1Le fait que, sous nos latitudes, un même toit n’abrite généralement qu’une seule famille nucléaire n’implique pas que pour l’étude de la mobilité résidentielle, ce groupe domestique élémentaire soit l’unité la plus pertinente. Si l’on veut rendre compte d’itinéraires considérés dans toute leur durée, il est, au contraire, nécessaire d’élargir l’observation à de plus vastes ensembles de parenté.
2Depuis une quinzaine d’années, plusieurs enquêtes se sont proposé d’étudier plus particulièrement les aspects intergénérationnels de la mobilité résidentielle, considérée dans ses deux dimensions de déplacement dans l’espace et de changement de statut d’occupation. On découvre ainsi, dans un ouvrage collectif publié en 1999, qu’en ce qui concerne la préférence pour la forme individuelle ou collective du logement, il existe une liaison statistiquement significative entre ce qui a été vécu dans l’enfance et le choix ultérieur du type d’habitat.
3L’histoire d’une dame Geneviève A., née à Saumur et résidant, au moment de l’enquête, en région parisienne, semble particulièrement représentative dans la mesure où elle souligne l’importance décisive et “surdéterminante” des événements les plus banals de la vie des différents membres de la famille, de la grand-mère aux petits-enfants, sur les déplacements résidentiels de l’ensemble de ceux-ci.
4Les faits couvrent une période de près de cinquante années et mettent en vedette un triangle Saumur/Saint-Malo/Paris à l’intérieur duquel ou, plus exactement, entre les sommets duquel les membres de la famille vont se déplacer ou, ce qui est plus étrange compte tenu de la répétition du phénomène, d’où ils seront tous originaires.
5Un autre exemple, celui de M. Jean B., né à Maisons-Alfort en 1926 et y habitant encore, au même endroit plus de soixante ans après, met l’accent sur un cas de sédentarité résidentielle “active”, c’est-à-dire délibérément auto-construite, perpétuée et non pas subie. Il témoigne d’un enracinement dont la réalisation a nécessité une mobilisation forte de la volonté.
6On retient de ces monographies que le volume et l’orientation des flux de la mobilité résidentielle sont clairement dépendants de contraintes d’ordre structurel (marchés de l’emploi et de l’immobilier, facteurs démographiques, etc.). Mais si, à un échelon inférieur à ce cadre tracé par la nécessité, on observe les parcours individuels, ceux-ci, au premier regard, peuvent sembler n’être régis que par le hasard. Ainsi, on pourra éprouver quelque difficulté à comprendre pourquoi, parmi des groupes familiaux ou des individus occupant la même position sociale (par exemple, les membres d’une même fratrie), l’un soit plus enclin qu’un autre à se déplacer. On perçoit qu’un élément d’explication de ces différences peut être trouvé dans la configuration d’histoires familiales impliquant plusieurs générations. Cela étant, il reste ensuite à établir, par d’autres méthodes, que certaines régularités peuvent aussi exister en ce domaine [1].
Notes
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[1]
“La famille et ses proches. L’aménagement des territoires”, Cahier INED, n° 143, 1999, 26 euros.