CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Paris s’embourgeoise. Les classes populaires ont été largement reléguées en dehors des limites administratives de la ville qui, dans une enceinte restreinte de 87 kilomètres carrés, rassemble les pouvoirs et l’essentiel des ressources dans les domaines de la culture, des arts, de l’économie et des affaires. L’embourgeoisement de la capitale se donne à lire à travers tous les indicateurs que décortiquent Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dans leur passionnante Sociologie de Paris[1].

2En termes démographiques, l’enchérissement de l’immobilier, lié aux opérations d’amélioration de l’habitat, explique la réduction de la densité résidentielle constatée à Paris. Tout en restant élevée, celle-ci a diminué, entre 1954 et 1999, passant de 270 à 202 habitants à l’hectare. Durant cette période, Paris a ainsi perdu 725 000 habitants – soit presque le quart de sa population : le recensement de 1999 ne dénombre plus que 2 125 000 Parisiens, contre 2 850 000 cinquante ans plus tôt.

3Parallèlement, la physionomie des Parisiens a changé : en un demi-siècle, le pourcentage des employés et des ouvriers dans l’ensemble de la population active résidant à Paris a diminué de 65 à 35 %, alors que celui des professions intermédiaires et supérieures augmentait de 19 à 58,5 %. Pour s’en tenir aux seuls effectifs d’ouvriers d’une part, de cadres et professions intellectuelles supérieures de l’autre, on observe qu’entre 1954 et 1999, celui des premiers s’est trouvé notablement amputé – les ouvriers étaient 117 000 en 1999 contre 477 000 en 1954 –, cependant qu’il y avait, en 1999, 268 000 cadres de plus qu’en 1954 (soit 394 000 contre 126 000).

4Les cadres sont sur-représentés par rapport à leur poids dans l’ensemble de la population active. Ce renforcement de la présence des cadres à Paris est particulièrement net dans les quartiers à dominante populaire relative, qui se “gentrifient”. Autrement dit, soulignent les sociologues, “le processus d’embourgeoisement de Paris n’est pas tellement dû aux beaux quartiers, mais davantage à une diffusion des catégories supérieures sur l’ensemble de la ville”.

5Il n’en subsiste pas moins – pour l’heure – des différences importantes entre les populations de l’est et de l’ouest parisiens. Cette dissymétrie sociale se lit très clairement au travers de la distribution des contribuables redevables de l’impôt sur la fortune (ISF). En 2000, “Paris Ouest” où le ministère des Finances réunit les 7e, 15e et 16e arrondissements, comptait 23 915 assujettis à l’ISF (soit 46 % de leur total parisien), acquittant un impôt qui s’élevait, en moyenne, à 19 140 euros. Rassemblant les 11e, 12e, 19e et 20e arrondissements, le secteur de “Paris Est”, en revanche, “ne” dénombrait “que” 4 560 foyers payant l’ISF (8,7 % du total parisien), dont le montant moyen d’imposition était de 7 470 euros.

6Ville riche, la capitale, toutefois, ne regroupe pas seulement 20 % de l’ensemble des contribuables français qui paient l’ISF, mais aussi 20 % de celui des SDF. Sur le plan de la pauvreté aussi – avec un ménage sur vingt touchant le RMI et un foyer parisien sur huit qui (sur)vit sous le seuil de pauvreté –, Paris figure dans le haut du tableau.

Notes

  • [1]
    M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, Sociologie de Paris, La Découverte, 2004, collection Repères, 122 pages, 7,95 euros.
Caroline Helfter
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2008
https://doi.org/10.3917/inso.123.0077
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