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Brigitte Chapelain : Sofiane Hadjadj, vous êtes écrivain. Avec votre compagne, il y a une vingtaine d’années, vous avez fondé la maison d’édition Barzach, et vous avez également monté une librairie à Alger, L’Arbre à lire. En arabe, barzach signifie un entre-deux entre le monde physique et le monde spirituel. Pour vous, le discours littéraire se situe entre deux discours, le religieux et le politique, qui tiennent en otage les individus. Est-ce algérien ou universel ?Sofiane Hadjadj : C’est totalement universel. Quand nous avons créé la maison d’édition, il y a 22 ans, nous sortions de la décennie noire durant laquelle a eu lieu toute une série d’attentats islamistes qui a provoqué une réaction très virulente de l’État algérien qui a, c’est vrai, « sauvé » le pays, mais au prix d’une grande violence physique et d’une guerre civile. On sauve le pays, mais on sacrifie un certain nombre de valeurs, dont la démocratie et la liberté d’expression. Et qui est l’État algérien ? Ce sont les héritiers de la décolonisation, de la guerre de libération qui pratiquent un certain type de discours légitimant la violence : un discours intégriste, rigoriste, et un discours politique étatiste dominant. Entre ces deux types de discours, les citoyens peuvent trouver dans la littérature la liberté de pensée et de création. Et cette liberté-là est universelle.
C’est pour cette raison que la guerre est faite aux langues. On en impose un certain nombre dans le monde, mais des dizaines, voire des centaines d’entre elles sont en train de disparaître, au fil des décennies…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/10/2022

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