1À l’inverse de l’effet que produit la tutelle, l’émancipation permet aux mineurs d’échapper par anticipation à l’autorité légale que leurs parents exercent sur eux et aux limitations très strictes qui sont attachées à leur capacité à agir. D’un côté, celui de la tutelle, on prive un individu des facultés sociales qui sont liées à la qualité de citoyen et dont il devrait, en principe, jouir jusqu’à sa mort ; de l’autre, on lui permet d’accéder avant l’heure à des droits qui ne lui seraient pas ouverts avant un certain temps. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la protection des personnes qui est évoquée comme justificatif de la mesure.
2Prévue dès la première édition du Code civil, cette disposition n’a jamais été suspendue au cours des ans mais a connu des adaptations successives liées, d’une part, à l’âge à partir duquel il était possible d’y recourir – en général deux années avant l’accession à la majorité de plein droit – et, d’autre part, aux formalités qu’elle exigeait. Longtemps laissée à l’initiative du père ou “à défaut”, à celle de la mère, cette faculté appartient désormais à l’un et à l’autre des deux parents sans ordre de priorité ni distinction : il suffit, si l’un des deux fait la demande, que le second ait été “avisé” et ait manifesté son point de vue. Il n’est pas prévu que le mineur lui-même demande son émancipation à la Justice mais, depuis 1993, l’enfant est obligatoirement entendu par le magistrat à qui il appartient d’apprécier les motifs de la demande et d’accéder ou non au souhait du requérant. Cette exigence a été introduite dans la loi afin d’éviter que cette “séparation légale” soit utilisée par les parents pour se soustraire à leurs obligations envers leurs enfants à un moment où, assez souvent, les relations à l’intérieur de la famille sont difficiles.
3L’émancipation répond à certaines situations dans lesquelles, du fait de sa personnalité ou des circonstances, il est devenu difficile au jeune de ne pas pouvoir décider par lui-même pour des actes de la vie courante que son statut juridique d’incapable civil lui interdit d’entreprendre. Elle lui permet d’acquérir une certaine autonomie, mais une certaine autonomie seulement car le statut d’émancipé n’est pas tout à fait équivalent à celui de majeur. C’est ainsi, par exemple, qu’un mineur émancipé peut gérer son patrimoine, acquérir un bien ou subir une opération chirurgicale sans solliciter l’autorisation de quiconque mais, en revanche, qu’il ne peut, par exemple, ni devenir commerçant ni se marier sans le consentement de ses parents, ni se donner en adoption, ce dernier cas constitue quand même une situation assez peu fréquente. À noter cependant que, si le mineur est autorisé par ses parents à contracter un mariage, il est immédiatement émancipé de fait par cette union.