CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Souvent qualifiée de société de la communication au nom du développement des technologies dont elle est le théâtre, notre époque est également considérée – peut-être même avant tout, et en partie pour la même raison – comme celle de la marchandisation. Aucun domaine de la vie sociale n’échapperait désormais à l’emprise de l’économique et à ce que certains nomment le capitalisme mondialisé, pas même les dimensions les plus intimes de l’existence humaine comme les sentiments et les émotions (Illouz, 2006 ; 2019). Ubérisation, plateformisation, etc., nombreux sont les néologismes à s’être multipliés pour qualifier un phénomène dont il convient toutefois de souligner la complexité afin d’y introduire d’indispensables nuances.
La pratique de la prostitution en ligne – plus communément nommée escorting – compte parmi les plus significatives illustrations de cette logique marchande qui se serait imposée à toutes et tous. Bien sûr, l’existence de la sexualité vénale n’est nullement liée à l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais le développement récent de cette activité, sa visibilité inédite (les deux aspects étant intimement liés, voire, parfois, confondus), ainsi que les métamorphoses qu’elle a pu connaître à cette occasion, interpellent dans un tel contexte. Nulle difficulté en effet à constater l’importante désertion qu’ont connu les lieux traditionnels de prostitution (la rue et, plus globalement, l’espace public) au profit des écrans d’ordinateurs et de smartphones permettant de naviguer sur des applications désormais géolocalisées (le cyberespace)…

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Cet article s’intéresse aux pratiques prostitutionnelles entre hommes sur Internet. Il décrit des manières de faire significativement différentes de celles connues dans le domaine de la prostitution traditionnelle : modalités de la rencontre et temporalité reconfigurées, proximité sociale entre escortboys et clients, ou encore simulacre de romance amoureuse. L’analyse renseigne alors comment, dans ces circonstances, se reconfigurent les termes d’une relation de confiance minimale sans laquelle toute rencontre vénale est plus que jamais impossible. L’article montre ensuite dans quelle mesure la reconfiguration des relations prostitutionnelles permet d’éclairer une époque dans laquelle, si elle est devenue un mot d’ordre, la confiance – en tant qu’acte de communiquer engageant et instituant soi et l’autre dans le même mouvement – n’a jamais paru aussi fragile.

  • prostitution
  • homosexualité
  • nouvelles technologies
  • économie
  • confiance
Vincent Rubio
Vincent Rubio est docteur en sociologie. Chercheur sous contrat à l’université Paris Nanterre et membre du laboratoire Sophiapol (EA 3932), il est également chercheur associé au Centre Max Weber (CNRS – UMR 5283) au sein de l’équipe 4 (Cultures publiques). Ses travaux portent principalement sur le thème de la santé (maladies chroniques), d’une part, et sur les différentes formes d’économie associées à la sexualité et à l’affectivité d’autre part. Vincent Rubio développe par ailleurs une réflexion épistémologique et méthodologique relative à l’approche socioanthropologique des pratiques sociales en ligne.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/12/2021
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