CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Si la “banlieue”» souffre, ce n’est pas de manque d’expertises. Depuis un quart de siècle, les sociologues, historiens, géographes, ethnologues, économistes ont quadrillé ce champ sous des formes variées (recherches, études, essais, enquêtes, etc.). Il manquait un lien entre ces différentes approches. C’est chose faite. Cyprien Avenel[1] offre au lecteur un fil conducteur à travers une sélection (plus de cent cinquante références) de travaux importants sur le thème ; il propose de surcroît une réflexion originale et concise sur la manière dont la pensée s’est élaborée sur la question des “quartiers sensibles”, en mettant au jour une série de problèmes sociologiques.

2L’une des difficultés de l’analyse des banlieues est qu’elle oblige à articuler, sans faire l’amalgame, deux approches, l’une réaliste et objective appuyée sur des faits, et l’autre, basée sur les représentations mentales, sociales et politiques. Comme le souligne l’un des auteurs cités, il s’agit de considérer que les habitants ont des problèmes (économiques, sociaux) et qu’ils sont un problème.

3Il existe un véritable “système ségrégatif français” qui pose la question du ghetto et des violences urbaines. Si les phénomènes de ségrégation sont au centre des études, encore faut-il se méfier d’une globalisation qui masquerait des différences locales : un quartier se subdivise finement en sous-quartiers. “Changer de barre, c’est parfois changer de vie”, écrivait déjà C. Bachmann en 1989. Ce qui oblige le chercheur à respecter une échelle d’observation très fine.

4En ce qui concerne les images négatives que les médias reflètent (et contribuent à construire), le stigmate frappe de plein fouet les habitants et notamment les jeunes, qui ont, comme le souligne l’auteur, “les pieds dans la précarité économique, la tête dans l’univers culturel des classes moyennes”. En intégrant ces représentations, c’est l’identité même des personnes qui est mise à mal, bien qu’on observe de nombreuses stratégies de lutte contre la ségrégation et la stigmatisation.

5L’analyse des politiques publiques révèle de nombreux paradoxes. Dans les banlieues, la vie collective est quadrillée de plans d’actions qui se superposent au fil des années, relayés par des acteurs divers. Les partenaires se multiplient. Pourtant, certains habitants se sentent encore plus abandonnés, perdus dans des labyrinthes censés les conduire vers l’insertion.

6Mais une autre dynamique s’instaure, comme une échappée. La même réalité présente soudain un autre visage : l’attachement à son quartier qu’on défend contre les idées véhiculées et reçues ; la créativité manifestée dans les pratiques culturelles où le stigmate devient ressource ; les solidarités qui peuvent devenir engagement militant.

Notes

  • [1]
    Cyprien Avenel, Sociologie des quartiers sensibles, 128 pages, Armand Colin, 2004.
Lise Mingasson
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2008
https://doi.org/10.3917/inso.123.0071
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