CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les associations de parents adoptifs (ici d’enfants colombiens) entourent et soutiennent les candidats dans ce parcours long et incertain qui les mène vers la constitution d’une famille. Un travail d’accompagnement depuis la décision prise par les futurs parents jusqu’à l’arrivée et au-delà de l’enfant en France. Quand l’enfant imaginé devient réalité.

2Pour les parents adoptifs, l’arrivée prochaine d’un ou de plusieurs enfants prend la forme d’une lettre, d’un télégramme, d’un coup de téléphone. Elle fait suite à une longue période d’attente, largement supérieure à une gestation classique. Ce temps est indéterminé, il ne s’accompagne d’aucun repère chronologique prédéfini (pas d’échographie, pas de leçon d’accouchement sans douleur, pas de préparation au travail, etc.), et est générateur d’anxiété. Vers qui se tourner pour aider à gérer cette attente ? Qui contacter pour se préparer au mieux à la rencontre avec l’enfant puis à sa présence dans la famille ? Les associations de parents adoptifs jouent ce rôle de préparation et d’accompagnement.

APAEC et adoption en Colombie

3Les nombreux candidats à l’adoption qui ont obtenu l’agrément nourrissent peu d’espoir quant à l’adoption d’un pupille de l’État : on dénombre moins de 1 000 attributions au niveau national pour quelque 8 000 agréments délivrés chaque année. Reste pour certains à envisager l’adoption internationale. En 2004, 75 % des 5 000 enfants adoptés par des Français venaient d’un autre pays. Ils étaient moins de 1 000 en 1980. Relativisons cependant ces chiffres en les comparant aux 750 000 à 800 000 naissances annuelles dans notre pays.

4L’Association des parents adoptifs d’enfants colombiens (APAEC) est la plus ancienne des Associations de parents par pays d’origine (APPO) (voir encadré 1). N’étant pas un Organisme agréé pour l’adoption (OAA), elle ne sert jamais d’intermédiaire entre les postulants à l’adoption et l’enfant lui-même. Elle constitue une chaîne de solidarité entre les parents qui ont déjà adopté et qui ont pu bénéficier des conseils et des aides d’autres parents, et ceux qui souhaitent adopter un enfant. Entièrement constituée de bénévoles, elle compte aujourd’hui 1 200 foyers adhérents.

L’APAEC en bref

Fondée en 1981, l’Association des parents adoptifs d’enfants colombiens est une association loi 1901 dont le but est la défense des intérêts des enfants adoptés en Colombie et de leurs familles. Outre l’accompagnement des postulants et des parents, l’association apporte son soutien financier et matériel à des ICBF régionaux et à des casas de adopción colombiennes pour qu’elles continuent à accueillir des enfants, adoptables ou non (achat de matériel, de lait, de couches, envoi de vêtements, dons, etc.), et manifeste sa solidarité en direction des enfants défavorisés de Colombie.

5Les modalités de l’adoption en Colombie sont parmi les plus transparentes et les plus codifiées au monde. C’est sans doute pourquoi, depuis plus de vingt ans, ce pays figure chaque année parmi les cinq où les Français adoptent le plus. Il y est également possible d’adopter selon les deux procédures légales françaises : démarche individuelle ou OAA (voir encadré 2).

6Quatre étapes principales marquent l’évolution des procédures en Colombie : la constitution d’un dossier qui sera étudié par l’équivalent colombien de l’ASE française, l’Institut du bien-être familial (ICBF), situé à Bogota ; au terme de cette étude (et de l’éventuelle demande de renseignements complémentaires), la mise sur liste d’attente, avec précision de la fourchette d’âge du ou des enfant(s) qui seront confié(s) ; la proposition d’un enfant ; la rencontre sur place et les formalités qui s’ensuivent, elles aussi très codifiées. L’accompagnement apporté par l’APAEC est spécifique à chacun de ces moments.

Jamais seuls pendant la période d’attente…

7Au début des démarches, l’APAEC apporte des informations générales sur la Colombie et sur les procédures d’adoption qui y sont en vigueur. Puis, lorsque les postulants à l’adoption confirment leur souhait d’adopter un ou plusieurs enfants, une aide leur est apportée par les délégués régionaux, les membres et le forum sur Internet pour réunir les documents nécessaires.

Le parcours d’adoption

Quelle que soit la route de cheminement vers l’enfant, l’adoption en France passe par une première étape commune : l’obtention de l’agrément, délivré par une commission ad hoc, sous l’égide de l’ASE départementale, et sur la base de rapports sociaux et psychologiques élaborés par un travailleur social et un psychologue/psychiatre agréés.
Lorsqu’il s’agit d’une adoption internationale, deux choix s’imposent : les pays et les modalités. Différents critères peuvent orienter le choix du pays : la transparence des procédures, l’âge des parents, la présence d’enfant(s) biologique(s) dans la famille, l’acceptation de candidatures de célibataires, la durée (critère très variable et subjectif…). Les fiches de la Mission pour l’adoption internationale (MAI) peuvent guider les postulants dans ce domaine.
Le second choix concerne le mode d’adoption : Organisme agréé pour l’adoption (OAA) ou démarche individuelle ? Certains pays (la Chine et la Russie, notamment) exigent la première solution, par laquelle l’OAA, s’il accepte les candidats, va prendre en charge toutes les procédures, de la constitution du dossier à l’accueil de l’enfant dans le pays choisi. Certains vont même jusqu’à se charger du rapatriement de l’enfant sur le territoire français lorsque la présence des parents dans le pays d’origine n’est pas indispensable.
En revanche, choisir la démarche individuelle signifie réaliser par soi-même toutes les formalités, constituer le dossier, choisir le traducteur et s’occuper de l’acheminement du dossier. Il n’y a pas une procédure d’adoption standard, mais autant que de pays ouverts à l’adoption, d’où la multiplication des difficultés.
L’internationalisation exponentielle de l’adoption française s’est accompagnée de la création d’instances spécifiques (Mission pour l’adoption internationale, prochainement Agence française pour l’adoption) et d’associations de parents adoptifs. Fondées par des individus ayant vécu cette expérience, ces dernières ont un rôle d’accompagnement non négligeable à jouer auprès des candidats à l’adoption, autant avant qu’après leur rencontre avec leur(s) enfant(s).

8Si l’intervalle séparant l’obtention de l’agrément français de l’envoi du dossier en Colombie est une période d’intense activité, la période qui suit constitue le moment où l’attente est la plus difficile à vivre. Ce changement de rythme représente souvent une épreuve pour les futurs parents et leur entourage, auquel les moments de dépression des postulants apparaissent souvent incompréhensibles.

9Les rencontres organisées par l’APAEC au niveau national ou régional avec les délégués régionaux ou d’autres candidats à l’adoption qui vivent les mêmes inquiétudes, ou encore avec des parents qui ont connu ces moments d’exaltation et de doute, ainsi que les échanges sur le forum Internet permettent de se sentir moins seuls et de ne pas perdre espoir. La solidarité devient le mot-clé des échanges. C’est aussi le moment où l’APAEC conseille à ses adhérents de se documenter sur le pays d’où viendra leur enfant et, si ce n’est pas encore le cas, d’apprendre les rudiments d’espagnol qui leur permettront de mieux vivre leur séjour sur place et – élément primordial – de communiquer avec leur enfant, surtout si celui-ci n’est plus un bébé, même s’il est bien connu que les enfants intègrent très rapidement la langue française.

10Après plusieurs mois ou plusieurs années selon l’âge de l’enfant ou des enfants attendu(s), vient enfin la notification que le dossier est “parti en régionale”. Cela signifie qu’un enfant sera proposé aux postulants à court ou à moyen terme, mais sans aucune certitude quant au délai. L’APAEC indique alors les procédures à mettre en œuvre à la fois avant le départ et sur place, et donne des coordonnées d’avocats, d’hôtels et de restaurants auxquels d’autres parents ont eu recours avant eux. Là aussi, les communications avec les délégués ainsi que les messages sur le forum Internet sont d’une grande utilité pour ne pas oublier telle ou telle formalité avant le départ. La déontologie de l’association veut que soient systématiquement indiqués plusieurs traducteurs, avocats, etc., de façon à ne pas créer de filière particulière.

… ni sur place…

11Arrive enfin la grande nouvelle : les futurs parents reçoivent le dossier médical et social de l’enfant qui leur est proposé ainsi que sa photo. Sur cette base, et après une intense période de réflexion et un maelström d’émotions, ils peuvent décider de refuser ou – c’est ce qui se passe dans la quasi-totalité des cas – d’accepter cette proposition. Au calme relatif des mois précédents succède une période où le temps est compté : il faut actualiser certains documents, réserver l’avion, préparer le moment de la rencontre avec l’enfant ou les enfants s’il s’agit d’une fratrie. Les questions, tout au long des derniers jours, ne cessent de se bousculer : comment l’enfant va-t-il réagir ? Quelle attitude avoir face à telle ou telle réaction des autres enfants ?

12Sur place, la rencontre est l’un des moments les plus forts de l’existence. Elle se passe généralement dans une ambiance de fête correspondant au caractère joyeux et souvent expansif des Colombiens. Les professionnels de l’ICBF sont aux côtés des parents et de l’enfant, de même que l’avocat et l’interprète. Les réactions de l’enfant peuvent être très différentes en fonction de son vécu et de son âge. S’il est en âge de marcher, il peut se précipiter dans les bras de ses nouveaux parents puis pleurer peut-être au moment de partir avec eux. Un autre restera sur sa réserve mais partira en courant, main dans la main avec les parents… Jamais rien ne se passe comme ces derniers se l’étaient imaginé, comme si l’enfant ne se trouvait jamais là où ils l’attendaient. Et lorsque viendra le moment de s’installer avec lui à l’hôtel ou dans une pension de famille, arriveront les premiers moments de découverte réciproque avec le premier bain, le premier repas et, plus ou moins rapidement, les premières colères et les premiers câlins. Les professionnels de l’ICBF reverront les parents avec l’enfant quelques jours plus tard pour juger de leur adaptation réciproque. Si tout se passe bien, le défenseur des mineurs donnera son accord pour que le juge puisse prononcer son jugement d’adoption plénière.

… ni après

13Après trois à cinq semaines, toute la famille pourra revenir en France. L’arrivée à l’aéroport est le plus souvent un moment d’émotion intense lorsque la famille et les amis sont au rendez-vous. Au retour, une nouvelle vie commencera pour les parents qui retrouveront leur univers mais aussi ses contraintes. Parfois, le “baby blues de l’adoption” surviendra, déconcertant certains parents qui ont pu idéaliser ces moments à force de les attendre. Une nouvelle vie commencera aussi pour l’enfant, plongé dans un bain linguistique et culturel, voire un climat tout à fait nouveaux pour lui. Il s’y adaptera généralement très vite et pourra connaître (ou non) des phases de régression.

14Au-delà des dernières démarches à effectuer, c’est aussi un moment où les parents pourront avoir envie d’échanger avec d’autres personnes ayant vécu la même expérience, les mêmes joies et les mêmes difficultés, et qui pourront les aider à faire le deuil d’être des parents “parfaits”. Ils auront la possibilité de faire appel à une ligne téléphonique “Écoute post adoption”, où des bénévoles de l’association seront en mesure, en respectant leur anonymat, de les rassurer ou de les guider en cas de problème.

15Plus tard, les enfants auront plaisir à faire la connaissance de camarades adoptés en Colombie comme eux, ils participeront aux rencontres festives organisées par l’association, aux fêtes franco-colombiennes, ou échangeront sur Internet dans le cadre du forum “Enfants adoptés en Colombie”.

16L’accompagnement de l’Association des parents adoptifs d’enfants colombiens lors de ces différentes étapes repose sur une démarche volontaire de la part des uns et des autres. Il est parfois des conseils qui ne sont pas entendus ou des demandes excessives faites auprès des bénévoles de l’association. Mais c’est grâce à une grande solidarité que l’association peut jouer un rôle important aux côtés des postulants, des parents et des enfants. C’est cette même solidarité qui lui permet aussi de venir en aide aux enfants qui en ont besoin en Colombie en soutenant des projets de dispensaires, de garderies et de bibliothèques dans certains bidonvilles ou quartiers très en difficulté. ?

Français

Résumé

L’Association des parents adoptifs d’enfants colombiens (APAEC) informe, soutient et accompagne les candidats à l’adoption dans ce difficile parcours empli d’incertitudes et d’attentes. C’est aussi un travail de partenariat avec les autorités colombiennes où se développe une solidarité à l’égard des enfants défavorisés de Colombie.

Bernard Tomianka
Traducteur médical et chef d’entreprise, il préside l’Association des parents adoptifs d’enfants colombiens (APAEC) depuis janvier 1996. Avec Annie, il a adopté Mariana (22 mois en 1986) et Xavier (22 mois en 1991) à Ibagué (Colombie). Membre fondateur du Mouvement pour l’adoption sans frontières, il participe aux travaux du Conseil supérieur de l’adoption et de l’autorité centrale française. Il est officier de l’ordre du Mérite colombien.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2008
https://doi.org/10.3917/inso.132.0076
Pour citer cet article
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