CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Pour les jeunes parents, la visite de la puéricultrice à leur domicile peut représenter une aide efficace et/ou générer la crainte qu’un professionnel de santé ne s’immisce dans leur vie privée. L’attitude de cette professionnelle de la santé sera alors déterminante pour établir la confiance. Une approche basée sur le respect de l’autre, l’écoute, les conseils pratiques, afin d’initier la découverte du nouveau-né.

2La circulaire de mars 1983 [1] redéfinit et approfondit les orientations des centres de Protection maternelle et infantile (PMI), en mettant l’accent sur les notions de promotion de la santé, de santé médico-psychosociale, de lutte contre les inégalités et de prise en compte de l’environnement social de l’enfant et de sa famille. La loi de 1989 [2] sur la promotion et la protection de la santé marque deux changements importants. D’une part, alors qu’auparavant le législateur ne prenait en compte que les relations entre la mère et l’enfant, on met désormais en parallèle les notions de famille et d’enfance. D’autre part, la notion de protection de la santé s’élargit et recouvre celle de promotion de la santé individuelle, familiale et communautaire.

3Les centres de PMI, services décentralisés des conseils généraux et des municipalités (selon les conventions), sont dirigés par un médecin-chef. Depuis leur création en 1945, de nouveaux besoins sont apparus. La notion de parentalité a beaucoup mieux été prise en compte et le travail de puéricultrice a dû évoluer. Son rôle principal s’est précisé au fil du temps : soutenir les parents et les aider… à devenir parents. Son travail en centre de PMI ou à domicile s’inscrit dans le cadre de la prévention primaire. Les professionnels de la PMI sont en réseau avec tous les autres services de la famille, de l’enfance et de la santé.

Le centre de PMI : soutenir, informer, écouter

4Les parents peuvent trouver dans les centres de PMI des réponses à leurs nombreuses questions et une écoute dans les domaines relevant à la fois du médical, du social ou du psychologique. Le rôle premier de la PMI est d’accompagner les familles dans les soins du nouveau-né et de leur donner des éléments de base concernant le suivi médical de l’enfant. Le personnel est aussi présent lorsque le nourrisson naît prématurément, est handicapé ou atteint d’une pathologie grave. Les familles peuvent trouver un soutien psychologique ; les professionnels sont là pour rassurer les parents sur leurs compétences, mais également pour évoquer avec eux les problèmes que pose l’arrivée du nouveau-né dans une famille. Les PMI ont aussi vocation à informer les parents sur leurs nouveaux droits (allocations familiales, Sécurité sociale, état civil).

5Tout ce travail se fait au Centre de PMI et/ou au domicile de la famille. C’est dans ce dernier cas que se pose plus particulièrement la question de la limite entre ce qui est de l’ordre du privé et ce qui relève de l’intervention du professionnel. Comment ne pas être intrusif ou ressenti comme tel ?

Se rendre au domicile : éléments de base

6En tant que puéricultrice, je propose systématiquement aux parents une visite à leur domicile, qui peut d’ailleurs être refusée ou différée. Elle est complémentaire d’un suivi médical. Quand elle est acceptée ou demandée, je peux me rendre au domicile à plusieurs reprises après la naissance d’un enfant. Il est préférable que cette visite soit planifiée en fonction des disponibilités de la famille, le temps prévu étant d’environ une heure trente. Elle doit se faire le plus tôt possible après la sortie de la maternité. La puéricultrice offre une écoute à la mère et à la famille. Sa visite a pour but de réconforter les parents, mais aussi de mettre en avant les compétences de ces derniers.

7Aller au domicile en tant que professionnel nécessite une réflexion personnelle. Pour ma part, je parle beaucoup de mon travail avec la psychologue du service qui m’aide à prendre du recul, à me centrer sur les éléments importants afin de savoir comment aider au mieux les enfants dans leur famille. Par exemple : quelle place occupe l’enfant au sein de la cellule familiale ? Comment la mère ou la famille parlent-elles de lui ? Quels adjectifs sont choisis pour le décrire ?, etc.

8Durant la visite, j’ai choisi de mettre en avant ce que les parents font bien avec leur enfant, et de ne jamais laisser penser qu’ils s’y prennent mal. Je ne dis pas : “Ce n’est pas bien” ni “Il ne faut pas faire ça”, mais plutôt : “Avez-vous déjà essayé de faire de telle façon ?” ou “Peut-être pourriez-vous essayer de faire de telle façon ?” Souvent, les parents ont préparé une liste de questions autour, la plupart du temps, de l’alimentation, du sommeil, des frères et sœurs et des soins à apporter à l’enfant.

9La visite terminée, je transmets à l’équipe du centre de PMI ce qu’il est important de savoir pour recevoir la famille au centre (si celle-ci est d’accord). Il est fondamental de respecter les confidences de la famille, au nom du secret professionnel. Je partage seulement avec mes collègues les éléments permettant de comprendre les difficultés rencontrées par la famille.

“Dites-lui, vous !”

10La visite commence par un historique de la grossesse et la mère peut revenir, à ce moment-là, sur le déroulement de son accouchement. Parfois, c’est le seul moment où elle s’autorise à en parler ; elle exprime ses peurs, ses douleurs, son ressenti. Dorénavant, le congé de paternité permet au père d’être au domicile lors du rendez-vous avec la puéricultrice, ce qui favorise les échanges autour du bébé.

11Il arrive qu’un autre membre de la famille soit présent (une mère ou une belle-mère, par exemple). Cette présence fausse malheureusement souvent la situation ; les parents se sentant beaucoup moins libres d’exprimer leurs sentiments. Lorsque la mère ou les parents ne sont pas seuls, ils ont évidemment beaucoup plus de mal à aborder les questions les plus intimes. De plus, les autres membres de la famille ont tendance à profiter de la présence de la puéricultrice pour donner tort à l’un des deux parents (on entend des phrases comme : “Je lui avais dit de faire de cette manière ; elle ne sait pas s’y prendre… Dites-lui, vous !”).

12L’intervention de la puéricultrice à domicile est, dans un premier temps, concrète. Il ne s’agit pas de donner des “recettes” que les parents attendent souvent pour répondre à leurs inquiétudes, mais, par exemple, de suggérer de nouveaux modes d’organisation de l’espace dans le logement (comment donner le bain de manière confortable ? Où changer le nourrisson ? Comment faire face au désordre ?). La puéricultrice aide aussi les parents à se retrouver dans l’abondance d’articles de puériculture présents sur le marché. Il est alors essentiel d’adapter les conseils aux conditions de vie de la famille, quitte à aller à l’encontre d’idées reçues. Le “bon parent” n’est pas forcément celui qui achète inconsidérément des jouets ou des accessoires neufs et coûteux.

13Dans un second temps, l’intervenant aide le couple à entrer dans sa fonction de jeunes parents en répondant aux questions liées à la compréhension de l’enfant et à la capacité à s’en occuper. La puéricultrice dénonce souvent des préjugés colportés par le grand public ou par les proches sur les nourrissons. Le but est d’aider les parents à trouver une véritable autonomie dans tout ce qui se rapporte au jeune enfant. On insiste alors sur les notions de plaisir et de réciprocité dans les échanges quotidiens avec l’enfant. La puéricultrice attire également l’attention des parents sur l’aspect négatif de certaines pratiques, comme donner à manger au bébé dès qu’il pleure.

14Lorsque la mère me demande : “Mon bébé mange-t-il assez ?” (cette question en cache une autre : “Suis-je une bonne mère ?”), et aussi : “Comment savoir s’il a faim ?”, je l’amène à me dire ce qu’elle en pense. Souvent, par ce qu’elle décrit, par les adjectifs qu’elle emploie, je lui fais alors remarquer qu’elle a des éléments de réponse à portée de main. S’agissant de l’allaitement, il faut la rassurer, expliquer le positionnement de l’enfant lorsqu’il prend le sein, et chasser les idées reçues (changer son alimentation ou boire de la bière pour faire monter le lait…). Pour un bébé nourri au biberon, il faut, par exemple, revoir la façon de préparer les biberons ou bien rassurer la mère (elle n’est pas une mauvaise mère si elle ne souhaite pas allaiter). Enfin, je donne souvent des conseils pour calmer les coliques du nourrisson : lui masser le ventre ou le porter différemment suffit à le soulager. Le couchage du bébé sur le dos, désormais communément admis, est maintenant bien intégré par les familles, d’autant plus que les maternités insistent particulièrement sur ce point.

15Je rappelle souvent aux parents qu’il est important de respecter le temps de repos du bébé. Que son lit soit dans la chambre de ses parents ou qu’il dispose de son propre espace, c’est à ces derniers de choisir en fonction de leurs possibilités, de leurs craintes, de leur appartement. Pour les enfants de la famille, il n’est pas toujours évident de voir arriver un tout-petit dans les bras de leur maman ou de leur papa. Mon rôle est aussi de les rassurer, d’échanger avec les parents sur ce qui est dit ou mis en place avec les grands pour qu’ils ne se sentent pas abandonnés. J’explique aux parents que les plus petits ont peur de ne plus être aimés, et qu’il faut prendre le temps de leur parler, de les réconforter. Dans certains cas, je leur donne les coordonnées de la psychologue de la PMI.

16Enfin, la visite est aussi l’occasion de démonstrations et/ou de mises en situation. Il m’arrive souvent d’aider au bain du bébé, car les mères ont peur de le faire tomber. Je montre alors les gestes simples qui permettent de tenir l’enfant en toute sécurité. Le moment du bain doit être un moment d’échanges agréables. Par exemple, je mets à l’aise les familles n’ayant pas de salle de bains en leur montrant que le bébé peut être lavé dans l’évier (nettoyé) de la cuisine, ou que la table à langer n’est pas indispensable, surtout si le logement est petit.

17Quelquefois, des questions se posent : “Est-ce qu’il voit ?”, “Est-ce qu’il comprend ?” Je souligne alors qu’il est important de parler au bébé, de lui expliquer ce qu’on lui fait, où il se trouve, qui il rencontre, afin qu’il s’imprègne de ce qui se passe autour de lui.

18Les parents me disent leur frustration à ne pas prendre leur bébé dans les bras, l’entourage prétendant que cela le rendra capricieux. Ma réponse est souvent : “Faites-vous plaisir ! Prenez le bébé dans vos bras, surtout s’il le réclame, il a peut-être besoin d’être rassuré.” La maman peut avoir besoin de le toucher, de le caresser. Ces câlins cependant ne doivent pas perturber le rythme de sommeil.

19Je peux être amenée à rendre visite à une famille dont le nouveau-né est malade ou prématuré et est encore hospitalisé. Ces visites ont surtout une fonction de soutien pour les parents qu’il faut rassurer et réconforter. Le bébé est alors le grand absent, et pourtant, nous ne parlons que de lui. Je peux aussi prendre contact avec le service hospitalier pour jouer le rôle d’intermédiaire avec la famille. En effet, quelquefois, les parents n’osent pas poser de questions ou ne comprennent pas les termes médicaux.

Des situations difficiles

20Parfois, la visite à domicile ne se déroule pas idéalement. Des situations difficiles telles que d’importants problèmes sociaux (dettes de loyer, menaces d’expulsion, problèmes d’argent, de papiers…) peuvent faire dévier l’entretien. La discussion autour de l’arrivée du bébé est alors impossible. Il faut prendre le temps d’écouter la famille, de conseiller des orientations vers des services spécialisés si nécessaire et, dans ce cas, je propose de revenir ou de revoir la famille au centre de PMI pour aborder les questions de puériculture liées à la venue du bébé.

21Pour les parents vivant chez des familles hébergeantes, le manque de place et d’endroits pour “se poser” rend la confidentialité impossible et je suggère généralement une rencontre au centre de PMI.

22Pour une maman en grande détresse morale, isolée, qui pleure beaucoup, l’entretien sera centré sur elle, sur l’orientation nécessaire. Dans cette circonstance, je propose systématiquement une autre visite. Parfois, les questions sont tellement nombreuses (problèmes médicaux, alimentaires, sociaux, problèmes de sommeil…) qu’il n’est guère possible pour la famille d’enregistrer le tout. Je suis alors amenée à donner des conseils d’essais, d’observation, et dans ce cas, je propose de revenir pour parler d’un sujet particulier.

23Le plus difficile pour moi est de ne pas pouvoir aborder un problème, de ne pas trouver les mots pour parler notamment d’une difficulté d’ordre médical lorsque je m’aperçois d’une déficience de l’enfant (ou d’un handicap visible) non repéré par la famille ou non entendu. Comment trouver des mots simples qui ne froissent ni ne choquent ? Parfois, j’ai simplement des doutes et j’ai besoin de l’avis d’un médecin avant d’en parler aux parents. Lorsque cela se produit, j’essaye de proposer une autre visite ou d’introduire un relais avec le médecin du centre de PMI au cours d’une consultation. En cas de maltraitance avérée, la responsabilité de la puéricultrice est très importante ; il ne faut pas se tromper, ne pas accuser à tort, mais penser à l’enfant. Le travail se fait alors en équipe.

24La visite au domicile, après une naissance, est toujours riche d’échanges avec les familles. La puéricultrice doit rester humble et savoir écouter. ?

NOTES

  • [1]
    Circulaire interministérielle n° 83/13/FE du 18 mars 1983.
  • [2]
    Loi relative à la protection de la santé de la famille et de l’enfance et adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé (n° 89-899 du 18 décembre 1989), parue au JO du 19 décembre 1989.
Français

Résumé

Après un rappel du fonctionnement de la PMI, l’auteur, puéricultrice, témoigne de sa pratique auprès des parents lors de visites à domicile. L’objectif est d’aider ces derniers grâce à une écoute attentive et par la transmission d’un savoir-faire visant à les rendre autonomes dans leur fonction de parents du jeune enfant. Dans les situations difficiles, la puéricultrice a également besoin de l’appui de l’équipe et des autres professionnels de santé.

Catherine Mauffroy
Puéricultrice, cadre de santé, titulaire d’un diplôme universitaire de PMI, elle est directrice d’un centre de PMI.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2008
https://doi.org/10.3917/inso.132.0092
Pour citer cet article
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