Article
Gilles Rouet et Yohann Turbet Delof : Vous êtes depuis plusieurs années, à différents titres, au cœur de problématiques internationales, souvent européennes. Selon vous, l’Europe avance-t-elle encore et, si oui, comment ? La « panne » supposée de l’Europe est-elle derrière nous ?Marisol Touraine : L’Europe dialogue, débat, s’exprime plus ou moins fortement, mais avance par à-coups. On dit souvent que l’Europe progresse avec les crises, mais dès que les crises disparaissent, il n’est pas certain que ce qui a été acquis s’impose durablement. En effet, pendant les crises se mettent en place des stratégies, des instruments politiques, et tout l’enjeu est de savoir ce qu’on en fait ensuite. Un exemple : à la suite de l’épidémie de SRAS de 2002 (déjà un coronavirus !), l’Europe s’est dotée d’un Centre (européen) de prévention et de contrôle des maladies. Face au Covid-19, l’alerte a été donnée, mais il y a eu du retard à l’allumage à la fois parce que le Centre a fonctionné de manière trop technocratique et parce que les instances politiques de l’Union n’ont pas su interpréter les signaux qui leur étaient adressés.
Alors, est-ce que l’Europe continue d’avancer ? Difficile à dire. En tout cas, elle ne recule pas. Mais ce qui n’avance plus, selon moi, c’est la vision de l’Europe comme projet politique. Voilà toute l’ambivalence et toute l’ambiguïté. Actuellement, dans la campagne électorale française, il n’y a plus d’évidence européenne, mais une déception européenne, bien souvent un rejet même de l’Europe…
Auteurs
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/10/2022

Veuillez patienter...