CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La fin du xixe et la première moitié du xxe siècle foisonnent d’expériences aboutissant à de nouveaux progrès techniques dans de nombreux domaines, et la musique n’échappe pas à cette tendance. L’avènement de la radio, de l’enregistrement mais aussi de nouveaux instruments électriques et amplifiés – inventés par des musiciens, des chercheurs et des ingénieurs – bouleverse la musique dans sa composition, sa consommation et dans la manière de faire la fête.

2La dance culture est un de ses nouveaux aspects. Elle englobe des courants musicaux et festifs apparus entre la Jamaïque et la côte Est des États-Unis, à travers la rencontre des cultures musicales africaines, caribéennes et européennes croisées avec le savoir-faire états-unien et japonais. Par différents processus de transferts culturels – déplacements, médiations, réappropriation – et de choix humains, accompagnés d’erreurs parfois capitales, plusieurs mouvements musicaux (sound systems*, dub*, hip hop*, disco*, house* et techno*) [1] émergent localement à Kingston, New York, Chicago et Detroit sous l’instigation de DJs* et producteurs très inventifs.

3Au début, ces mouvements ne dépassent pas l’échelle d’un quartier, au sein de communautés marginalisées (Afro-américains, latinos, gays) désireuses d’exprimer musicalement, et corporellement, un besoin naturel de faire la fête pour oublier un quotidien souvent difficile. Néanmoins, ils entament un important processus de mondialisation et, entre la fin les années 1960 et 2000, voient des scènes se former de par le monde dans le but de répondre positivement à des contextes sociopolitiques sensibles.

La Jamaïque, berceau de la dance culture

4Les sound systems apparaissent en Jamaïque vers 1950, au moment où des sound men* s’équipent d’un puissant matériel sonore. Renouvelant régulièrement leur sélection de disques et accompagnés d’une équipe composée de selecters* passant les disques et de deejays* qui « toastent » entre deux morceaux pour meubler les silences, ils animent les quartiers downtown de Kingston.

5Quand la production de rhythm’n’blues diminue aux États-Unis, au milieu de la décennie, au détriment du rock’n’roll, une nouvelle génération de sound men menée par Duke Reid, Coxsone Dodd et Prince Buster ouvre des studios d’enregistrement – Treasure Isle (Reid), Studio One (Dodd) ainsi que Voice of the People et Islam (Prince Buster) – pour produire un rhythm’n’blues brassant les influences américaines et jamaïcaines. Les structures des trois hommes devenus producteurs – desquelles sortiront de nouveaux genres musicaux (ska, rock steady, reggae) – permettent alors à une industrie du disque locale stagnante de connaître un nouvel essor.

6En 1967, passé cinq années houleuses ayant suivi l’indépendance de la Jamaïque, les trois sound men ne dominent plus les nuits de Kingston et fournissent en disques les concurrents plus modestes. C’est dans ce contexte qu’apparaît de manière accidentelle une innovation musicale déterminante : le dub. Byron « Smithy » Smith, opérateur au studio de Duke Reid, Treasure Island, omet d’enclencher la piste des voix lors de l’enregistrement sur disque du titre On the Beach des Paragons. Le selecter Ruddy Redwood récupère le pressage « raté » et le teste dans son sound system. Le succès est tel qu’il soumet à Reid l’idée de presser une face vocale et une face instrumentale (Kroubo Dagnini, 2011, p. 438-439).

7Par la suite, des producteurs, tels King Tubby et Lee Scratch Perry, récupèrent les différentes pistes d’instruments et de voix pour créer une forme de recyclage créatif présentant de nouvelles versions de titres déjà apparus. Des recherches musicales similaires avaient déjà été effectuées par des musiciens/chercheurs dans les années 1950-1960 en Europe et aux États-Unis, à titre expérimental, mais le dub, à l’instar du rock psychédélique américain, en présente un versant plus populaire et apporte de nouvelles approches de production pour d’autres courants musicaux.

8En parallèle à ce foisonnement artistique, la Jamaïque voit, dans les années 1950 et 1960, une importante vague de migration vers les États-Unis et l’Angleterre. Les citoyens sur le départ y emmènent leur culture musicale qu’ils adaptent à leurs nouveaux territoires, menant de la sorte à différentes perspectives.

Le hip hop, un héritier direct de la culture musicale jamaïcaine

9Les Jamaïcains partis aux États-Unis doivent, en premier lieu, s’intégrer à la communauté afro-américaine. Ne pouvant recréer à l’identique leur culture musicale, ils l’adaptent à leur nouvel espace. En suivant ce processus, Clive Campbell devient le vecteur d’un transfert culturel en se réappropriant, en 1973, l’idée des sound systems pour organiser, dans le Bronx, sa première block party* durant laquelle il joue des disques de soul et de funk, en y ajoutant des techniques de mix de son invention à l’image du merry-go-round*, permettant de faire durer un extrait musical plus longtemps (Chang, 2005, p. 108). Rapidement accompagné du MC Coke la Rock et d’un groupe de breakdancers, les Herculoïds, Campbell (sous le pseudonyme Kool DJ Herc) invente un mouvement jeune et urbain baptisé hip hop. Il est suivi par d’autres DJs dont Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa qui participent activement à sa construction.

10Toutefois, le transfert culturel formant le hip hop n’implique pas uniquement la Jamaïque. Le MCing, en plus du toasting* des deejays, puise son inspiration dans de nombreux arts oraux (les griots africains, le scat [2], le gospel, le spoken word et les minstrels [3]). Le breakdance* tire ses origines du uprock[4], des danses de jazz (le foxtrot), de l’émission Soul Train [5], de même que des arts martiaux et de la capoeira pour mimer un combat sans violence. Apparu en 1965 à Philadelphie par le biais de Darryl McCray aka Cornbread, le graffiti* s’insère dans le mouvement et le fait sortir du Bronx sous l’impulsion de deux médiateurs : le photographe Henry Chalfant, qui organise les premières expositions pour y présenter ses clichés dans des galeries de Soho, et Frederick Braithwaite (aka Fab 5 Freddy) permettant la rencontre entre le hip hop et le milieu arty new-yorkais.

11À la fin des années 1970, le disco décline et le hip hop intéresse les maisons de disques. Voulant enregistrer les performances des DJs et des MCs* sur disques, elles essuient les refus des pionniers du mouvement qui ne croient pas en cette idée. La productrice Sylvia Robinson crée donc le groupe Sugarhill Gang, et les fait rapper sur une instrumentale reprenant la ligne de basse du titre Good Times de Chic. Ce titre devient Rapper’s Delight, sorti en 1979. Succès planétaire, il divise la scène car les pionniers du mouvement ne s’y reconnaissent pas. Considérant ce titre comme une arnaque, Afrika Bambaataa et Grandmaster Flash s’impliquent finalement dans la production et sortent les albums Planet Rock et The Message en 1982 (Poschardt, 1995, p. 204).

12Cependant, Rapper’s Delight fait évoluer la scène sur deux aspects. Premièrement, le DJ cède sa place centrale au MC, qui devient le rappeur, tandis que le hip hop se fait rebaptiser rap*. Une nouvelle génération y voit l’opportunité d’enregistrer des disques adaptés aux normes de la pop music, plus simple pour la promotion en radio et l’exportation mondiale. Deuxièmement, ce titre annonce la future technique de composition instrumentale du rap basée sur l’usage de nouveaux instruments électroniques et sur un processus de recyclage artistique, le sampling*, qui consiste à composer autour d’extraits musicaux existant, comme le faisaient quelques années auparavant les producteurs de dub et de disco. Avec cette méthode de production, le rap va soulever, au cours des années 1980, l’épineuse question des droits d’auteur.

13Cette transformation amène le hip hop vers un processus de globalisation au début des années 1980 avec la mise en place d’une importante industrie qui permet l’émergence de nouvelles scènes aux États-Unis, comme le gangsta rap* de Los Angeles, mais également dans d’autres pays comme la France ou le Sénégal.

Le disco, contestation, évolution musicale et surconsommation

14Le disco puise son origine dans l’expression, à travers la fête, des revendications de la communauté gay new-yorkaise, très active au cours années 1960 dans la lutte pour ses droits civiques. Cette dernière se réunit dans des discothèques underground – le Continental Bath, le Firehouse, les établissements de Fire Island (Ice Palace, Sandpiper, Botel), le Sanctuary, le Loft de David Mancuso ou le Gallery du DJ Nicky Siano – desquelles découlent une forme d’hédonisme et un fort sentiment communautaire leur laissant l’opportunité d’exprimer librement leur orientation sexuelle.

15Son apparition implique également l’évolution du DJing et de la production. Au début des années 1970, le DJ Francis Grasso, résident du Sanctuary, commence à expérimenter l’idée de continuité dans la musique qui, avec sa sélection éclectique – englobant soul, funk, rock, musiques latines –, fait de lui le pionnier d’un style appelé pré-disco.

16Pour sa part, le producteur Tom Moulton constate que la trop courte durée des disques et les blancs entre chacun d’eux empêchent les danseurs de s’immerger entièrement dans la musique. Il décide donc de penser une autre forme de mix continu. Opérant un minutieux couper/coller, il crée, sur une face de cassette de quarante-cinq minutes, un enchaînement continu de musique qui rencontre un certain succès. Cela le pousse à poursuivre dans cette voie en retravaillant directement des disques en studio à l’aide des pistes d’enregistrement, au même titre que les premiers producteurs de dub jamaïcain. Moulton lance de cette manière la notion de remix.

17À cette époque, Tom Moulton travaille sur un remix du titre I’ll Be Holding On d’Al Downing. Voulant le presser sur un disque 7 inch destiné aux 45 tours, il se rend compte qu’il n’en a plus en réserve et décide d’utiliser un 12 inch (disque 33 tours). Il remarque alors que les sillons sur le disque sont plus espacés et offrent une meilleure qualité sonore au titre. Cette découverte accidentelle donne naissance au maxi 45 tours qui, avec le remix, se veut une autre contribution du producteur new-yorkais dans la manière d’appréhender la production, ainsi que l’art du mix, essentielle dans l’émergence du disco (Shapiro, 2008, p. 60-61).

18Le disco en tant que style musical naît de ces expérimentations mais, dans un premier temps, les maisons de disques n’y prêtent aucun intérêt. Cependant, les DJs le font sortir au grand jour en jouant des disques produits par des petits labels indépendants recherchés par les danseurs. Finissant par y voir une intéressante manne financière, les majors états-uniennes et européennes en produisent à outrance, lui faisant perdre son aspect engagé et hédoniste. Devenu une mode globale, le disco connaît ses stars, pouvant venir d’univers musicaux différents, à l’instar des Bee Gees – groupe de pop rock qui signe la bande originale du film « disco » Saturday Night Fever en 1978 –, et sa discothèque, le Studio 54, lieu symbolique de cette période de « fièvre » de son ouverture en 1977 à sa fermeture en 1980.

La house, dans la continuité du disco

19Quand le disco devient la musique la plus détestée du monde, il retourne dans des discothèques plus intimistes et proches de ses origines basées sur la danse et l’esprit communautaire. Il s’y mélange à de nouvelles musiques européennes plus électroniques : la hi-nrg* anglaise et l’italo-disco* originaire de la péninsule transalpine. Ces nouveaux styles sont très populaires dans les clubs newyorkais tel le Paradise Garage où l’éclectique DJ Larry Levan, à l’instar de Francis Grasso, les mélange à la soul, au gospel, au funk au rock et au disco, offrant ainsi une forme hybride et spirituelle prenant le nom de garage* (inspiré par le nom du club) qui annonce l’apparition d’une nouvelle musique, la house.

20Toutefois, la house n’apparaît pas à New York mais à Chicago. En effet, hi-nrg et italo-disco, avec la new wave, rencontrent un franc succès à Windy City où le public est plus friand de sonorités électroniques venues d’Europe. C’est ce que constate le DJ résident du Warehouse, Frankie Knuckles, lorsqu’il arrive de Big Apple à la fin des années 1970. Il s’adapte rapidement et parvient à marier le style chicagoan plus dur au sien, porté par le philly sound, sous-genre de musique soul produit à Philadelphie par le label Philadelphia International Records (Poschardt, 1995, p. 260).

21Au début des années 1980, de jeunes producteurs de Chicago se procurent des boîtes à rythmes et synthétiseurs japonais, bradés par des groupes de rock insatisfaits, pour composer une musique synthétisant les influences européennes et américaines entendues à la radio et en club. Comme les chanteurs jamaïcains qui venaient proposer leurs disques aux selecters, ils enregistrent leurs compositions sur Digital Audio Tape (DAT) et les donnent à Knuckles qui les joue en soirée. Ces nouveaux titres prennent le nom de « house » en référence au club et sortent, en milieu de décennie, sur les labels Trax Records et DJ International.

22Une multitude de sous-genres apparaissent. À commencer par la deep house* avec le titre Can You Feel It, produit par Larry Heard aka Mr Fingers en 1986 qui se veut une forme plus spirituelle de house. Arrive, l’année suivante, le titre Acid Trax de Phuture qui, fruit d’une expérimentation hasardeuse du groupe avec le générateur de ligne de basse Roland TB303, lance le style acid house*. Cette machine déploie finalement tout son potentiel dans ces nouvelles productions électroniques et montre, à l’instar du dub et du maxi 45 tours, que l’erreur humaine ainsi que le hasard détiennent une part tout aussi importante dans la création que l’aspect technique.

23Comme le disco, la house est une musique communautaire qui rassemble gays, latinos et afro-américains, et possède sa propre danse, le jack*. Cependant, elle reste locale et sort à peine des clubs de la ville. Les majors la considérant comme une forme de disco instrumental sans stars – malgré le succès commercial du titre French Kiss de Lil Louis en 1989 – lui préfèrent le hip hop, devenu la nouvelle musique bankable. Ce n’est qu’en arrivant en Europe qu’elle se globalise et provoque un nouveau bouleversement culturel, en premier lieu en Angleterre via l’acid house.

Detroit, berceau de la techno

24Autant marquée par son histoire économique (le fordisme, la crise de 1929), sociale (exode des populations blanches, droits civiques des Afro-américains) et musicale (Motown), Detroit n’est plus que l’ombre d’elle-même dans les années 1970 quand l’animateur radio Charles Johnson aka Electryfying Mojo, lance l’émission Midnight Funk Association. Adoptant la philosophie du counterclockwiseology qui signifie, selon lui, la science d’aller à rebours du temps (Shapiro et Caipirinha, 2004, p. 149), il fait fi des styles musicaux ainsi que de la durée des chansons et joue ce qui lui plaît, faisant côtoyer le funk afro-futuriste de George Clinton avec la musique électronique de Kraftwerk. Il devient alors un médiateur pour une poignée de jeunes Détroitiens.

25Parmi eux, Juan Atkins commence à composer une nouvelle forme de musique électronique, avec Cybotron – duo formé entre 1981 et 1985 avec Rick Davis dont le titre Techno City, sorti en 1983, donnera le nom de techno à cette nouvelle musique – ou en solo. Rapidement suivi par deux amis, Derrick May et Kevin Saunderson, ils produisent chacun une forme de techno dans laquelle ils mettent leur sensibilité. Ils fondent ensuite leurs propres labels, Metroplex (Atkins) [6], Transmat (May) et KMS (Saunderson) [7] sur lesquels ils sortent des disques sous de nombreux pseudonymes pour, selon Kevin Saunderson, donner l’illusion d’une activité musicale intense à Detroit (Shapiro et Caipirinha, 2004, p. 271). Les trois hommes sont reconnus comme les pères fondateurs du genre après la sortie, en 1988, de la compilation Techno ! The New Dance Sound Of Detroit, leur donnant une importante reconnaissance en Europe.

26House et techno sont deux facettes d’une nouvelle musique électronique puisant son inspiration dans les mêmes sources et s’influençant l’une l’autre. En effet, Chicago et Detroit entretiennent une certaine connexion artistique. Les producteurs des deux villes s’échangent leurs machines tandis que les disques produits à Windy City passent dans les radios de Motor City et vice versa.

27Comme à Chicago, le DJing est un aspect important, même si l’activité nocturne de Detroit est moins importante. Le DJ Ken Collier, très influent sur la scène détroitienne, entretient un solide réseau allant jusqu’à sa voisine de l’Illinois et, à l’instar d’Electryfying Mojo, devient un médiateur de cette génération en encourageant et jouant avec des collectifs tels les Detroit Beatdown et les Deep Space qui se produisent dans des soirées organisées par des groupes d’étudiants.

28Jeff Mills, autre figure pionnière de la scène techno de la ville, a, de son côté, commencé sa carrière dans le DJing en animant une émission hip hop sur une radio de la ville. Son parcours l’amène en Europe, en premier lieu à Berlin juste après sa réunification, avec son groupe de musique industrielle, Final Cut, puis avec Underground Resistance – son label techno politiquement très engagé, créé avec Mike Banks et Robert Hood – qui se retrouve à l’origine d’un important axe artistique entre les deux villes.

Expansion européenne, puis mondiale, de la house et de la techno

29La mondialisation de la dance culture est, dans un premier temps, grandement aidée par l’intérêt des maisons de disques pour le disco puis le hip hop. Or, la house et la techno, même si elles ne suscitent pas le même intérêt des majors, rencontrent un succès tout aussi important car nombre de leurs influences viennent du Vieux Continent. D’une certaine manière, elles s’insèrent dans une forme de continuité impliquant l’apparition de nouvelles formes de musiques électroniques tout en accentuant des revendications sociales et politiques.

30L’Angleterre a toujours eu une grande ouverture musicale couplée à une importante culture de la fête. Deuxième destination des migrations jamaïcaines, les sound systems impactent les mouvements contestataires (punk) et la fête (northern soul*). Ces facteurs, couplés à l’arrivée de l’acid house, poussent les jeunes Anglais à organiser des rave parties* dans le but de faire la fête jusqu’au bout de la nuit à partir de 1987 pour montrer, dans un premier temps, leur opposition au gouvernement de Margaret Thatcher mais également pour oublier le contexte social difficile que traverse le pays suite à la crise économique des années 1970 qui l’a fortement impacté. De ces raves découlent de nouveaux genres de musiques électroniques brassant les influences caribéennes et anglaises comme la drum’n’bass*, le trip hop* et le big beat*.

31De là, la house, la techno et tous leurs dérivés amènent de nouvelles scènes dans le reste de l’Europe et dans le monde. Pour certains pays avant-gardistes et ouverts au brassage culturel, ces scènes arrivent naturellement, dès la fin des années 1980 comme en Allemagne – où le mur de Berlin est sur le point de tomber, permettant aux jeunes des deux côtés de la ville de se réunir – ainsi qu’en Belgique, aux Pays-Bas (pays férus d’expérimentations) et au Japon, pays d’origine de nombreuses machines électroniques utilisées par les producteurs américains. La France connaît, pour sa part, une intégration de la scène électronique plutôt difficile malgré l’engagement d’activistes tel le DJ Laurent Garnier ainsi que le succès mondial de la French touch* menée par le duo Daft Punk et celui de la première Techno Parade en 1998.

32Tout au long de la décennie suivante et jusqu’à encore aujourd’hui, de nombreuses scènes se développent sur tous les continents. Toutefois, elles restent le plus souvent locales, ne dépassant pas une ville ou un pays tandis que d’autres parviennent à s’imbriquer dans cette globalisation par le prisme d’un DJ, d’un producteur ou d’un événement sociopolitique qui éveille un intérêt international pour la scène d’un pays, voire d’un continent. La globalisation de la dance culture reste un processus toujours effectif qui ne connaîtra sûrement jamais de fin.

Glossaire :

33Acid house : sous-genre de house apparu en 1987 avec le titre Acid Tracks, qui se démarque par l’utilisation du générateur de basse Roland TB-303.

34Big beat : style musical apparu en Angleterre au début des années 1990 mélangeant les musiques électroniques avec le rock, le funk et le hip hop.

35Block party : fête de quartier, inspirée par les sound systems jamaïcains, apparues dans le Bronx à New York sous l’instigation de Kool DJ Herc au début des années 1970.

36Breakdance : style de danse apparu au cours des block parties qui se caractérise par différents mouvements effectués en l’air et au sol par les breakdancers aussi appelés breakers boys et girls (ou b-boys et b-girls).

37Deejay : dans les sound systems jamaïcains, personne parlant entre deux disques afin de combler le blanc, le selecter n’utilisant qu’un seul tourne-disque, et sur les titres instrumentaux. Équivalent du MC américain.

38Deep house : sous-genre de house apparu en 1986 avec le titre Can you Feel It de Mr Fingers qui se présente comme un versant plus proche d’inspiration venant du gospel ou du jazz.

39Disco : contraction du mot discothèque. Phénomène musical et culturel né à la fin des années 1970 avec la forte popularisation des discothèques.

40Disc jockey (DJ) : personne se chargeant de passer des disques en soirée. Il existe différentes façons d’enchaîner les disques, certains les passent les uns à la suite des autres tandis que d’autres les mélangent entre eux et ajoutent des techniques comme le scratch dans le hip hop.

41Drum’n’bass : style apparu en Angleterre au début des années 1990 puisant son inspiration dans de nombreux courants musicaux comme le reggae, le dub, le hip-hop, la techno et le jazz.

42Dub : style musical jamaïcain essentiellement instrumental proposant de nouvelles versions d’un titre original et marqué par l’utilisation d’effets tels l’écho et la réverbération.

43French touch : terme englobant un groupe de producteurs français originaires de Paris et Versailles qui produit une house très inspirée du disco et du funk.

44Gangsta rap : sous-genre de rap apparu à Los Angeles en 1987 avec le titre Boys In Da Hood du groupe NWA.

45Garage : terme désignant un mélange entre de nombreux styles musicaux (disco, soul, funk, rock, house) joués par le DJ Larry Levan, résident du club Paradise Garage. Le terme désigne par la suite la production house new-yorkaise.

46Graffiti : art pictural apparu au milieu des années 1960 à Philadelphie avec Cornbread et qui se répand rapidement à New York. Il consiste à inscrire son nom d’artiste ou de faire un dessin sur une surface comme un mur ou un wagon de métro.

47Hi-nrg : style musical anglais apparu au milieu des années 1980 avec le titre High Energy chanté par Evelyn Thomas et produit par Ian Levine.

48Hip hop : mouvement culturel englobant le DJing, le MCing, le breakdance et le graffiti apparu dans le Bronx au début des années 1970 sous l’impulsion de Kool DJ Herc.

49House : style musical électronique apparu au milieu des années 1980 à Chicago sous l’impulsion du DJ Frankie Knuckles et d’une poignée de jeunes producteurs composant des titres inspirés par la new wave et le disco.

50Italo-disco : style musical apparu en Italie au début des années 1980 inspiré par les mix du DJ Daniele Baldelli, réputés pour mélanger le disco avec d’autres courants plus électroniques et expérimentaux.

51Jack : danse pratiquée dans les discothèques diffusant de la house, à l’instar du breakdance dans les block parties pour le hip-hop.

52Master of ceremony (MC) : personne parlant ou chantant sur les mix des DJs hip-hop. Le MC prend ensuite le nom de rappeur au début des années 1980.

53Merry-go-round : technique de mix inventée par Kool DJ Herc consistant à passer en boucle le même passage d’un disque – généralement le solo de batterie ou de percussion (break) – à l’aide de deux exemplaires de celui-ci.

54Northern soul : courant festif apparu dans le nord de l’Angleterre au début des années 1960 consistant à ne jouer que des disques inconnus et des faces B de soul.

55Rap : technique vocale propre au MC. Le rap devient le nom générique du hip hop au début des années 1980.

56Rave parties : type de fêtes apparues à la fin des années 1980 en Angleterre organisées dans des champs ou des entrepôts dans lesquelles il était courant d’écouter de l’acid house et de la techno.

57Remix : technique consistant à reprendre, à l’instar du dub jamaïcain, un titre original et en proposer une nouvelle version avec un agencement et des arrangements différents.

58Sampling : technique de production musicale consistant à prendre un extrait d’un titre déjà existant et de l’incorporer dans une nouvelle production.

59Selecter : dans les sound systems, personne chargée de passer les disques. Équivalent jamaïcain du DJ.

60Sound men : propriétaires de sound systems.

61Sound systems : sono mobile animant les fêtes dans les différents quartiers populaires de Kingston en Jamaïque.

62Techno : style musical apparu au début des années 1980 à Detroit se voulant une synthèse des musiques électroniques européennes et du funk américain.

63Toasting : manière de parler/chanter utilisée par les DJs jamaïcains. Équivalent du rap américain.

64Trip hop : style musical apparu en Angleterre au début des années 1990 inspiré par le dub, le hip hop, le blues et la soul.

Notes

  • [1]
    Les termes suivis d’un astérisque sont définis dans le glossaire situé en fin d’article.
  • [2]
    Forme de jazz vocal utilisant des onomatopées.
  • [3]
    Spectacle regroupant au xixe siècle danse, chant, art dramatique et comédie.
  • [4]
    Une danse pratiquée par les gangs consistant à se mettre en ligne l’un en face de l’autre et à danser en se donnant des coups de poing, de pied et de couteau.
  • [5]
    Émission TV produite entre 1970 et 2006 par Don Cornelius, qui la présentera jusqu’en 1993.
  • [6]
    Pour son label, Juan Atkins sera grandement aidé par Eddie Fowlkes, considéré comme le quatrième pionnier de la techno à Detroit mais qui fut écarté de la promotion de la compilation Techno ! The New Dance Sound Of Detroit suite à une mésentente avec Derrick May (Deniaud, 2014).
  • [7]
    Les trois hommes sont surnommés les Belleville Three, du nom de leur ville d’origine dans la banlieue de Detroit, mais également pour faire allusion aux Big Three de Detroit (Chrysler, Ford et General Motors) ; cf. Sicko, 2019, p. 135.
Français

Au cours de la seconde moitié du xxe siècle voient le jour plusieurs mouvements musicaux et festifs (sound-systems jamaïcains, hip-hop, disco, house et techno) qui sont englobés sous le terme de « dance culture ». Toutes ces scènes apparus localement dans des villes, voire des quartiers, sont le résultat d’un ensemble de transferts culturels – déplacements humains, des réappropriations, des expérimentations musicales, des accidents mais également des élans de contestations sociales et politiques – qui vont inspirer des communautés, des DJs et des producteurs expérimentateurs. Ces mouvements connaissent chacun leur tour, et de manière différente, des phénomènes de mondialisation entre les années 1970 et 1980 amenant l’émergence de nouvelles scènes musicales dans de nombreux pays qui, chacun, se développent selon leurs propres revendications sociopolitiques et identités culturelles.

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  • disco
  • house
  • techno

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Alexandre Augrand
Alexandre Augrand est docteur en arts plastiques / musicologie en 2015 à l’université Paris Saclay avec sa thèse intitulée Le DJ : Médiateur de transferts culturels dans la Dance Culture. Comment des cultures locales sont devenues globales, dirigée par Damien Ehrhardt et éditée chez Camion Blanc en 2017 sous le titre Une histoire de la dance culture. De Kingston à Tokyo.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 17/08/2020
https://doi.org/10.3917/herm.086.0249
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour CNRS Éditions © CNRS Éditions. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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