Ce n’est pas la fluidification de la parole, ou encore moins son accélération, qui créent les conditions d’une compréhension mutuelle. Trop de vitesse dans la communication, trop d’informations échangées à tout moment, peut même créer des formes aiguës de désorientation. La construction de la confiance entre des personnes, la connaissance des autres et la construction du lien social exigent toujours du temps ainsi que le souci de partager, à un moment donné, un même lieu. De la sorte, si nous vivons une métamorphose de l’espace public à l’ère numérique, en assistant à l’émergence de sphères d’interactions en réseau, il convient de rester attentif aux conditions matérielles et sensibles de leur épanouissement, ainsi qu’à la construction de la confiance entre des personnes dans des moments de vie ordinaire. Or la confiance tend à devenir un enjeu de communication parfois à des fins de garantie commerciale : elle devient un maître mot, une valeur suprême que l’on tente de revendiquer dans la plupart des échanges, alors même que les conditions de son vécu sont singulièrement appauvries en raison de facteurs qui sont autant politiques qu’économiques.
La confiance s’érode aussi dans une époque où la déresponsabilisation semble devenue une règle de conduite amplement facilitée par des architectures technologiques qui produisent certains effets d’impunité. Nous apprenons ainsi à vivre sous un régime de défiance qui porte singulièrement atteinte à certains équilibres de nos sociétés…