En janvier 2022, la Commission européenne a annoncé fièrement que le budget d’Europe créative, qui rassemble tous les programmes culturels européens, sera porté à 2,4 milliards d’euros pour la période 2021‑2027, ce qui représente une hausse de 67 % par rapport à la période 2014‑2020. Mais comme, dans le même temps, le budget global de l’Union va dépasser les 1 800 milliards d’euros sur la même période, plan de relance compris, Europe créative continuera de ne représenter que 0,13 % de ce budget. À comparer à la moyenne de la part de la culture dans les budgets des États européens : un peu plus de 1 %. La culture a toujours été le parent pauvre des domaines d’intervention de l’Europe communautaire.
Pour comprendre cet état de fait contre lequel protestent rituellement les milieux culturels européens, il faut invoquer deux ordres d’explication. Le premier tient à la manière dont a été conçue et construite l’Europe communautaire. Contrairement au mot apocryphe que l’on prête à Jean Monnet, il n’a jamais été question de commencer par la culture quand s’est ébauchée la communauté économique européenne dans les années 1950. Convaincus que les tentations suicidaires de l’Europe ne seraient surmontées que par l’édification d’interdépendances économiques, Jean Monnet et les autres « pères » de l’Europe ont commencé par le charbon et l’acier, ont continué par l’agriculture, puis l’aéronautique. De culture, il ne fut question qu’au sein du Conseil de l’Europe, instance estimable mais disposant d’un trop faible budget à répartir entre un trop grand nombre de pays membres…