Un spectre hante l’Europe : la démocratie. Les ardents défenseurs de l’intégration européenne comme ses opposants les plus virulents, les fédéralistes modérés et les intergouvernementaux traditionnels, la Commission européenne elle-même, les organisations non gouvernementales (ONG), les médias et les citoyens européens ordinaires semblent tous d’accord sur ce point : « L’Union européenne doit être plus démocratique. »
Rien de nouveau. Cette musique résonne comme un vieux tube populaire et inusable, chanté dans chacune des langues officielles de l’UE. Inventée il y a 40 ans au sein de la gauche politique britannique (Marquand, 1979), l’expression de « déficit démocratique » est depuis un angle mort persistant du débat européen. En dépit des évolutions de l’architecture institutionnelle, des nombreux changements dans les pratiques démocratiques, de l’affirmation et du renforcement de la seule assemblée de l’UE élue démocratiquement, ce déficit-là de l’Europe est si tenace qu’il semble presque impossible à résorber.
À la fois cause et effet de participations électorales médiocres et d’un dialogue de sourds généralisé et polarisé entre partisans et opposants de l’UE, technocrates et populistes, institutions et citoyens, l’exigence récurrente de démocratisation de l’Europe suggère une construction qui ne le serait pas. Pourtant, sinon dans l’esprit, du moins dans la lettre, il est évident que les institutions de l’UE sont bien démocratiques et respectent la séparation des pouvoirs : la Commission est juridiquement et politiquement responsable devant un Parlement élu au suffrage universel direct, qui co-légifère avec un Conseil composé de gouvernements démocratiquement formés dans le respect de leurs constitutions nationales…