Michel Chauvière, Le travail social dans l’action publique, Paris, Dunod, 2004
1Michel Chauvière, ainsi qu’il l’écrit lui-même, arpente le domaine du social dans tous les sens en ayant occupé ou en occupant des postures différenciées allant, entre autres, du stagiaire au chercheur, en passant par le formateur et le militant. Le paysage du social, auquel il se consacre depuis trente ans, occupe un vaste périmètre qui se situe dans des espaces “intertextuels” entre les politiques publiques et l’organisation de la société. La mission du social consiste à gérer le désajustement entre ces deux sphères, en prenant en charge des populations hétérogènes classées dans la catégorie stigmatisante des exclus.
2L’auteur reconnaît s’intéresser au “social en actes” et, plus particulièrement, aux acteurs qui ont une mission de contact avec les gens, que ces acteurs soient des professionnels ou des profanes. Depuis plusieurs générations, ces intervenants poursuivent leur travail, adossés à la fois à de grandes politiques d’État centrées sur la protection ainsi qu’à des dispositifs locaux disséminés sur les différents échelons des compétences décentralisées. C’est en tenant compte de la continuité de leur existence et de leur motivation que l’auteur préfère parler de “travail du social” plutôt que de travail social.
3Ce travail du social s’inscrit dans une histoire mais aussi dans une actualité qui le reconfigure : ainsi en est-il de ces deux nouveaux éléments que sont le territoire et l’usager.
4Le territoire apparaît avec la décentralisation et, surtout, avec l’avènement de la région comme le niveau intermédiaire entre l’État-nation et le département, emblème de la circonscription étatique avec, à sa tête, le préfet. Pourtant, c’est bien le département qui va être défini comme l’instance compétente en matière d’action sociale, et c’est dans ce cadre que le travail du social va entrer dans le champ du “marché politique local”.
5La catégorie des usagers est entrée depuis peu dans le cercle des acteurs du social. Alors qu’ils étaient auparavant les destinataires passifs de l’action, diverses dispositions légales leur ont conféré des droits particuliers, rééquilibrant dans une perspective démocratique les relations avec les “institutions verticales”, les experts et les professionnels. La situation de l’usager peut aussi être interprétée comme permettant l’entrée des logiques du clientélisme et de l’économie des services.
6L’auteur identifie l’impact de différents processus de régulation sociale sur la reconfiguration du social. Outre la construction d’une place pour l’usager, déjà évoquée, il faut citer la “marchandisation” des prestations et l’entrée du social dans l’espace concurrentiel, explicitement mise en place par le MEDEF. Enfin, le processus moins spectaculaire de l’évaluation apparaît également comme un facteur de régulation du travail du social, puisque cette forme d’expertise combine des dimensions cognitives, instrumentales et normatives.