1“Aujourd’hui, certains parents n’osent pas dire non à leur enfant, même tout petit”, fait observer Philippe Jeammet, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Paris-V [1]. Pourtant, compte tenu de la dépendance du tout-petit, même si l’adulte ne veut pas être autoritaire, sa non-autorité, aussi, est une forme d’autorité, explique le psychiatre. Le parent qui ne peut supporter de laisser un peu pleurer son bébé, par exemple, s’identifie au trouble de l’enfant, comme si le laisser pleurer c’était l’abandonner, le laisser sans moyens, c’est-à-dire dénier qu’il ait en lui les ressources pour faire face à cette situation. “Je crois qu’en n’exerçant pas d’autorité, le parent transmet son propre pessimisme, ses insatisfactions, sa peur de faire souffrir l’enfant, donc une sorte de primauté du risque de souffrir sur l’idée d’une force que l’enfant aurait pu acquérir”, analyse le psychiatre.
2Au fur et à mesure que l’enfant grandit, cette autorité est de moins en moins nécessaire, ajoute-t-il. Elle doit, néanmoins, continuer longtemps à s’imposer dans certaines limites à l’adolescent, même si celui-ci n’est pas d’accord. Mais, parce que s’identifiant trop à eux, ils vivent le conflit comme dangereux, les parents se trouvent souvent en difficulté avec les adolescents par rapport à l’autorité. Or, s’il y a trop d’empathie, il y a risque d’indifférenciation : on traite l’autre comme soi. “L’autorité, dans la mesure où elle est différenciatrice, pose des limites et délimite les places. Si l’on ne sait pas où sont les limites, il est difficile de sentir sa place”, précise le Pr Jeammet. Dans ce cas, il y a un “court-circuit des désirs réciproques parent-enfant, qui fait que chacun empiète tout le temps sur le champ de l’autre”.
3Il ne s’agit plus, bien sûr, d’être mécaniquement autoritaire ni de nier les effets positifs de la plus grande attention aujourd’hui accordée à l’expression des enfants. Cependant, il faut comprendre pourquoi le retour d’une certaine forme d’autorité est fondé : une forme d’autorité sensiblement différente de celle qui existait avant, mais qui conserve cette fonction de limite, insiste le psychiatre. Faute de quoi, les enfants et les adolescents sont en fait livrés à une autorité bien pire : “Celle de leurs exigences pulsionnelles et narcissiques, alimentées par le sentiment qu’ils ne savent pas bien ce qui est à eux”.
Notes
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[1]
In Questions d’autorité, sous la direction de P. Huerre et D. Guilbert, Érès, 2005, 214 p., 13 euros.