CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Pourquoi le droit au logement n’est-il toujours pas mis en œuvre ? L’examen de cette question était (déjà), fin 2002, au cœur du rapport remis au président de la République par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Celui-ci y pointait l’ampleur du problème – avec un “mal-logement” concernant plus de trois millions de personnes, selon l’INSEE. Une situation résultant principalement de la pénurie de logements accessibles aux ménages à revenus modestes soit sur certains territoires “sinistrés”, souligne l’institution, “une population beaucoup plus large que les publics économiquement défavorisés”. Cette crise, dont témoignent les acteurs de terrain qui ont de plus en plus de mal à assurer la sortie des structures d’hébergement vers le logement ordinaire, rend aussi compte du développement des squats et autres occupations illégales de terrains privés ou publics, mettant en lumière l’impuissance des autorités “à faire respecter le droit de propriété, faute de capacité à mettre en œuvre le droit au logement”. Pour rendre celui-ci effectif, l’institution préconisait d’adopter une loi qui en établisse clairement le contenu et définisse les voies de recours des citoyens qui n’y accèdent pas.

2Depuis, malgré les demandes réitérées du Haut Comité[1], le droit au logement n’a toujours pas été rendu juridiquement “opposable”, c’est-à-dire susceptible d’un recours judiciaire face à une instance publique responsable de sa mise en œuvre. Il existe pourtant un certain nombre d’outils juridiques internationaux, particulièrement au niveau du Conseil de l’Europe, mais leur méconnaissance fait qu’ils sont sous-utilisés, expliquent Padraïc Kenna et Marc Uhry, membres d’un groupe d’experts sur le droit au logement en Europe[2]. Ainsi, la Charte sociale du Conseil de l’Europe, révisée en 1996, engage les États signataires à assurer l’exercice effectif du droit au logement (dans son article 31). En tant que traité international ratifié par la France, ce texte, complété par les précisions que lui a apportées le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe, est donc invocable devant les juridictions locales, soulignent les experts. Autrement dit, “l’État peut être attaqué en responsabilité, y compris pour ne pas encadrer suffisamment les politiques locales, dans la perspective de mise en œuvre du droit au logement”. Néanmoins, conviennent P. Kenna et M. Uhry, pour être effectif, le droit au logement induit un “devoir de loger” et des procédures individuelles de recours. C’est pourquoi, une meilleure application des textes internationaux ne peut suffire. Il reste nécessaire de se doter, au plan national, d’une instance publique contrainte d’assurer de réelles solutions aux mal- et non-logés.

Notes

  • [1]
    Par exemple, dans l’avis qu’il a rendu en octobre 2004 sur le volet logement du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, et dans son Xe rapport annuel, en décembre 2004.
  • [2]
    Dans une tribune publiée par les Actualités sociales hebdomadaires (n? 2379 du 29 octobre 2004, p. 19).
Caroline Helfter
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2008
https://doi.org/10.3917/inso.123.0083
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