1L’entrée dans la monoparentalité s’accompagne souvent d’une précarisation accrue des femmes. Dans les milieux défavorisés, ces mères élevant seules leurs enfants conjuguent non seulement problèmes économiques, isolement relationnel et fragilisation psychologique, mais elles sont, de surcroît, peu préparées à occuper la place de “chef de famille”. Pour y parvenir, il leur faut effectuer un véritable travail de “remodelage identitaire” afin de s’affranchir de la position de dépendance jusqu’alors tenue. “La situation de ces femmes à la recherche d’un nouvel équilibre de vie, permettant que s’élabore un rapport différent à la vie sociale, au travail, à l’homme, à l’enfant et à elles-mêmes, nous semble particulièrement révélatrice des interrogations qui traversent le champ des professionnels de la psyché et du social au sujet de l’enfant, de la parentalité, des rapports entre les sexes et de leur place dans l’espace social”, expliquent Gérard Neyrand, sociologue, et Patricia Rossi, psychologue et psychanalyste [1].
2À partir d’entretiens réalisés dans plusieurs sites marseillais avec une centaine de femmes connaissant ces difficultés, les auteurs analysent les distorsions entre le discours généralisé de la réalisation de soi qui leur est proposé, et le désarroi de celles qui sont amenées à ne plus se penser qu’au regard de leurs enfants. Comment les aider à (re)conquérir une identité personnelle, sans pour autant nier celle de mère ? “C’est en trouvant un espace de parole qu’une femme peut interroger ses investissements affectifs et situer à nouveau la place que la conjugalité et la parentalité tiennent dans sa vie”, répondent les auteurs.
3Ce processus vise aussi à redéfinir une place pour celui qui n’est plus le conjoint, mais toujours le père – ce qui peut s’avérer difficile, voire impossible dans le cas des femmes ayant eu à souffrir des dérives pathologiques de leur mari. Cependant, même si le contact est rompu, le travail psychologique reste nécessaire pour que s’élabore ou se confirme la reconnaissance de la position paternelle. D’autant qu’apprendre à distinguer les différentes facettes d’un homme – amant, mari, père –, c’est aussi apprendre à mieux gérer le caractère multiple de sa propre image, et quitter l’emprise du seul maternel pour “advenir à la diversité de sa féminité”.
Notes
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[1]
In Monoparentalité précaire et femme sujet, Éditions Erès, 2004, 236 p., 22 euros.