CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1De son vrai nom Eric Blair (sans lien avec Tony), Georges Orwell est un des plus importants écrivains politiques du XXe siècle. Après être passé par les collèges anglais et la police impériale des Indes, il se retrouve, au début des années trente, à Paris, où il mène une existence précaire, avant de devenir plongeur dans un restaurant, puis de rentrer à Londres et d’y côtoyer la misère des sans-abri. Il s’engagera ensuite dans les rangs républicains pendant la guerre d’Espagne où il sera blessé, et reviendra en Angleterre pour travailler à la BBC.

2Peu d’écrivains peuvent se targuer, généralement post-mortem, d’avoir vu leur nom devenir un adjectif d’usage courant. “Orwellien” désigne les dérives totalitaires, aux dimensions à la fois sanglantes et grotesques, du pouvoir. Bien que profondément socialiste, Orwell s’est engagé dans la dénonciation du stalinisme, ce qui lui a notamment valu d’être durablement proscrit, ignoré et calomnié par les communistes intégristes, d’être qualifié de “renégat du socialisme” par les organes soviétiques et de voir son livre majeur, 1984 (un anagramme mathématique de 1948, date de sa rédaction), interdit en URSS jusqu’en 1985 !

3Auteur de chroniques, d’articles, de poèmes, de reportages et de romans, Orwell a voulu “faire de l’écriture politique un art à part entière”, en s’engageant du côté des pauvres, des victimes du colonialisme, et de tous ceux qui subissent le totalitarisme. Révolté contre les injustices et contre les propagandistes, il a su par des formules percutantes attaquer les intellectuels liberticides en assurant que “ce sont ceux pour qui la liberté devrait avoir le plus de prix qui la combattent de façon délibérée”, et résumer le ridicule de l’égalitarisme total en écrivant que “tous les animaux sont égaux, mais il y en a qui sont plus égaux que d’autres”.

4Le recours à la fiction romanesque, par l’intermédiaire de magistrales fables, lui permet de décrire dans le détail les aberrations et les violences de systèmes politiques cherchant à contrôler totalement les gens. Imaginant une société en 1984, Orwell décrivait des individus surveillés en permanence par le “télécran” de leur appartement ou par des hélicoptères qui venaient les observer jusque sous leurs fenêtres. Dans une société de contrôle généralisé, où les enfants sont éduqués pour dénoncer leurs parents, où une “police de la pensée” exerce sa toute-puissance, où le passé est réécrit, partout “Big Brother vous regarde”. Des slogans absurdes tels que “La guerre c’est la paixLa liberté c’est l’esclavageL’ignorance c’est la force” décérèbrent. L’altération du langage (dans un dialecte ressemblant au sabir bureaucratique), le “novlangue”, cherche à rendre impossible toute pensée libre.

51984 a connu, en 1984, un nouveau succès avec un film (servi par une musique rock enlevée), mais surtout en raison de la relecture qui en a été faite et de la prescience qui a été alors reconnue à Orwell. Celui qui se décrivait comme un “anarchiste conservateur” voyait dans la liberté un ensemble de petites choses permettant de rendre la vie “cosy”. Un peu original, il cultivait, à Londres, un potager et élevait des poules et des chèvres. Tout est bon pour marquer sa liberté et pourfendre les totalitarismes.

  • Dans la dèche à Paris et à Londres, 1933.
  • La ferme des animaux, 1945.
  • 1984, 1949.
Julien Damon
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.126.0023
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