CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dénommé à partir d’un terme afrikaans signifiant “état de séparation”, l’apartheid a constitué, pendant la seconde moitié du XXe siècle, le très légitimement contesté système d’organisation sociale et politique de la République d’Afrique du Sud.

2Si l’idée de distinguer les populations au sein d’une même communauté ne constitue pas une originalité, comme en témoignent, entre de trop nombreux autres exemples, le sort des Ilotes de Sparte ou des Intouchables en Inde, elle a revêtu en Afrique du Sud un caractère spécifique et “exemplaire” en asseyant, pendant près d’un demi-siècle, la supériorité d’une race démographiquement minoritaire (20 %) sur une autre, majoritaire mais “légalement” privée de tout droit à l’expression démocratique et aux moyens d’y accéder un jour. L’apartheid se donnait comme objectif “le développement parallèle et séparé des races”. Pratiquant une séparation territoriale systématique entre les différents groupes ethniques, Bantous, Européens, Métis et Asiatiques, il a donc été beaucoup plus qu’une ségrégation de fait ou qu’une déclinaison particulière de la doctrine “Séparé mais égal”, qui a été maintenue jusqu’en 1954 par la Cour suprême fédérale américaine dans le cadre du “problème noir” aux États-Unis.

3Ce système n’a pu s’affirmer et se développer qu’en s’appuyant sur un ensemble de croyances et de comportements étroitement liés à la mentalité et à l’histoire de la communauté blanche sud-africaine, et plus précisément de la communauté afrikaner. Parmi ces convictions, celle du destin de constituer un “peuple élu” que s’auto-attribuait le peuple Boer depuis 1840, la certitude d’être investi d’une mission de défense des valeurs de la civilisation chrétienne occidentale et l’obsession de préserver la pureté biologique de la race blanche contre le métissage.

4Après une période quelquefois qualifiée d’“apartheid honorable”, parce qu’elle se limitait à imposer une séparation résidentielle aux Blancs et aux Noirs, l’Afrique du Sud s’est orientée, dès 1930, vers une forme de racisme plus radicale, qui s’est institutionnalisée à partir de 1950, date d’entrée en vigueur du Population Registration Act et d’un arsenal de lois mettant en place des sanctions pénales à l’encontre de ceux (y compris les Blancs) qui dérogeraient à la séparation verticale des races. Ces dispositions concernaient non seulement la vie publique et la citoyenneté (non-inscription des Noirs sur les listes électorales, par exemple), mais également la vie privée. Étant rétroactives, elles entraînèrent en particulier l’annulation des mariages mixtes qui avaient été contractés avant l’adoption des lois d’apartheid, même à l’étranger. En 1953, le dispositif visant à prohiber ce “mélange biologique” fut complété par une loi qui interdisait aussi le “mélange social”, en imposant une séparation des Blancs et des Noirs dans tous les lieux où se produisent des contacts sociaux : lieux publics, moyens de transport, etc.

5C’est enfin dans le domaine du travail que s’est exercée cette ségrégation, réservant aux seuls Blancs l’accès aux emplois spécialisés.

6L’indignation du monde occidental vis-à-vis de ce système et la mise de l’Afrique du Sud au ban des nations conduisit à l’abolition de ce régime en 1991, mais certains analystes soutiennent avec une certaine vraisemblance que c’est le caractère excessif de ces mesures et surtout leur contre-productivité économique qui finit par les disqualifier.

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.125.0021
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