Après plus d’un demi-siècle d’industrialisation et de mondialisation forcenées du domaine des comestibles, l’Europe a reformulé considérablement ses cultures et ses imaginaires alimentaires. Pourtant, pour les opinions publiques mondiales, le Vieux Continent conserve des traits distinctifs concernant la table, tout en affichant une large variété de spécialités gastronomiques (Goldstein et Merkle, 2006). Ainsi, par exemple, des revues spécialisées comme Gourmet, aux États-Unis, ont consacré de nombreuses couvertures, le long des décennies, à la tradition culinaire européenne, en exaltant notamment la qualité des gastronomies française et italienne (Gordon, 2007).
À l’échelle mondiale, l’axe entre la France et l’Italie est en effet souvent perçu comme le cœur géographique d’un style alimentaire européen original et enviable. En témoigne également la diffusion planétaire de restaurants se disant français, italiens ou « franco-italiens ». Dans la dite géopolitique du goût (Boudan, 2004), l’Europe conserve une position de prestige, ce qui pousse certaines diplomaties continentales à jouer de cette carte comme d’un outil de soft power projeté notamment vers les autres continents.
Cette popularité mondiale de la culture alimentaire européenne pourrait s’accompagner de l’émergence de récits partagés entre les Européens en ce domaine, notamment au sein de l’espace public médiatisé, « où les liens symboliques sont beaucoup plus importants que les liens réels et concrets. » (Wolton, 1992, p…