1La confiance naît d’un engagement de la volonté. C’est un leurre de croire qu’elle est naturelle, et c’est bien pourquoi l’on parle de « faire confiance ». Se pose alors une question : qu’est-ce qui va mettre en route ma confiance ? Sur quoi, sur qui, puis-je m’appuyer ?
2Aujourd’hui, tout se marchandise. Pas un contrat, pas un engagement, sans assurance. Voilà qui, en réalité, déresponsabilise : je peux m’engager, puisque je peux me dédire. Si la confiance est un engagement, elle est automatiquement une prise de risque. Dans l’entreprise comme dans le commerce, nombreuses sont les procédures judiciaires pour rupture de confiance ou tout du moins de mauvaise lecture de la confiance.
3L’entreprise va solliciter la confiance de ses clients au nom de son « savoir-faire » ou de son ancienneté dans son secteur. Elle seule est spécialisée dans ce domaine, elle s’impose alors à moi ! Les grands corps imposent leur confiance sous couvert qu’ils sont à mon service : la Justice, la Police, l’Éducation… Comme citoyen, je suis bénéficiaire de leur action !
4Les médias réclament confiance en imposant une image ou une analyse des faits qui obligent à « donner du crédit ». La mise en scène et le matraquage annihilent toute réflexion personnelle ! Le médecin va à juste titre proposer une technique nouvelle me vantant la modernité pour rassurer son patient.
5Bref, il me semble que la confiance ne peut pas entrer dans les paramètres de la technologie, du flux d’information, de la médiatisation. En fait, toutes ces techniques apparaissent comme des moyens et éloignent. Ils sont de nos jours suspectés de vouloir manipuler par la force de l’argent. Dis-moi quel est ton média et je te dirai qui est derrière et ce que tu dois penser !
6La réaction populaire très partagée du « tous pourris » désigne bien le problème. La Justice est mal rendue, mais je connais un avocat qui… L’Éducation nationale est mauvaise, mais je connais un enseignant qui… Tel aliment est dangereux mais je connais un traiteur qui le fait de cette façon… L’Église est dogmatique mais mon curé est ouvert à mon problème…
7Derrière ces réactions éruptives, il y a quelque chose de rassurant. La confiance est possible, si elle est interpersonnelle. Je fais confiance non pas à un système qui m’échappe, à une structure anonyme mais à une personne. Je fais confiance à un interlocuteur qui me fait confiance en me transmettant librement « son savoir » non comme un perroquet mais comme une personne, un frère en humanité. Une personne qui veut m’accompagner, me faire grandir et non me conduire là où je ne veux pas aller ! Le serment d’Hippocrate (Ve s. av. J.-C.) fait dire à celui qui le prête : « Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. » Le savoir n’est pas un pouvoir, mais un service à partager.
8La confiance est donc un risque partagé. Je donne ma confiance à celui qui me prend au sérieux par son partage libre d’information.
9Prêtre, à l’accueil d’une paroisse, nous recevons des personnes qui viennent pour « parler » selon leur expression. Bien souvent, elles confient très vite l’intimité de leur propre vie. Elles font d’office confiance parce qu’elles s’adressent à une personne proche d’elles qu’elles connaissent ou pas. En tout cas, elles savent que la rencontre est libre et gratuite. Elles se livrent et parce qu’elles se livrent se rendent disponibles à entendre des conseils. À elles d’expérimenter ce qu’elles entendent.
10Personnellement, je termine toujours l’entretien par « Revenez quand vous voulez… » pour sauvegarder la liberté de la communication. Je ne fixe pas de rendez-vous. Je m’attache à être disponible. Dans le fond de moi-même, je suis heureux de revoir des personnes et je pense aussi à des rencontres qui à mes yeux n’ont pas eu de suite… Liberté, gratuité… !
11La Révélation judéo-chrétienne nous montre Dieu qui fait confiance à l’homme en ne s’imposant jamais mais toujours en se proposant – « Si tu le veux… » –, en invitant sans cesse – « Venez et vous verrez… » –, en cherchant toujours à rejoindre son interlocuteur – « Adam, où es-tu ? »
12Si au lieu de critiquer la communication sous sa forme actuelle, l’on osait renvoyer à soi-même la question. Comment je reçois… Pour quoi faire ? Pour être moi-même ou pour faire comme tout le monde ? La question n’est pas si nouvelle !