoire, les filières alcool et tabac pèsent de l’ordre de 14 milliards chacune. Les effets somatiques du cannabis restent mal connus en dehors des effets sur les accidents de la route. Si l’on a pu constater l’existence de liens entre des troubles psychotiques et l’usage du cannabis, la nature de ces liens reste à mettre en évidence. Le rapport de l’OFDT ne contient pas de révélations majeures mais sa précision, la qualité des données recueillies, l’importance des notes bibliographiques et méthodologiques en font un véritable outil de référence. 1449
Tenter l’articulation
François ROCHE (sous la direction de), Décloisonnement et articulation du sanitaire et du social, Conseil supérieur du travail social. 2006, 116 p. Diffusion ENSP, avenue Professeur Léon-Bernard, 35000 Rennes
8Le cloisonnement n’est pas toujours inutile voire nuisible. Il permet parfois de délimiter des problèmes à traiter, de créer des espaces homogènes de travail et de rendre plus simples des réalités humaines toujours complexes. L’expérience enseigne toutefois que le cloisonnement est trop souvent synonyme d’enfermement et de repli sur soi. Aussi, devant toute cloison, il convient de s’interroger pour savoir s’il s’agit d’un cloisonnement à éviter ou à contourner ou une limite utile, un repère structurant. Dans les relations entre la santé et le social, les références fondamentales de la charte d’Ottawa devraient permettre à tout professionnel de se demander si la cloison sert ou dessert la santé et le social. Cette règle de conduite est probablement la leçon la plus importante issue des travaux du groupe du Conseil supérieur en travail social sur les articulations entre sanitaire et social. Elle émerge, de façon pragmatique, d’une réflexion souvent désabusée où l’articulation entre ces deux secteurs apparaît comme un idéal que même le législateur ne semble plus déterminé à atteindre. 1450
Mineurs en centres fermés
Collectif, Mineurs délinquants, une problématique à dimension européenne, Actes du colloque de mai 2006. Ecole nationale d’administration pénitentiaire, 440, avenue Michel- Serres, 47000 Agen cedex 9, 2006, 163 p. www.enap.justice.fr
9L’Ecole nationale d’administration pénitentiaire propose les actes d’un passionnant colloque organisé à Agen en 2006 sur le thème de la justice des mineurs presque entièrement consacré à la question de l’incarcération. Le colloque aborde cette question selon une double perspective. La première est socio-historique. Elle montre le basculement d’un modèle essentiellement basé sur la protection visant dans le cadre d’une justice d’exception à prendre en charge de jeunes déviants et à les réintégrer dans la vie sociale, vers un autre modèle où la responsabilisation individuelle, l’importance accordée à la victime et au ciblage sécuritaire de certains groupes deviennent les points clés. Si l’Ordonnance de 1945 incarne parfaitement le premier modèle, les débats autour des centres éducatifs renforcés ou des établissements pénitentiaires pour mineurs illustrent en France les enjeux du second modèle. La seconde perspective est européenne. Elle souligne, à la fois, la tendance commune à la plupart des pays européens au glissement vers le recours à des formes contraignantes pour les mineurs mais aussi les résistances de certains pays comme la Suède ou la Belgique pour maintenir des interventions plus soignantes. 1451