La crise sanitaire et économique que nous connaissons relance les débats sur les alternatives économiques possibles. Parmi ces alternatives, il en existe une qui a la particularité d’être expérimentée depuis deux siècles et qui représente aujourd’hui 10 % environ du produit intérieur brut : l’économie sociale et solidaire (ESS). Deux ouvrages récents lui sont consacrés. L’un, militant, écrit par Jean Gatel, ancien secrétaire d’État chargé de l’économie sociale et solidaire auprès du Premier ministre de l’époque, Laurent Fabius ; l’autre, savant, rédigé par trois chercheurs bordelais.
Le premier est un ouvrage au style alerte qui se décompose en onze chapitres. Les sept premiers chapitres retracent l’historique français des politiques publiques d’ESS, depuis les années 1980 (les quatre premiers chapitres étant consacrés à l’action de Jean Gatel) jusqu’à la loi de 2014 instituant officiellement l’économie sociale et solidaire. Les quatre derniers chapitres constituent un plaidoyer pou l’ESS perçue comme la solution, nationale et mondiale, la plus adaptée pour sauver notre planète du désastre écologique dans lequel nous plonge le système économique actuel. Ce livre vaut donc pour son témoignage d’une époque lointaine, les années 1980, mais aussi pour ses analyses actuelles. En effet, plutôt que les statuts, J. Gatel défend les valeurs de l’ESS (auto organisation, responsabilité, solidarité, primat de l’humain sur le profit) ; il assume pleinement la nature utopique de l’ESS (remplacer un capitalisme qui met l’homme au service de l’économie par une ESS qui place l’économie au service de l’homme), n’épargne pas les dérives de l’ESS instituée comme les banques mutualistes (Crédit agricole, Crédit mutuel) ou les grandes coopératives agricoles, propose une lecture critique stimulante de la loi ESS de 2014 et met en lumière les dangers du tournant libéral que le gouvernement Macron, à travers l’entrepreneuriat social, entend faire prendre à l’ESS…