“Les centres éducatifs renforcés, pulsations du social”, Empan, n° 59, Érès, septembre 2005
1La revue Empan propose une livraison sur les Centres éducatifs renforcés (CER), dont les contributions s’appuient principalement sur les expériences et les réflexions de professionnels intervenant dans ces dispositifs. Cette publication intervient alors que les CER fêtent leur dixième anniversaire depuis leur mise en place, en janvier 1996, par le ministère de la Justice, dans le cadre du pacte de relance pour la ville. Actuellement, on en compte 69, dont 7 gérés directement par les services de la protection judiciaire de la jeunesse et 62 pris en charge par le secteur associatif habilité, bon nombre relevant de structures d’associations départementales de Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence.
2Ce qui marque le CER c’est le terme de rupture, employé à différents niveaux. Il y a d’abord la rupture adolescente structurelle qui marque les jeunes pris en charge, dont la moyenne d’âge est de 16 ans ; on identifie ensuite les multiples ruptures des cadres quotidiens des jeunes sur les plans familiaux, scolaires, professionnels, etc. ; enfin, on peut parler de la rupture liée spécifiquement à l’accueil en CER. En effet, le dispositif est pratiquement toujours situé à grande distance du “milieu naturel” de l’adolescent et parfois dans des espaces très reculés. Les auteurs utilisent les termes de “déplacement”, “décentrement” voire “délocalisation éducative” pour désigner cette rupture spatiale. Ils notent le caractère paradoxal de cette dernière forme qui ne se pense pas comme une rupture de plus mais comme une étape stratégique dans une pédagogie du lien, à condition de bien se situer dans un continuum de prise en charge.
3Les auteurs s’entendent assez largement pour caractériser les CER comme des expérimentations, c’est-à-dire comme des structures possédant toutes quelques caractéristiques de base communes mais développant aussi, dans chaque lieu, des formes innovantes et singulières. Cette dimension expérimentale tient à des spécificités multiples qui apparaissent tout au long de l’intervention éducative. Parmi d’autres, il y a la notion d’encadrement renforcé qui désigne à la fois un accompagnement permanent et le “faire avec”. Le personnel éducatif est en majorité composé d’intervenants non diplômés mais disposant d’une expérience professionnelle dans un autre champ que l’éducation (charpentier, éducateur sportif, etc.). Une formation, également expérimentale, prend en charge ces éducateurs en vue d’une certification de compétences où l’expérience antérieure est bien comprise comme un acquis. L’action éducative, présentée dans quelques articles, montre plusieurs exemples d’expérimentation. Ainsi, dans tel CER, une “grève” des jeunes sert de support à l’élaboration d’un cahier des charges interne ; plus radicalement, un autre CER situe entièrement son action au Burkina Faso, articulant éducation renforcée et coopération décentralisée.
4À lire les différents textes, on est amené à penser que la question en suspens est moins celle de l’efficacité des CER que celle de la continuité du parcours et du retour du jeune dans son “milieu naturel”.