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J’ai vécu cette période d’innocence consécutive à la fin de la guerre froide à Paris, dans la France rangée du côté des vainqueurs. Un pays structuré, une démocratie qui fonctionne comme une démocratie, avec ses failles, ses batailles et causes à défendre quotidiennes, des médias libres, diversifiés, publics, privés, associatifs. Une loi qui existe et une loi respectée. Avec des exceptions qu’on traque. Une école qui enseigne l’esprit civique en même temps que les connaissances, avec plus ou moins de succès, mais la volonté est là. Un pays où la culture demeure une valeur incarnée. L’élégance aussi.
Je faisais des allers-retours Paris-Sofia, je suivais les évolutions du postcommunisme de loin. J’étais en retard, mais, avec ma distance, je m’étais formé une certaine vision.
Le système que je voyais se dessiner était oligarchique. La liberté d’expression existait, mais les médias se concentraient. À partir des années 2010, 80 % de la distribution de la presse écrite, plusieurs sites et journaux dont deux quotidiens, des chaînes TV, appartenaient à Deyan Peevski, businessman sulfureux et député de l’Assemblée nationale, soupçonné de corruption lourde.
La corruption – c’était l’autre marque de fabrique du système. Elle prenait racine sur la terre fertile laissée par le communisme, un régime qui diluait les repères moraux. Elle était véhiculée par les anciens agents des services secrets, éduqués dans l’esprit de l’école kagébiste, qui prenaient rapidement des places stratégiques dans le nouveau monde économique et politique…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/10/2022

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