Deux concepts furent privilégiés par Norbert Wiener dans la constitution de la cybernétique : celui de message et celui de rétroaction (ou feedback). La fécondité heuristique de ces concepts n’est plus à démontrer. Elle s’illustre notamment dans la convergence des sciences biologiques et des sciences de l’information, telle que François Jacob ou Jacques Monod l’ont argumentée dans les années 1970. On la découvre aussi dans l’analyse sociologique des systèmes sociaux ou dans les psychothérapies systémiques de l’École de Palo Alto. La psychologie cognitive et les sciences de l’éducation s’en sont également trouvé inspirées et, sur la base des concepts de la cybernétique, elles ont été tentées d’expliquer et de modéliser les actes d’apprentissage par référence à l’homéostasie et à l’autorégulation que les mécanismes de feedback autorisent. Dans son dernier livre, Penser vite ou penser bien ?, Joëlle Proust s’attache à exposer, sous l’intitulé disciplinaire de « métacognition », les moyens dont dispose tout individu en situation d’apprendre afin de contrôler, évaluer et réviser ses actions cognitives. À dire vrai, la place qu’occupe chez Wiener l’homéostasie est occupée chez elle par le compromis, mais la visée théorique est la même : comprendre comment s’établit l’équilibre qui signale que les conditions d’une prise de décision sont réunies grâce à la stabilisation de la balance des ressources dont on dispose, d’une part, et des enjeux justifiant la motivation à agir, d’autre part…