CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La loi n? 2004-439 du 26 mai 2004 réformant le divorce, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, semble passer presque inaperçue. Certes, elle fait l’objet, comme il se doit, de commentaires passionnants et de débats passionnés dans les revues spécialisées mais elle ne semble pas avoir touché le grand public. Cette situation paraît à première vue bien surprenante lorsque l’on songe que 38 % des mariages se terminent par un divorce et une grande part du contentieux civil est liée à une procédure de divorce. Cet état d’esprit paraît résulter d’un constat simple : la loi nouvelle n’apporterait pas grand-chose, elle ne ferait que prolonger les objectifs déjà fixés par la grande loi dite Carbonnier du 11 juillet 1975. Comment d’ailleurs contredire cette impression alors que la loi a été votée de manière assez consensuelle par les parlementaires, laissant penser qu’elle ne soulève pas de débat de fond. En fin de compte, cette loi serait faite par des juristes et pour des juristes – les avocats, les magistrats et les notaires, et non pour les divorcés eux-mêmes. Ce jugement paraît très excessif. Sur de nombreux points, la loi a pris clairement position, tranchant entre des positions souvent diamétralement opposées. Afin de mesurer la portée de cette réforme, nous en présentons les principales mesures, que nous soumettons à la réflexion et aux commentaires de Hubert Bosse-Platière, spécialiste du droit de la famille et de Chantal Delahaut-Lavoillotte, avocate.

2La question du divorce, comme les juristes aiment la nommer, est, par nature, un sujet brûlant. Elle met en jeu la vision que la société a du mariage, comme si aujourd’hui, devant l’ampleur du phénomène de divortialité et face à la concurrence déloyale jouée par les différentes formes de concubinages, le mariage se définissait avant tout par la facilité qu’auraient les époux à ouvrir la porte de sortie. Or cette vision reste très diverse. Pour beaucoup, le mariage, même civil, reste empreint de religiosité : si personne ou presque ne défend plus l’indissolubilité du lien matrimonial, beaucoup s’offusqueraient si, par un extraordinaire retour de l’histoire, la loi nouvelle avait copié une de ses devancières en réintroduisant dans notre droit le divorce pour simple incompatibilité d’humeur que les révolutionnaires avaient retenu en 1792. À l’inverse, nombreux sont ceux qui considèrent le mariage non plus comme une institution, mais comme un contrat, qui ne repose plus que sur l’engagement que se sont porté à un moment donné deux individus. En tant que contrat, celui-ci pourrait être rompu par simple volonté : le mariage deviendrait une affaire purement privée dans laquelle l’État n’aurait pas son mot à dire.

3Face à cette opposition, quelque peu caricaturale, la loi n? 2004-439 du 26 mai 2004 a effectué des choix assez consensuels qui laisseront sans doute insatisfaits ceux qui ont des positions tranchées, mais qui correspondent assez largement à l’état des mœurs du plus grand nombre tout en s’efforçant de respecter cette diversité d’opinions.

Les enjeux théoriques

4Le principal débat a tourné autour de l’idée de droit au divorce. Si la loi du 15 juillet 1975 paraissait avoir vieilli, c’est surtout parce qu’elle ne permettait pas à un époux marié de divorcer dès lors que son conjoint souhaitait rester dans les liens du mariage. Certes, l’introduction d’un divorce pour cause objective âprement discutée en 1975 offrait bien une telle possibilité, mais il fallait attendre six ans de séparation de fait avant d’envisager un divorce qui mettait le demandeur dans l’embarras puisqu’il devait subvenir aux besoins de son conjoint délaissé. Cette situation aboutissait souvent à une parodie de justice : le divorce pour faute était le plus utilisé (dans plus de 40 % des cas) mais il cachait mal de fausses fautes que les magistrats entérinaient pour libérer l’époux du lien matrimonial. Mais, même ainsi admise, la nécessité de faciliter le divorce restait la question du contrôle social.

5Faut-il aller jusqu’à exclure le juge ? Certains le souhaitent ainsi qu’en témoignent les propositions effectuées devant le Sénat par les partisans d’un divorce administratif. Mais la fronde a été forte [1]. Comment un maire pourrait-il avoir les compétences pour protéger le plus faible des deux, pour apprécier la véracité du consentement ? Le parallélisme des formes – le mariage et le divorce devant le maire - est ici une vue de l’esprit et une erreur de perception de la nécessaire séparation des pouvoirs entre l’administratif et le judicaire : célébrer un mariage n’est pas la même chose que de prononcer un divorce, même lorsqu’il n’y a ni enfants ni patrimoine. Le juge serait ainsi le dernier rempart contre toute désintitutionnalisation du mariage. Il ne faudrait toutefois pas croire que les partisans du divorce administratif aient définitivement baissé les bras ; ce n’est sans doute pour eux qu’une question de temps, car les arguments qu’ils invoquent ont de quoi convaincre certains politiques : diminution du coût de la justice, désengorgement des tribunaux, nouvelles psychologies des divorcés et surtout, contestation sur la présence inéluctable du juge [2].

6Entre un juge, simple chambre d’enregistrement, et un juge, gardien du temple, le contrôle social n’a ni le même degré ni la même nature. La loi de 2004 a conservé l’idée d’un divorce à la carte que la loi de 1975 avait introduite : les quatre cas de divorce demeurent, même s’ils en sortent profondément renouvelés. C’est déjà un choix de maintenir cette pluralité : on aurait très bien pu se contenter comme d’autres pays européens, d’un seul divorce faillite, qui constate l’échec du couple. Le législateur a fait œuvre de pluralisme législatif en reprenant à son compte l’adage du Doyen Carbonnier, à chacun son droit, à chacun sa famille. À côté de deux divorces d’accord qui sont maintenus – le divorce par consentement mutuel et le divorce pour acceptation du principe de la rupture (nouvelle appellation du divorce sur double aveu) –, subsistent deux autres cas qui ont cristallisé les passions : l’apparition d’un nouveau cas, le divorce par suite de l’altération définitive du lien conjugal, et le maintien du divorce pour faute. Le législateur montre que sa vision de la société française est d’être ni du nord ni du sud de l’Europe, mais à part, comme souvent en matière familiale. La loi française sur le divorce ferait œuvre de laïcité, en intégrant toutes les formes de communautés, en maintenant le divorce pour faute, tout en favorisant le divorce faillite.

La liberté de rompre unilatéralement

7L’apparition du divorce pour altération définitive du lien conjugal est la grande nouveauté de la loi. Elle s’accompagne de la disparition du divorce pour rupture de la vie commune qui n’a jamais été réellement utilisée (environ 1 % des cas). Elle répond à la demande de ceux qui souhaitent divorcer et ne le pouvaient pas ou bien parce que leur conjoint n’était pas d’accord, ou bien parce qu’ils avaient en face d’eux si ce n’est des époux ou des épouses modèles, du moins des conjoints à qui aucune faute ne pouvait sérieusement être reprochée. Ainsi, un époux pourra désormais unilatéralement mettre fin au mariage. Il pouvait le faire auparavant mais dans des conditions tellement draconiennes que cette liberté de rompre était un leurre. Pour beaucoup, ce nouveau cas de divorce est une répudiation déguisée sous la forme d’un divorce faillite ou divorce remède. Pourtant, le législateur a mis en place un garde-fou : nécessité d’une séparation de fait depuis deux ans lors de l’assignation en divorce. On est loin du divorce pour incompatibilité d’humeur de la période révolutionnaire. Et plus encore de la répudiation musulmane telle qu’elle existe en Algérie ou au Maroc, mais non en Tunisie où elle est interdite. La répudiation musulmane est très différente de ce droit au divorce consacré par la loi de 2004 : entre les mains exclusives du mari, elle s’exécute sans condition ni de fond ni de délai, par simple volonté discrétionnaire de l’homme, entérinée – mais pas nécessairement – en bout de chaîne par un juge, qui ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation. Rien de tout cela dans le nouveau cas français : ce droit appartient à l’épouse comme au mari, et le juge, s’il n’a pas de pouvoir d’appréciation sur le degré d’altération du lien, devra toujours vérifier que la séparation a duré deux ans. Il n’y a donc pas d’incohérence à voir, la même année 2004, le législateur consacrer un tel droit et la Cour de cassation proclamer que la répudiation musulmane est contraire à l’ordre public français en matière internationale [3]. Ce qui, en définitive, paraît plus critiquable aux yeux de certains ce n’est pas tant que la loi consacre un droit au divorce, mais plutôt que la faculté de rompre son engagement se fasse sans responsabilité [4]. Si telle est la critique, on en vient à se demander si le législateur n’aurait pas mieux fait de supprimer le délai de deux ans, car le juge aura sans doute plus de mal à tenir compte des intérêts du “rejeté(e)” alors que le temps a déjà fait son œuvre d’apaisement. Quand bien même, le législateur de 2004 n’a pas écarté toute notion de responsabilité en prévoyant que des dommages et intérêts pouvaient être alloués à l’époux défendeur à un divorce pour altération définitive du lien conjugal en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage (C. civ., art. 266). N’y aurait-il pas d’ailleurs un risque de répudiation à rebours, entre les mains de la femme ? Il leur suffit de séduire un homme riche, de le rejeter, au bout de quelque temps, et de demander une prestation compensatoire. Mais la loi de 2004 a donné aux juges le moyen de trouver la parade en refusant de prononcer une prestation compensatoire si l’équité le commande (C. civ., art. 270 al. 3).

8Reste la question du divorce pour faute. Pourquoi le maintenir alors que l’on crée à côté un divorce faillite largement ouvert ? Une proposition de loi sous l’ancienne législature avait un temps caressé l’idée. Donner au juge le pouvoir d’apprécier les obligations nées du mariage, puisque selon la formule popularisée du Doyen Carbonnier, les fautes causes du divorce dessinent eux creux les obligations nés du mariage, apparaît dépassé pour tous ceux qui voient dans le mariage un simple engagement privé. Pourtant, le législateur avec beaucoup de sagesse a estimé le contraire. Tout d’abord, il n’est pas absurde de penser que la faute constitue le minimum de sanction des devoirs nés du mariage et que de toute manière, à vouloir la supprimer, elle réapparaîtrait inéluctablement sous les traits de la responsabilité civile. Ensuite, pour beaucoup encore, le prononcé d’une culpabilité même sans répercussion sur les conséquences du divorce a du sens, qu’il convient de ne pas négliger. Si suppression – ou tout au moins diminution – du nombre de divorce pour faute il doit y avoir, elle proviendra sans doute du choix fait par le législateur d’aligner les conséquences de ce divorce sur les autres cas et par une concurrence plus sérieuse des autres formes simplifiées et ouvertes. Enfin, un dernier argument plaidait en faveur du maintien du divorce pour faute : c’est le seul cas qui permet de divorcer sans l’accord de son conjoint et sans attendre un délai de deux ans. Or il est des situations insupportables comme les violences conjugales qui méritent une réponse immédiate.

9Les enjeux de la réforme du divorce ne sont toutefois pas que théoriques.

Les enjeux pratiques

10Ils sont nombreux car le législateur a eu le souci de reprendre à son compte les remarques des professionnels du droit. Parmi elles, deux réformes méritent d’être dégagées car elles sont de nature à modifier en profondeur la pratique du divorce.

111) La volonté d’accélérer la liquidation du régime matrimonial apparaît comme un objectif majeur de la réforme. Sauf dans le divorce sur requête conjointe, le principe était que les opérations de liquidation et de partage intervenaient après le prononcé du divorce. Certes, on pouvait passer des liquidations anticipées (C. civ., art. 1450) mais leur domaine était si étroitement délimité, qu’elles étaient peu utilisées. Il en résultait souvent des situations ubuesques où des divorcés concluaient un nouveau mariage, alors qu’ils étaient encore en indivision avec leur ancien(ne) époux(se). En outre, cette situation faisait naître un contentieux inutile car, comme le soulignent souvent les notaires, une fois le divorce prononcé, les ex-époux ont tout le loisir de s’entredéchirer sur l’estimation de la valeur d’un bien ou sur l’attribution de l’argenterie de famille. La Cour européenne des droits de l’homme n’avait d’ailleurs pas hésité, en 2000, à condamner la France pour ne pas liquider après divorce les biens dans un délai raisonnable [5]. La loi de 2004 devrait y remédier en mettant en place la nécessité dans toutes les procédures de divorce, en cours d’instance, d’un commun accord, ou sous l’égide du juge, de préparer le règlement des intérêts pécuniaires des époux et d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial (C. civ., art. 255-9? et 10?). Après divorce, si des difficultés subsistent, elles devront en tout état de cause être réglées si besoin par recours au tribunal dans un délai de douze mois allongé éventuellement de six mois (C. civ., art. 267 et s). Ces textes devraient non seulement aider les époux à fuir le passé mais constituer une petite révolution de palais puisqu’elle obligera les professionnels du droit – magistrats, avocats et notaires – à travailler dans l’intérêt de la justice la main dans la main, dès le début de la procédure.

122) La seconde révolution voulue par les artisans de la loi est la place prédominante donnée aux accords entre époux. Partant du principe simple qu’une justice négociée vaut mieux qu’une justice imposée, le législateur s’efforce de favoriser ces accords. Jusqu’à présent la ligne de démarcation passait entre les cas de divorce, aux divorces subis s’opposaient les divorces voulus. Désormais, c’est à l’intérieur de chaque divorce que passe cette opposition avec une très nette faveur pour les accords entre époux, à tous les stades de la procédure et sur tous les points de droit (liquidation et partage des biens, sort des enfants). La volonté est comme toujours de dédramatiser, de pacifier le divorce. Il n’en reste pas moins que la loi ne peut être sur ce point naïve et oublier les réalités psychologiques d’une telle population. C’est pourquoi, il s’appuie la encore sur les professionnels du droit pour arriver à ses fins. Tout d’abord, il accorde toujours aux juges le pouvoir de protéger le plus faible des deux, économiquement ou psychologiquement, en lui permettant de remettre en cause si nécessaire le contenu de l’accord. Ensuite, il confie aux notaires, aux avocats, aux médiateurs familiaux le soin d’obtenir ces accords entre époux. La place de la médiation familiale se trouve ainsi renforcée en même temps que le métier de médiateurs familiaux se professionnalise (voir la mise en place de diplôme).

13Attaqué de l’extérieur par d’autres modes de conjugalités considérés souvent à tort comme plus attractifs, miné de l’intérieur par une perception, tout aussi fausse, que le mariage – et son corollaire, le divorce – est une affaire de couple qui ne concerne pas les enfants (les incidences à leur égard auraient été traitées par la loi du 4 mars 2002), le mariage a perdu la place prédominante qu’il avait jadis. L’absence de répercussion médiatique d’une réforme sur le divorce ne serait que la rançon d’un affaiblissement du mariage lui-même. Il est possible d’avoir une vision différente. Le taux de divortialité n’a guère évolué depuis le début des années quatre-vingt-dix, et reste stable autour de 120 000 par an. Deux mariages sur trois se terminent par un décès, ce qui est une certaine forme de réussite, si l’on considère que le mariage ne repose plus que sur un engagement amoureux, qui, comme le dit la chanson, ne durerait qu’un instant. La situation des enfants reste très liée à la séparation de leurs parents, ne serait-ce que d’un point de vue de leur cadre de vie. Il y a une forme de pari sociologique dans cette loi de 2004 : non pas que les gens divorcent davantage, mais qu’ils divorcent autrement en estimant que les nouveaux cas offerts correspondront mieux aux aspirations profondes que se font les Français du mariage [6].

La loi du 26 mai 2004 réformant le divorce

Présentation

14Cette loi, en chantier depuis l’an 2000, est applicable aux demandes de divorce introduites depuis le 1er janvier 2005 (loi n? 2004-439).

15Comme le notent les commentateurs, la loi repose sur deux principes fondamentaux : la pacification du conflit et l’accélération de la procédure. Cependant, l’objectif principal est de faire baisser le nombre de divorces pour faute et de favoriser systématiquement la conciliation et les accords entre époux. Les objectifs secondaires sont de rendre les procédures plus efficaces et, enfin, de responsabiliser l’époux défaillant et de protéger le conjoint victime.

Les modifications apportées aux procédures des différents types de divorce

16Le but de la réforme est de rendre neutres les procédures et les conséquences des différents types de divorce, afin que les époux prennent uniquement le motif de celui-ci en compte lors du choix de la procédure, et non pas d’autres conséquences patrimoniales actuellement attachées à certaines formes de divorce.

17Les quatre procédures sont maintenues (voir ci-dessous). Toutefois, elles sont simplifiées et les époux peuvent dans tous les cas soumettre un accord au juge pour homologation en cours de procédure. Le divorce est organisé autour d’une procédure commune à toutes les formes contentieuses (seul le divorce par consentement mutuel est non contentieux). La conciliation devient un préalable obligatoire dans les trois formes de divorces contentieux : l’introduction formelle de la demande de divorce, accompagnée du choix du motif et donc de la forme de celui-ci, n’intervient qu’après une tentative de conciliation. La médiation familiale peut faire l’objet d’une proposition ou d’une injonction du juge, dans toutes les procédures, sauf le consentement mutuel, et dans toutes les matières (liquidation du régime matrimonial, pensions alimentaires, garde des enfants).

18> Le divorce par consentement mutuel (ex-divorce sur requête conjointe) concerne actuellement presque 40 % des cas. Une seule audience devant le juge est nécessaire (contre deux autrefois). Le divorce est prononcé immédiatement si les époux produisent une convention (acceptée par le juge) réglant les conséquences du divorce. Le juge peut homologuer des mesures provisoires dont les époux sont convenus. Une nouvelle convention peut alors être présentée dans un délai de six mois.

19> Le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (ex-divorce sur demande acceptée, qui représente actuellement moins de 2 % des cas) devient contentieux. Cependant, il peut désormais être demandé conjointement par les deux époux. Le consentement accordé par l’époux ne peut plus être retiré, même en appel. Les formalités sont allégées : plus de mémoires à produire et plus d’aveux des faits (notamment les mentions d’éventuels torts partagés : cette déclinaison du divorce sur demande acceptée disparaît).

20> Le divorce pour altération définitive du lien conjugal (ex-divorce pour rupture de la vie commune : moins de 2 % des cas) peut désormais être prononcé après deux ans de vie séparée (contre six autrefois). Toutefois, le défendeur peut invoquer le divorce pour faute et, en ce cas, le demandeur pourra également invoquer les fautes du conjoint. Le devoir de secours mutuel qui persistait après ce divorce est supprimé. Le droit à la conservation du nom du mari par la femme l’est aussi, ainsi que le droit au bail forcé.

21> Le divorce pour faute (40 % des divorces actuellement) est inchangé, il est toutefois totalement dépouillé de ses éventuelles sanctions pénales, devenues rares. Le Code civil prévoit désormais que l’époux demandeur peut solliciter du juge, avant le prononcé du divorce, une autorisation de vie séparée et un aménagement provisoire des conditions de vie. L’époux assigné en divorce pour faute peut demander au juge de le requalifier en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

22Les passerelles entre les différentes formes de divorce sont élargies. La séparation de corps judiciairement reconnue est maintenue. Une nouvelle disposition permet au juge, lorsqu’il y a risque de violence sur le conjoint ou les enfants, de statuer en urgence sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf exceptions, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences.

Les conséquences patrimoniales du divorce

23Les accords entre époux, soumis à l’homologation du juge, peuvent désormais porter sur la prestation compensatoire (auparavant, seul le divorce sur requête conjointe le permettait), et sur la liquidation du régime matrimonial. Le calcul de la prestation compensatoire intègre la liquidation du régime matrimonial.

24La prestation compensatoire est à la fois assouplie dans ses modalités (possibilité de prestation compensatoire mixte capital-rente, viager, usufruit), et elle n’est transmissible aux héritiers que sous forme d’un capital prélevé sur la succession (les prestations en rente seront alors recalculées en capital).

25Les avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du mariage ou au décès de l’époux, ainsi que les dispositions à cause de mort accordées par contrat de mariage ou pendant le mariage sont tous supprimés de plein droit par les différentes formes de divorce. En contrepartie, la révocation des biens donnés (ou à venir pour cause de survenance d’enfants) est désormais soumise au droit commun des révocations de donations.

26Pour préserver les parties les plus faibles, le juge dispose de plusieurs moyens. Les époux, au moment de l’introduction de la demande de divorce, doivent obligatoirement joindre une proposition de liquidation. Si nécessaire, le juge désignera un notaire dès la conciliation pour préparer un projet de liquidation du régime matrimonial. En cas de désaccord durable des époux, le juge tranchera. Les opérations de liquidation et de partage auront lieu dans le délai d’un an après le prononcé du divorce. En cas de faits graves subis, des dommages et intérêts peuvent être comme auparavant accordés à un époux en cas de faute exclusive du conjoint, mais aussi et cela est nouveau, au défendeur, en cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal. Les effets négatifs des torts sur le versement d’une prestation compensatoire disparaissent, sauf exception.

Notes

  • [1]
    La proposition fut rejetée à 204 voix contre 115 (JO Sénat, 7 janv. 2004, p. 75).
  • [2]
    V. en ce sens, F. Bellivier, RTD civ. 2004, p. 565.
  • [3]
    V. Cass. 1re civ., 17 fév. 2004 (cinq arrêts), D. 2004, 825, concl. F. Cavarroc, P. Courbe, “Le rejet des répudiations musulmanes”, D. 2004, 815 ; H. Fulchiron, Requiem pour les répudiations musulmanes ? ; JCP 2004, II, 10128. “Cette décision constatant une répudiation unilatérale du mari sans donne d’effet juridique à l’opposition éventuelle de la femme et en privant l’autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d’aménager les conséquences financières de cette rupture matrimoniale, est contraire au principe d’égalité lors de la dissolution du mariage, reconnu par l’article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n? 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme”.
  • [4]
    En ce sens, P. Malaurie, Conclusion sur la réforme du divorce : le divorce pour altération définitive du lien conjugal et la société de la peur, Defrénois 2004, p. 1601. L’auteur conclut sa contribution par cette phrase : “Mais ce qui paraît inacceptable, méconnaissant le socle de notre société, c’est admettre la liberté d’être irresponsable”.
  • [5]
    CEDH, 3 oct. 2000, aff. Kanoun c/France et CEDH, 28 nov. 2000 Siegel c/France, Defrénois 2001, p. 1238, obs. J.-P. Marguenaud.
  • [6]
    Ainsi s’exprime l’un des principaux artisans de la loi, le professeur Jean Hauser “... on peut ajouter que ce sont les français qui divorcent, que le respect qu’on leur doit, c’est de leur offrir le divorce qui leur convient car chaque couple est un cas particulier”, (“La nouvelle conception du divorce”, Revue Lamy droit civil, oct. 2004, p. 51.
Français

Résumé

Les enjeux de la réforme de la loi du 26 mai 2004 réformant le divorce sont d’ordres théorique et pratique. L’auteur analyse les débats auxquels cette loi a donné lieu. Le mariage s’affirme de plus en plus comme un contrat avec la possibilité de le rompre unilatéralement ; d’où l’idée d’un droit au divorce. Le juge est maintenu dans sa fonction contre les partisans d’un divorce administratif. Les enjeux pratiques font apparaître deux objectifs, accélérer la liquidation du régime matrimonial et donner une place dominante aux accords entre époux.

Bibliographie

  • Virginie Larribau-Terneyre, “Droit de la famille”, n? 6-7-8, Etudes, 13 et 16, 2004.
  • Florence Bellivier, Revue trimestrielle de droit civil¸ 2004, p. 565-574.
Hubert Bosse-Platière
Juriste spécialisé en droit de la famille, docteur en droit et maître de conférences habilité à diriger des recherches à la faculté de droit de Dijon. Il participe notamment aux travaux de l’Association française de recherche en droit de la famille de Lyon (dir. Rubellin-Devichi). Sur la question du couple, il a publié récemment sur la loi n? 2004-439 du 26 mai 2004 : “La physionomie nouvelle de la prestation compensatoire dans la loi n? 2004-439 du 26 mai 2004”, JCP G 2004, I , 167.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2008
https://doi.org/10.3917/inso.122.0100
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Caisse nationale d'allocations familiales © Caisse nationale d'allocations familiales. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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