1Les solutions imaginées, en Europe, pour répondre au problème du logement populaire doivent beaucoup au brassage d’idées qui s’est produit à partir des habitations ouvrières modèles de l’exposition universelle de Paris de 1867. Et c’est encore en lien avec une autre exposition universelle, toujours à Paris, en 1889, que s’est tenu le premier congrès international des habitations à bon marché, creuset fécond à partir duquel les idées ont pu se diffuser.
2Mais au-delà des échanges intellectuels qui se sont alors multipliés, c’est, disent Annie Fourcaut et Frédéric Dufaux [1], la question apparemment technique du financement de cet habitat qui constitue le meilleur critère de comparaison des rôles respectifs de l’État, des municipalités, des provinces ou des institutions issues de l’économie sociale dans les différents pays.
3“Tirer le fil du financement […] conduit au cœur du système”, affirment les auteurs qui soulignent aussi que la provenance des capitaux investis définit mieux le logement social que ne le ferait une caractérisation de ses populations cibles.
4Il fallait, pour réaliser ces investissements, de l’argent peu rémunéré permettant la mise à disposition des logements à un prix n’incluant pas de profit et tenant compte du faible coût du capital des prêts qui assurent le financement à long terme. Pour atteindre ce but, les stratégies nationales ont été variées.
5En France (loi Siegfried, 1894), les fonds sont empruntés aux réserves de la Caisse des dépôts et consignations, et en Italie (loi Luzatti, 1903), aux encours des caisses d’épargne, tandis que l’Espagne (loi du 12 juin 1911) offre des subventions d’État aux sociétés et aux patrons s’occupant de la construction de maisons pour ouvriers, avec des comités de patronage constitués par les municipalités. La Grande-Bretagne (Housing of the Working-Class Act, 1890) confie la construction sociale aux communes, mais l’Empire allemand, trop récemment unifié, voit se multiplier les initiatives sans chercher à les harmoniser.
6Deux guerres mondiales plus tard, l’idée d’une gestion nationale du problème du logement s’impose. Là encore, le problème essentiel va être de trouver de l’argent, et si la mise en place des financements publics peut donner l’impression d’une certaine identité du point de vue technique, les politiques qui les inspirent traduisent, en France, en Italie ou en Espagne, une grande variété d’inspirations et des objectifs sociétaux différents.
7Une fois le plus gros de la tâche reconstructive accompli, va s’effectuer, à peu près partout, un “retour au marché”, entre 1955 et 1960. L’Espagne la première, puis l’Allemagne et l’Italie, selon des modalités il est vrai très différentes, et enfin la France (via la réforme du financement des HLM, en 1966-1968) connaissent un désengagement de l’État du secteur de la construction. Retour au marché assez fragile toutefois car la crise économique liée au coût de l’énergie après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, la question du logement des immigrés et le développement du chômage dans les pays industrialisés ont rouvert pour le logement social “le temps des interrogations sur ses missions dans les villes européennes en crise”.
Notes
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[1]
Annie Fourcaut et Frédéric Dufaux, Le monde des grands ensembles, Paris, Créaphis, 2004, 264 pages.