1Être marinier est une profession fatigante, contraignante, et pas toujours rentable. Les mariniers sillonnent la France, passent les frontières, utilisant tantôt les voies d’eau naturelles, tantôt les canaux creusés dès le XVIIe siècle, pourvus d’écluses à sas, invention de Léonard de Vinci.
2L’habitat marinier, c’est la péniche. Elle doit concilier deux impératifs : permettre le travail nourricier et assurer une vie quotidienne agréable. Le marinier chez lui est constamment à l’œuvre. Il guide le bateau, surveille le passage des écluses, fait les réparations nécessaires. L’histoire de la navigation fluviale fait apparaître l’évolution de l’habitat. Au début, ce sont des radeaux sommaires bâchés avec quelques rudiments de cabanes en planches, une marmite accrochée à un trépied, un feu qui permet de cuire la soupe et de se réchauffer. Le radeau est démoli, “déchiré” en langage marinier, à l’arrivée et ses occupants, chargés de leur maigre barda, remontent par les chemins de halage. Il ne s’agit pas encore d’un logement. La péniche, elle, est une véritable habitation. Elle alimente le Trésor public en payant des droits de péage, supprimés à la Révolution. Les premières péniches sont en bois, puis en métal, mieux adaptées aux chargements lourds, ciment, sable, charbon, soude, etc., et disposant d’un rayon d’action étendu.
3Le logement du marinier a beaucoup changé au cours des siècles en fonction des mutations de la société industrielle. Mais une constante demeure : cet habitant flottant de résidence et de travail se doit d’utiliser le plus d’espace possible pour le chargement. D’où nombre d’astuces d’aménagements, placard et buffet incorporés dans le plat-bord par exemple. Autre impératif : créer un lieu de vie le plus agréable possible malgré les contraintes, ménager des ouvertures qui permettent l’entrée de la lumière, adopter des dispositifs qui assurent une circulation facile, une meilleure surveillance (autrefois les enfants étaient attachés pour éviter les accidents). L’arrivée de l’électricité, le groupe électrogène de 220 volts depuis 1960, a probablement amélioré la vie sur l’eau. La machine à laver a supprimé le grand baquet en tôle galvanisée, et les batteurs actionnés à la main, des toilettes modernes avec un moteur auxiliaire et une pompe qui évacue vers l’extérieur ont relégué dans le passé l’usage du pot de chambre. Enfin, avec la radio et la télévision, le marinier a, comme tout autre, une fenêtre ouverte sur le monde.
4Le rôle de la femme est primordial dans le bien-être de l’habitat : elle veille à la propreté, à l’ordre. Ce qui ne l’empêche pas d’aider l’homme aux manœuvres.
5Le marinier aime sa péniche. Il a avec elle des liens quasi symbiotiques comme le dit dans ses Mémoires une ancienne navigante. Si la péniche est avariée, c’est le marinier qui souffre. On l’entendra dire : “Je suis amarré près du pont.” Il ne faut pas s’étonner si des couples à la retraite, ayant comme on dit “débarqué”, viennent s’amarrer au quai de quelque pont fluvial.