CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1S’il a d’abord été utilisé en architecture pour désigner un “nouvel art de construire” s’autoproclamant libéré des standards et des contraintes héritées des années techniciennes et hyper rationalistes, puis en littérature et en philosophie pour rassembler les démarches visant à déconstruire des récits et des pensées considérées comme figés et stériles, c’est surtout en sociologie que le qualificatif de “postmoderne” a connu le plus grand succès.

2Les pratiques de la vie quotidienne, qu’elles soient consuméristes, culturelles ou simplement relationnelles, offrent en effet à l’observateur contemporain nombre de sujets d’étonnement : l’éclectisme et le mépris de l’harmonie s’y manifestent avec autant d’évidence que l’absence d’esprit de système.

3Des parentés intellectuelles dont elle se revendique (Foucault, Lyotard, Lipovetsky, Huntington), la postmodernité a hérité d’une totale désillusion vis-à-vis des idéologies et une perte de confiance à l’égard de la science, du progrès, du politique et des institutions. Peut-on, dans ces conditions, parler de ses valeurs, alors que le pragmatisme et le refus de toute homogénéité semblent constituer sa seule caractéristique identifiable. Tout au plus peut-on la distinguer radicalement de la “punk attitude” des années soixante-dix qui affirmait son rejet du futur. La postmodernité ne refuse rien mais exprime un doute existentiel quant aux théories, auxquelles elle oppose l’agir ici et maintenant en exploitant les possibilités qui se présentent.

4Dans le dictionnaire de la sociologie[1] dont il a été un contributeur, Michel Maffesoli s’essaye à décrire quelques-uns des traits qui définissent l’homme postmoderne. Parmi ceux-ci et probablement au premier rang, le refus de choisir entre toutes les théories et le recours à des “bricolages” associant des éléments des unes et des autres sans souci de cohérence et sans autre méthode que l’expérimentation hasardeuse. La valorisation des valeurs “locales”, qui s’exprime à travers la référence à la terre, au pays, au territoire, ou l’affirmation de solidarités fondées sur des dénominateurs communs étroits et souvent artificiels (tribus, communautarisme) témoignent de cette conviction pourtant non exprimée comme telle que, les grandes organisations ayant échoué, c’est dans les petites unités qu’il convient de rechercher les raisons de vivre. À cet abandon – au moins apparent – de l’organisation répond une fragilisation de l’individu, terme qui, d’ailleurs, “ne semble plus de mise […] en tout cas dans son sens strict”, et auquel il semblerait plus approprié de substituer celui de “personne” jouant successivement des rôles divers au sein des tribus auxquelles elle se réfère. Ses identifications multiples se succèdent dans leur instantanéité et c’est, semble-t-il, dans ce mouvement en pointillés que se dessine l’image floue de l’homme postmoderne.

Notes

  • [1]
    Notice “Postmodernité”, in Dictionnaire Robert de sociologie (André Akoun et Pierre Ansart), Paris, 1999, Le Seuil, 587 pages, ISBN 2850365785 (45,30 euros).
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.136.0051
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