CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Martine Barthélemy, ”Les associations de parents d’élèves en France”, Revue française de sociologie, n? 36, 1995

1Les Associations de parents d’élèves (APE) forment une élite militante, articulant les revendications d’un mouvement et la mise en avant d’une idéologie structurée. Cette militance se situe à l’intersection des débats sur l’école et du renouvellement des formes d’engagement associatif. Lors d’une enquête conduite auprès des trois grandes APE (FCPE, PEEP, UNAPEL), Martine Barthélemy a pu faire quelques constats concernant la vitalité et les domaines d’engagement des “militants de l’école”.

2Avec une répartition de 800 000 adhérents pour l’UNAPEL, 300 000 pour la FCPE et 400 000 pour la PEEP, on peut à la fois estimer une présence forte des APE et constater, sur le long terme, une régression sensible des effectifs. Cette désaffection tient à plusieurs causes qui dépassent le cas des APE : le passage du militantisme centralisateur des grandes associations nationales à une “société civile” locale suscitant des engagements partiels et à durée déterminée ; l’échec de l’offre éducative, débordée par le nombre d’élèves et par les stratégies consuméristes des familles. Cependant, sur le terrain des APE locales, on peut voir que l’action s’est recentrée autour d’un processus local que l’auteur nomme la “mystique communautaire.

3Cette expression permet d’aborder la question des droits et des devoirs de participation des APE dans le contexte de la formation d’une ”communauté éducative”, voulue par les termes de la loi d’orientation de l’éducation de 1989. Cette communauté éducative regroupe enseignants et APE, ces dernières se sentant d’autant plus parties prenantes que leurs acteurs sont à la fois des parents concernés et des militants impliqués. La communauté n’est pas réalisée d’emblée, c’est un objet idéologique à définir et un horizon que l’on s’efforce d’atteindre. Les domaines investis peu à peu par les APE sont les rythmes scolaires, l’orientation des élèves, la pédagogie et les contenus des enseignements.

4L’enquête montre que les relations entre les partenaires de cette communauté éducative sont ambivalentes. Le point de vue des parents fait état d’un sentiment d’impuissance et d’une déception forte face à l’instrumentalisation dont ils font l’objet. En effet, les APE sont réduites à des tâches subalternes et matérielles qui les cantonnent à un rôle mineur alors qu’elles sont censées jouer un rôle partenarial important dans les instances de décision des établissements scolaires. Paradoxalement, le domaine où le pouvoir parental s’est réellement concrétisé est celui de l’orientation scolaire, qui concerne davantage le niveau individualiste et consumériste de l’action parentale que la dimension collective et d’intérêt général des associations.

5Avec des variations prenant en compte les critères public-privé ou gauche-droite, les APE doivent jouer de contradictions fortes. Mais peut-être en verrons-nous émerger les voies d’un renouvellement du militantisme d’école.

Alain Vulbeau
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.133.0069
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