1La politique familiale n’a pas été inventée par l’État-providence. L’histoire de son apparition dans le paysage social français date de près d’un siècle et demi. Sous le titre “Histoire et évolution de la politique familiale en France”, Jacques Bichot, professeur d’économie et membre honoraire du Conseil économique et social, a brossé pour l’Union des familles un tableau de ses premières manifestations [1].
2La première disposition relevant, en France, de la politique familiale semble être l’instauration, en 1860, d’un supplément familial de traitement au bénéfice des marins. Il s’agissait d’une indemnité de 10 centimes par jour et par enfant de moins de 10 ans, soit à peu près 5 % d’un salaire ouvrier journalier.
3Sous la IIIe République, des initiatives analogues furent prises dans le secteur privé dès 1884, puis, en 1891, incités par l’encyclique Rerum Novarum, des patrons chrétiens adoptèrent le sursalaire familial afin de permettre au travailleur de répondre au “devoir sacré” que la nature impose au père de famille “de nourrir et d’entretenir ses enfants”. La même année, Léon Harmel, patron d’une importante filature, innova en créant une “caisse de famille”, dont il confia la gestion à une commission ouvrière, pour attribuer des suppléments familiaux – en argent et en nature – à ses employés ayant des enfants à charge. À la veille de 1914, une quarantaine d’entreprises, en France, versaient des indemnités pour charges de famille. Dans les administrations d’État, le mouvement s’initia secteur par secteur et fut généralisé en 1911 par l’adoption d’une loi visant à généraliser et à augmenter la compensation des charges de famille dans la fonction publique. Les débats qui ont accompagné ce vote sont intéressants dans la mesure où ils révélaient déjà les positions actuellement exprimées en matière d’allocations familiales, du refus de principe fondé sur la conviction que chacun doit assumer la charge des enfants qu’il a engendrés jusqu’à la création d’un salaire familial soutenant ceux qui procréent et élèvent leurs enfants, en passant par toutes les variantes (conditions de ressources, prestations décroissantes en fonction du revenu…) qui interviennent dans la fixation de telles aides.
4Après 1918, les initiatives patronales se sont multipliées, et des caisses de compensation privées, rendues obligatoires pour tout employeur en 1932, se mirent en place pour mutualiser les contributions patronales aux charges de famille. Les allocations familiales étaient nées.
5Le succès de la mesure conduisit à l’étendre aux agriculteurs par le décret-loi du 14 juin 1938, puis à augmenter sensiblement les prestations (décret-loi du 12 novembre 1938) en obligeant les caisses à s’aligner sur les plus généreuses d’entre elles.
6Les années de guerre et d’occupation ne présentent pas que des aspects négatifs sur le plan de la politique familiale : c’est ainsi, par exemple, que les chômeurs obtinrent, en novembre 1940, le droit aux allocations familiales, réservées aux travailleurs, et, en 1941, les assurés sociaux malades, puis, en 1942, les veuves bénéficièrent du maintien des prestations.