CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Qu’elle apparaisse en droit interne (article 375 du Code civil français sur l’assistance éducative) ou en droit international (Convention internationale des droits de l’enfant de 1989), la référence à l’intérêt de l’enfant dans les textes législatifs pourrait porter à penser que la notion est clairement définie et qu’elle constitue pour le juge un critère indiscutable de décision. Cette hypothèse est malheureusement erronée et certains vont jusqu’à soutenir que le principe en question ne constitue en réalité que l’habillage d’un vide.

2Il n’existe en effet pas de liste d’objectifs précis qui seraient ”bons” à tout coup pour l’enfant. Tout au plus peut-on estimer, avec quelque justesse, que certaines situations sont préférables à d’autres : être bien plutôt que mal nourri, en bonne santé plutôt que malade, dans un milieu aimant plutôt qu’abandonné ou maltraité… mais le bon sens ou le sens commun, pour être hautement recommandables, ne sont pas plus des catégories opérationnelles que le bien et le mal sont des catégories absolues.

3Généralement, la recherche de l’intérêt de l’enfant porte sur les meilleures dispositions à prendre quant à sa résidence (vivre avec l’un ou l’autre de ses parents, voire être confié à un autre membre de la famille ou à une structure d’accueil), quant aux conditions de son éducation intellectuelle ou religieuse, ou encore quant à la protection de sa santé.

4Si l’on accepte l’idée que le principe est relatif aux situations dans lesquelles il doit être discuté, il reste encore à déterminer qui est le plus qualifié pour choisir, entre plusieurs options, celles qui seront garantes de cet ”intérêt de l’enfant”.

5Assez paradoxalement, il s’est établi une sorte de consensus pour considérer que l’enfant lui-même est le plus mal placé de tous pour tenir ce rôle, quand bien même il s’agit de son propre intérêt. On estime en effet, d’une part, qu’il ne peut pas être juge et partie puisqu’il s’agirait bien là pour lui, non seulement d’exprimer une préférence, mais aussi de trancher entre des propositions antagoniques. Et surtout, l’enfant lui-même est disqualifié en raison de son statut qui le définit comme ne disposant pas du discernement nécessaire à une telle opération, dans laquelle il doit obligatoirement être assisté. On procède cependant de plus en plus fréquemment à des auditions destinées à recueillir sa parole dans des conditions aussi ”neutres” que possible.

6D’ordinaire les représentants naturels des enfants, les parents, sont, eux aussi, souvent disqualifiés dans la mesure où le problème à régler est lié à un différend grave entre eux ; on ne peut donc, au mieux, qu’entendre leur position en gardant à l’esprit que leurs points de vue sont sans doute guidés par des motivations extrêmement complexes. La même réserve s’applique au témoignage des grands-parents qui se trouvent solidairement impliqués dans les conflits qui opposent les parents.

7Le juge chargé de trancher – et qui ne peut se dérober à cette mission – ne peut donc compter pour l’éclairer que sur les pièces souvent contradictoires d’un dossier d’observation sociale, sur son intime conviction et sur le secours des sciences humaines, à la lumière desquelles il va devoir s’efforcer de peser les éléments de sa décision, seul et souvent dans le tumulte des crises familiales.

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.133.0053
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