CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1À l’attention de ceux qui pensent que l’économie est une science gouvernée par la logique, ces chiffres : 37 % des enfants ne reçoivent pas d’argent de poche, 30 % reçoivent moins de 20 euros par mois, 20 % de 30 à 50 euros par mois et 13 % plus de 50 euros.

2Ces données empruntées à un journal électronique pour les jeunes, qui les a recueillies par sondage auprès de ses lecteurs, ne sont sans doute pas d’une fiabilité scientifique à toute épreuve. Mais en évaluant le “revenu moyen” des adolescents consultés à 25 euros mensuels, le pouvoir d’achat de la petite dizaine de millions de Français de 10 à 18 ans devrait s’établir autour de 250 millions d’euros, alors qu’il est évalué par l’institut TNS Média intelligence à 1,5 milliard, soit six fois plus, et par le CETELEM (qui étend la notion de jeune à l’âge de 30 ans) à 25 milliards.

3C’est assez suggérer que la jeunesse constitue une “cible” commerciale privilégiée dont les publicitaires n’ont évidemment pas manqué de remarquer la sensibilité aux marques. L’analyse d’un spécialiste du marché publicitaire radiophonique distinguait récemment trois grands types d’annonceurs pour les adolescents : le marché captif, constitué par moins de cent marques qui ne communiquent qu’en direction du jeune public ; le marché non captif, concernant des firmes – environ 400 – qui proposent des articles tous publics mais qui peuvent, pour un produit donné, viser spécifiquement la classe d’âge “enfants” ; et le marché de l’enfant prescripteur.

4C’est là que réside peut-être la clef du paradoxe. Car avant d’être un consommateur disposant à la fois du pouvoir de décider et des moyens de payer, l’enfant – sensibilisé, il est vrai, de plus en plus tôt à ce rôle de consommateur, en particulier par les banques – possède la faculté d’influencer les choix de ses parents. Ce phénomène-là non plus n’a pas échappé aux industriels, qui savent comment susciter et entretenir l’envie de l’enfant-roi qui apprendra très vite les techniques du harcèlement de persévérance et celles, plus subtiles, du harcèlement dit “d’importance”, grâce auquel le désir des parents d’offrir “ce qu’il y a de mieux” à leurs enfants sera stimulé.

5Dans cette stratégie, les annonceurs sont souvent aidés par des psychologues, fins connaisseurs des ressorts des envies enfantines, qui soufflent aux spécialistes du marketing des recettes aptes à “fidéliser” les plus jeunes sinon à un produit, du moins à son conditionnement ou au logo qui assurera sa notoriété. Quant à ce que les jeunes consomment, la source la mieux informée reste l’enquête “Budget des familles” de l’INSEE. La comparaison qu’elle propose en matière de structure des dépenses des différents groupes d’âges révèle une relative homogénéité des différents postes (boissons, habillement et chaussures, transports, loisirs et culture, etc.) d’une génération à une autre, sauf, et certainement pour des raisons assez diverses, en ce qui concerne l’alimentation (plus on est âgé, plus on dépense pour se nourrir, proportionnellement à ses revenus), le logement (là, c’est l’inverse car les plus âgés sont plus souvent devenus propriétaires), la santé (la dépense des seniors est trois fois plus élevée que celle des plus jeunes mais leur couverture sociale est aussi plus large et il est possible que la demande de soins soit sous-exprimée chez les jeunes) et la communication… effet probable du développement de la téléphonie mobile.

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.137.0091
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