L’information ne vise qu’à transmettre un message, tandis que la communication – plus ample et plus ambitieuse – cherche à bâtir une relation d’intercompréhension (Wolton, 2019). La communication se présente comme un processus difficile, fragile et prompt à l’échec, au sein duquel la perspective d’une intercompréhension pleine et entière ne peut se comprendre que comme un idéal régulateur. Si l’entente réciproque constitue l’horizon vers lequel toute communication doit tendre, il serait illusoire d’espérer la réaliser au quotidien. Cette approche postule plutôt que la situation qui prévaut par défaut est celle d’une incommunication, c’est-à-dire d’une exposition à l’altérité et d’une négociation entre parties prenantes de la communication qui se reconnaissent a minima comme des interlocuteurs égaux et légitimes mais qui peinent à surmonter les malentendus, les attentes divergentes ou les quiproquos qui colorent inévitablement toute relation d’échange (Paquot, 2019). En ce sens, l’incommunication se distingue radicalement de l’acommunication qui marque l’interruption des efforts d’intercompréhension et le retrait dans le silence ou la confrontation violente, donc l’échec du dialogue. Cette définition de la communication est donc normative de part en part, puisqu’elle se donne pour objectif explicite d’éviter de basculer dans ces extrêmes.
Parce que l’incommunication se déploie dans cette perspective comme un processus aussi incertain que fécond de négociations entre partenaires égaux qui cherchent à se comprendre mutuellement en dépit de différences réelles, elle permet de capturer conceptuellement une partie de ce qui se joue au sein de l’intégration européenne (Wolton, 2020)…