La manière dont les individus coopèrent, s’associent, échangent des biens ou des services intéresse depuis sa fondation la sociologie et, bien entendu, la philosophie ne l’avait pas attendue pour proposer des réponses à ces questions. Il en va de même pour les moralistes français, ou des penseurs chinois. Comme le souligne Anne Cheng (2014, p. 88) dans Histoire de la pensée chinoise : « L’harmonie des cinq relations considérées comme fondamentales par les confucéens est garantie par la relation de confiance (xin 信), dont la graphie évoque l’homme tout entier dans sa parole, l’adéquation entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. Cette intégrité qui rend un homme digne de confiance est elle-même la condition de son intégration dans le corps social. » On y trouve associées les valeurs de sincérité, de probité et de fiabilité.
Par-delà des différences culturelles existantes, on peut avancer que des conceptions de la confiance font partie du patrimoine de l’humanité et qu’en ce sens une forme de précompréhension commune, malgré des variations dans son étendue, en soit possible. Une passion pour Hobbes, une catégorie affective pour Simmel, un sentiment pour Confucius : selon des auteurs d’espaces culturels et d’époques différents, toutes ces qualifications renvoient à une disposition qu’il nous faut supposer dans la mise en œuvre des relations entre les individus. C’est ainsi que M. Mauss (1966, p. 277) faisait de l’opposition entre confiance et défiance une opposition valable pour toutes les sociétés : « Dans toutes les sociétés qui nous ont précédés immédiatement et encore nous entourent, et même dans de nombreux usages de notre moralité populaire, il n’y a pas de milieu : se confier entièrement ou se défier entièrement ; déposer ses armes et renoncer à sa magie, ou donner tout, depuis l’hospitalité fugace jusqu’aux filles et aux biens…