1Contrôle, évaluation, appui, conseil… tels sont les maîtres mots du rôle de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Par le contrôle d’établissements et d’organismes placés dans son champ de compétence, l’inspection générale s’assure de l’efficacité et de l’effectivité dans la mise en œuvre des politiques. Il s’agit de fournir à l’État des éléments de diagnostic et d’appréciation pour la conduite de ses actions.
2L’Inspection générale des affaires sociales concourt par son action à l’effectivité de l’article 15 de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, aux termes de laquelle “la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration”. La loi du 28 mai 1996 [1] (article 42), qui fonde juridiquement la compétence de l’IGAS et qui détermine l’étendue de ses interventions, doit être citée pratiquement in extenso pour montrer l’ampleur de sa mission. Elle lui confie, tout d’abord, une mission de contrôle et d’évaluation portant notamment sur “la mise en œuvre des politiques publiques de la sécurité sociale et de la prévoyance sociale, de la protection sanitaire et sociale, du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle”. Ce même article précise que “les services, établissements ou institutions qui participent à l’application des législations de la sécurité sociale et de la prévoyance sociale […] sont soumis, quelle que soit leur nature juridique, aux vérifications de l’Inspection générale des affaires sociales, lorsqu’ils bénéficient ou ont bénéficié, sous quelque forme que ce soit, de concours de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public, d’un organisme de sécurité sociale ou de prévoyance sociale […], ou lorsqu’ils sont financés par des cotisations obligatoires”. Cette loi lui accorde aussi un droit de suite : quand les services, établissements ou institutions évoqués précédemment apportent leur concours, sous quelque forme que ce soit, à d’autres organismes, “ces derniers peuvent également faire l’objet des vérifications de l’Inspection générale des affaires sociales”. La loi indique, enfin, que toutes ces vérifications portent sur “le respect de ces législations et sur l’utilisation de ces concours ou cotisations, dont la destination doit demeurer conforme au but pour lequel ils ont été consentis”.
Le champ, les modalités, et les objectifs
3L’ampleur de la tâche confiée à l’IGAS se vérifie à plusieurs titres :
- par la diversité des champs d’intervention, puisqu’il s’agit non seulement de la sécurité sociale, mais aussi de la santé, de l’action sociale, de l’emploi, de la formation professionnelle… De plus, en raison de son caractère interministériel, tout ministre peut la solliciter dans un domaine où il estime son expertise profitable : il en est ainsi quand un ministre, en dehors du champ social, fait appel conjointement à elle et à sa propre inspection générale (tourisme, environnement, agriculture…) ;
- par la variété des modes d’intervention, qui prennent principalement la forme du contrôle et de l’évaluation cités par la loi, mais aussi d’un appui apporté aux administrations centrales ;
- par les objectifs assignés à ses interventions : le contrôle de régularité et du bon usage des fonds, aussi bien que le contrôle et l’évaluation de l’efficacité des actions menées, ainsi que de l’effectivité et de la pertinence des politiques.
Le contrôle par l’Inspection générale des affaires sociales
4Chaque année, l’IGAS effectue cent cinquante missions, conduisant pratiquement à autant de rapports [3]. Ces missions sont, pour plus de la moitié, engagées à l’initiative du ou des ministres auprès desquels elle est placée. Pour se limiter au seul domaine du contrôle, les ministres et leur cabinet sollicitent l’Inspection générale pour rechercher les dysfonctionnements d’un organisme, les impérities d’une équipe de direction ou les malversations d’un agent et, en toutes circonstances, proposer des solutions.
5Pour un peu moins de la moitié, les missions sont proposées par l’inspection générale aux ministres : certaines relèvent du domaine de l’enquête et de l’évaluation. Pour ce qui est du contrôle, l’IGAS estime devoir assurer une présence minimale dans chacun de ses domaines d’intervention. Pendant longtemps, il ne s’est agi que de contrôler un ou plusieurs établissements ou structures dans les différents domaines de sa compétence : un centre hospitalier universitaire, un organisme de Sécurité sociale, plusieurs services déconcentrés de l’État…
6Aujourd’hui, sans négliger le contrôle général d’une structure, même en dehors de situation de crise, les propositions de l’Inspection générale portent préférentiellement sur les contrôles thématiques. Elle peut de la sorte accroître le nombre d’établissements ou d’organismes dans lesquels elle fait porter ses investigations, sans pour autant se livrer à un contrôle exhaustif des différentes fonctions de ces organismes.
7Ainsi, dans le domaine de la protection sociale, l’Inspection générale propose et réalise, depuis plusieurs années, des contrôles ayant pour but de fournir à l’État des éléments de diagnostic et d’appréciation préalablement au renouvellement des conventions d’objectifs et de gestion. Ce contrôle, qui s’exerce aussi bien vis-à-vis de la caisse nationale que des organismes de base, intervient l’année précédant le renouvellement de la convention : il a porté, en 2003, sur la Caisse nationale d’assurance Maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et sur la branche maladie ; en 2004, d’une part, sur la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) et sur la branche Vieillesse, et d’autre part, sur la CNAF et sur la branche Famille ; en 2005, il est en cours sur l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) et sur la branche Recouvrement.
8L’Inspection générale a aussi le pouvoir de contrôler l’effectivité de la mise en œuvre des politiques sociales par les collectivités territoriales. À titre d’exemple, selon l’article L. 221-9 du Code de l’action sociale et des familles, “le contrôle du service de l’aide sociale à l’enfance est assuré par l’Inspection générale des affaires sociales”. Récemment encore, la loi du 18 décembre 2003 décentralisant le revenu minimum d’insertion et créant le revenu minimum d’activité lui a donné compétence pour “contrôler l’application des dispositions du présent code et du Code du travail relatives au revenu minimum d’insertion et au revenu minimum d’activité” [4].
9Ses missions comprennent de deux à quatre inspecteurs et inspecteurs généraux ; elles associent des inspecteurs fins connaisseurs du secteur contrôlé, des inspecteurs ayant une expérience d’un autre domaine et pouvant apporter un œil comparatif sur l’objet du contrôle, et des inspecteurs plus récents dans le métier qui vont exercer leur esprit critique. Les missions sont aussi régulièrement demandées conjointement à l’IGAS et à un autre corps de contrôle (pour 20 % d’entre elles) : il s’agit le plus souvent de l’Inspection générale des finances, mais aussi de l’Inspection générale de l’administration ou de l’agriculture, ou encore, du conseil général des Ponts et Chaussées.
10Qu’elles soient d’initiative ministérielle ou internes à l’IGAS, les missions sont arrêtées par le chef de l’Inspection générale qui en choisit les membres, leur fixe le cadre d’intervention et les délais de mise en œuvre. Dans le cadre de la mission qui leur a été confiée, les membres de l’Inspection générale ont une grande liberté d’action et une large autonomie de jugement : la signature personnelle des rapports est la traduction de leur responsabilité.
Un comité des pairs
11Dans chacun des grands domaines d’intervention de l’Inspection générale ont été mis en place des “comités des pairs” [5] chargés d’apporter une aide méthodologique aux missions et d’exercer une critique constructive sur les constats et sur les propositions de la mission. Les comités des pairs, conjointement avec le relecteur des rapports le plus souvent choisi en leur sein, veillent à garantir la qualité des travaux de l’IGAS et à assurer leur cohérence.
12Toutes les missions de contrôle sont tenues de rendre compte de leurs constats et de leurs propositions aux responsables de l’organisme ou de l’établissement contrôlé en fin de mission par une restitution orale et par la mise en œuvre de la procédure contradictoire : les réponses de la structure contrôlée sont intégrées au rapport et la mission apporte ses réponses aux objections qui lui sont faites.
13La “commission des suites” qui réunit, dix-huit mois ou deux ans après la fin de la mission, les responsables de l’organisme contrôlé, les membres de la mission et les autorités de contrôle (service déconcentré, direction d’administration centrale, cabinet du ministre compétent) est une originalité du fonctionnement de l’IGAS : le contrôlé est invité à faire part des suites qu’il a réservées aux recommandations qui lui ont été faites et, si nécessaire, à s’expliquer sur l’absence de mise en œuvre. L’expérience démontre la richesse de ces rendez-vous : la qualité des échanges est aussi la preuve que, même en l’absence de pouvoirs coercitifs de l’Inspection générale, les établissements et organismes contrôlés tiennent le plus grand compte des observations et des recommandations de l’IGAS, le plus souvent pour montrer qu’ils les ont mis en œuvre, à défaut pour justifier des difficultés qu’ils ont rencontrées.
Le contrôle de premier niveau par les DRASS et les DDASS
14Les corps de contrôle [6] des Directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (DRASS et DDASS) ont une mission générale de contrôle sur les établissements sociaux, médicosociaux et de santé, ainsi que sur les organismes de protection sociale. Tout comme pour l’IGAS, leurs fonctions de contrôle sont très variées : le contrôle de la conformité à la règle, du bon usage des fonds, le contrôle administratif, la sécurité sanitaire.
15Pour s’en tenir aux seuls organismes de Sécurité sociale, les services déconcentrés – il s’agit essentiellement d’inspecteurs de l’action sanitaire et sociale en poste dans les DRASS – sont compétents pour exercer trois types de contrôle :
- un contrôle destiné à apprécier l’efficacité des organismes de protection sociale et à mesurer l’atteinte des résultats : l’article L. 153-10 du Code de la sécurité sociale fonde la compétence d’évaluation des conventions d’objectifs et de gestion ;
- la vérification des comptes des organismes de Sécurité sociale, dits contrôles COREC (comités régionaux d’examen des comptes des organismes de Sécurité sociale), sous la responsabilité de la Cour des comptes : l’article L. 154-1 du Code de la sécurité sociale donne compétence à la Cour des comptes, et c’est le Code des juridictions financières qui détermine le principe et les modalités d’intervention des comités régionaux d’examen des comptes ;
- un contrôle ponctuel de la gestion sur la base de l’article L. 281-1 du Code de la sécurité sociale.
16De fait, quelles qu’aient été ses modalités d’intervention, l’État a de tout temps assuré sa fonction de contrôle sur les organismes de Sécurité sociale ; tel n’a pas forcément été le cas dans les autres secteurs de compétence des directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales.
L’animation des fonctions d’inspection par l’IGAS
17C’est pourquoi l’Inspection générale s’est vu confier, à partir de 1999, une mission d’animation des fonctions d’inspection exercées par les DRASS et les DDASS [7]: c’est, en quelque sorte, le lien entre le contrôle supérieur et le contrôle de premier niveau. À ce titre, la mission de l’IGAS est triple :
- assurer la cohérence des commandes d’inspection émanant des directions d’administration centrale et des agences, notamment de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). À cet effet, une commission de programmation a été mise en place, associant les commanditaires, les services et les corps de contrôle, pour proposer au ministre les thèmes de contrôle qu’il arrêtera dans la Directive nationale d’orientations (DNO) ;
- contribuer à la formation des inspecteurs en poste dans les DRASS et les DDASS, ainsi qu’à la professionnalisation de leurs méthodes d’intervention : il s’agira aussi de veiller à ce que les services élaborent une véritable programmation des contrôles à partir d’une analyse des risques ;
- animer le réseau que constituent l’IGAS et les responsables des MRIICE [7].
Notes
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[1]
Loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire.
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[2]
Par exemple, selon l’article D. 113-1 du code de la Sécurité sociale, “les membres de l’Inspection générale […] exercent le contrôle supérieur de tous les services, caisses, organismes, unions ou fédérations d’organismes et institutions qui participent à l’application des législations de Sécurité sociale”.
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[3]
Une mission n’égale pas toujours un rapport : certaines peuvent se conclure par plusieurs rapports ; d’autres, notamment les missions d’appui, n’ont pas pour but l’élaboration d’un rapport.
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[4]
Article L. 262-54 du code de l’action sociale et des familles.
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[5]
Quatre comités des pairs thématiques : protection sociale, santé et organisation des soins, action sociale et travail, emploi, formation professionnelle, et un comité des pairs transversal consacré à l’administration générale et à la réforme de l’État.
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[6]
Il s’agit essentiellement des inspecteurs de l’action sanitaire et sociale (IASS), des médecins et pharmaciens inspecteurs de santé publique (MISP et PhISP), des Ingénieurs du génie sanitaire (IGS) et des ingénieurs d’études sanitaires (IES). Selon les domaines d’intervention, d’autres personnels des DRASS et des DDASS peuvent apporter leur expérience ou leur expertise technique.
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[7]
Ont été créées, auprès de l’IGAS, une mission d’animation des fonctions d’inspection et, dans chaque DRASS, une Mission régionale et interdépartementale d’inspection, de contrôle et d’évaluation (MRIICE).