1L’avocat, spécialiste du droit de la famille, doit s’adapter aux nouvelles mesures et au positionnement impulsé par la loi. Chantal Delahaut-Lavoillotte, avocate au barreau de Melun (Seine-et-Marne), relève et commente ici quatre points sensibles à partir de sa pratique.
2“En tant que praticien, on ne peut qu’être d’accord avec les objectifs de la loi : pacifier les rapports, accélérer les délais, dissocier la faute des problèmes d’argent, etc. Mais tous les couples n’ont pas cette vision pacifique de la séparation. Beaucoup se vivent comme victimes, l’un des deux (et parfois les deux) se sent(ent), blessé(s), abandonné(s), trahi(s). Ils demandent à l’avocat d’être “de leur côté” et d’obtenir réparation d’une faute. Le divorce pour faute devrait perdre du terrain mais ne disparaît pas (notamment en cas de violences...). Je fais partie des praticiens qui ont toujours essayé de faire signer la paix au lieu de déclarer la guerre. Cela implique de passer beaucoup de temps avec le client à expliquer, faire admettre qu’un accord peut être envisagé, tout en respectant, bien sûr, ses droits.
3Est-ce que la loi va faire évoluer les mentalités ? Je l’espère. Actuellement, elle semble anticiper sur la façon dont beaucoup de couples envisagent encore le divorce.
4Cette loi introduit le droit au divorce, à travers la création du divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui réduit de six à deux ans le délai de séparation avant l’assignation en divorce. Par ailleurs, la loi ne mentionne plus (sauf pour les mesures urgentes) l’autorisation par le juge de résider séparément ; le juge interviendra pour organiser la vie séparée, ce qui est très différent.
5Il n’y aura plus de cas où l’on ne pourra pas divorcer de son conjoint. Là aussi, les personnes devront l’admettre. Ce n’est pas rien de se voir imposer unilatéralement le divorce après x années de mariage. Beaucoup tenaient au mariage, au statut d’homme ou de femme marié(e), pour des raisons diverses.
6Pour le divorce par consentement mutuel, la comparution unique devant le juge devient le principe. C’est positif si le couple n’a ni biens ni enfant. Ce qui est minoritaire. Les deux passages devant le juge, avec délai de réflexion, étaient très utiles car cela permettait aux époux d’affiner les modalités du divorce. Il régnera sans doute une grande incertitude entre la décision de divorcer et la comparution devant le juge car il faudra, avant de comparaître, avoir vendu le bien ou liquidé le régime matrimonial, ce qui prend plusieurs mois.
7La médiation familiale devient une mesure intégrée à la procédure de divorce. Le juge peut l’ordonner au moins pour une séance d’information. Si elle a lieu, la médiation gagne à être faite dès le départ car son échec vient souvent du fait que le conflit est trop ancien. Mais, attention, il existe actuellement encore très peu de médiateurs qui soient valablement formés. En effet, l’approche est double : juridique et psychologique. Il ne s’agit pas de faire abandonner une demande, notamment financière, justifiée en droit, pour une entente à tout prix.
8Le risque est que la volonté de pousser les gens à l’accord repousse le conflit conjugal sur un autre terrain. Or, celui-ci doit être traité pendant le divorce, sinon il réapparaît après. Cette réforme commence tout juste à s’appliquer, et tout cela demande à être confronté à la pratique.”