CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Parce qu’on ne fait pas de la musique en écoutant de la musique : il faut écouter le monde. »
Jacques Coursil, 2007

1Cet article interroge les compositeurs voyageurs pour comprendre la perception que possèdent les musiciens dits contemporains de la mondialisation. Depuis des siècles le compositeur est voyageur : le chevalier Joseph Bologne de Saint-George (1745-1799), né à Baillif en Guadeloupe, a peut-être participé à la guerre d’indépendance des États-Unis ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) a de très nombreuses fois sillonné l’Europe jusqu’en Russie, en Algérie, en Égypte… (Leteuré, 2017) Outre ces artistes globe-trotteurs dont les œuvres reflètent une réalité géopolitique, tout le monde connaît l’initiatique Grand Tour dont le Voyage musical dans l’Europe des Lumières (1773) de Charles Burney fait le récit. Ou encore les émigrations à finalité professionnelle des musiciens franco-flamands dans l’Italie de la Renaissance. Après l’ère de l’urbanisation et de la colonisation, la mondialisation pousse les compositeurs, qui sont parfois ethnologues, sur les chemins les plus reculés. Désormais, la mondialisation des échanges économiques par l’ouverture des frontières et l’essor des moyens de communication favorise une vie artistique internationale. Au point que, de nos jours, rares sont les compositeurs qui ne voyagent pas. À l’instar de l’écrivain voyageur, le musicien peut fonder son œuvre sur une expérience personnelle du voyage. Quel regard l’artiste occidental porte-t-il sur son propre travail d’exploitation des ressources locales ? Le compositeur dit contemporain ou savant est pris en étau entre une culture de l’écriture et de la technologie, dont il vient, et une culture de l’oralité. Par son action ou son inaction, il adopte une position éthique et politique dans le contexte postcolonial. Au-delà de la mondialisation telle que nous la connaissons, la mondialité dans le sens que lui donne Édouard Glissant [1], est le sens positif du « Tout-monde ». Pour faire simple : la dynamique du Divers, s’opposant au « Tout-empire » caractérisé par la mondialisation et son corollaire, l’uniformisation. Pour cet article, outre de vaillants ancêtres tels qu’Olivier Messiaen ou Pierre Boulez, j’ai choisi quelques artistes français qui partent sur les chemins de la mondialité. Ce seront l’« enlaceur des mondes » Alain Berlaud, les Parisiens-antillais Jacques Coursil et Thierry Pécou, le Franco-marocain Ahmed Essyad, la Franco-chinoise Xu Yi et le Mont-Saint-Aignanais Jean-Claude Eloy [2]. Nous pourrons ainsi évaluer divers points de vue de compositeurs qui, bien que participant sous certains aspects de la « mondialisation », sont en chemin vers la « mondialité ».

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3Je commencerai par le voyage immobile. Les artistes qui ont réellement voyagé ont parfois fort peu déposé dans leur musique les fruits de leurs pérégrinations. Lorsqu’à la fin des années 1940, John Cage entreprend l’étude de la musique indienne et des philosophies orientales, il ne part pas en Orient. Claude Debussy non plus. Il se souvient de l’Exposition universelle de 1889, l’auteur des « Pagodes » (Estampes, 1903), qui cite avec émotion la musique javanaise [3]. Pierre Boulez, nécessairement grand voyageur en tant que chef d’orchestre, s’inspire également du gamelan… sans s’être rendu en Indonésie. L’instrumentarium – flûte, xylorimba et tambour sur cadre – de « Commentaire I de Bourreaux de solitude » (Le Marteau sans Maître, 1954) y fait référence. Il se place toutefois sur un langage atonal occidental, gommant pour ainsi dire les couleurs de l’étranger :

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Le xylophone transpose le balafon africain, le vibraphone se réfère au gendér balinais, la guitare se souvient du koto japonais… De fait, ni la stylistique ni l’emploi même des instruments ne se rattachent en quoi que ce soit aux traditions de ces différentes civilisations musicales.
(Boulez, 1995, cité in Bassetto, 2003)

5Bercée d’idéologie en faveur de l’Orient, la mode californienne jointe aux paradis artificiels favorise l’importation de pratiques orientales telles que la méditation qui inspire Karlheinz Stockhausen. Actuellement, un groupe d’afro-jazz et musique contemporaine tel que No Tongues construit son album Les Voies du Monde (2018) en puisant directement dans un disque réalisé à l’autre bout du monde par des ethnomusicologues [4]. Ce groupe ne s’est pas rendu dans les populations concernées pour ce projet (il le fera pour un autre projet), de même que Luciano Berio lorsqu’il s’inspire de musiques africaines. Pascal Arnault et Alain Berlaud utilisent des éléments musicaux Kali’na et Wayãpi [5], amérindiens de Guyane, sans se rendre chez ces peuples ni échanger avec eux. Mais est-ce un impératif ? Toute création doit-elle s’intégrer à un « projet culturel » partagé ?

6Ces quelques cas de voyages immobiles montrent que la mondialisation n’est pas forcément perçue comme telle et ne représente pas un enjeu pour les musiciens avant les années 1950. Cette notion n’avait pas pris l’ampleur actuelle. Quoi qu’il en soit, l’emprunt aux cultures lointaines est tout à fait présent aujourd’hui. Cette technique pose certes la question du droit d’auteur (je parlerai plus loin de l’éthique), mais également celle du respect de la diversité. En ne voyageant pas et en ne s’immisçant pas dans les sociétés, le compositeur évite paradoxalement une dérive impérialiste de la mondialisation, celle d’apporter un tourisme culturel à des populations souvent maltraitées et perturbées.

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8Certains compositeurs se sont arrêtés en cours de route en France ; parmi les plus connus de ces immigrés, je citerai le pianiste bulgare André Boucourechliev, le prêtre franciscain basque Félix Ibarrondo, le minimaliste américain Tom Johnson, le sémioticien roumain Costin Miereanu, le Marocain et Britannique Maurice Ohana, de père juif séfarade, ou encore l’architecte grec Iannis Xenakis… Si les Japonais Tōru Takemitsu et Yoshihisa Taïra, les Vietnamiens Nguyễn Thiên Dao et Ton-Thât Tiêt résident ou ont résidé en France, l’Orient illumine aussi bien les partitions des Français Olivier Grief ou Christine Mennesson. L’Afrique est présente dans les œuvres de Jean-Louis Florentz et de François-Bernard Mâche.

9En général, ces artistes immigrés, naturalisés ou expatriés, portent « en eux » une perception positive de la mondialité. Ils brassent les cultures, même si les musiques sérielle, minimaliste ou électroacoustique prétendent à une forme d’universalité… Tom Johnson en est un exemple puisque ses partitions sont des combinaisons mathématiques. C’est l’inverse pour Ibarrondo ou Takemitsu : il est aisé de déceler dans leurs musiques des éléments culturels basques ou japonais.

10Il existe un cas particulier de voyages à travers la Chine, le Népal, l’Inde, l’Afrique, mais aussi à travers l’imaginaire inter-temporel : c’est celui de l’aristocrate italien Giacinto Scelsi. Mort en 1988, il déclare être né en 2637 avant Jésus-Christ, en Mésopotamie. Il est victime une première fois de la flèche d’un Assyrien au bord de l’Euphrate (Texier, 1997-1998), avant de se réincarner selon toutes probabilités à Babylone, où il aurait composé un rite funèbre pour l’enterrement d’Alexandre le Grand, son maître, en 323 avant notre ère.

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12Comment le musicien fonde-t-il son œuvre sur une expérience personnelle du voyage ? Parmi les pièces musicales anciennes, « Gagaku » des Sept Haïkaï d’Olivier Messiaen est assez emblématique, car écrite après un voyage au Japon en 1962, même si le compositeur ne retient du gagaku que l’orgue à bouche (shô), qu’il transpose à un ensemble de huit violons, et le hautbois (hichiriki) remplacé par la trompette. Avec son épouse pianiste, Messiaen effectue aux États-Unis plus de cent-vingt concerts dans lesquels se trouvent ses propres œuvres. Il obtient assez souvent des subventions pour s’y rendre, par exemple pour la tournée au Japon et aux États-Unis. Il enseigne dans de nombreux pays. Lui qui n’a jamais fait de voyage aux Indes utilisait les Deçi Tala, modes rythmiques indiens qu’il consigne dans son Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie, ainsi que les chants d’oiseaux, qu’il prenait en dictée dans tous les coins du monde et décrivait dans ses carnets avec une minutie d’ethnographe. Le « Prêche aux oiseaux » de son opératorio Saint François d’Assise est un tableau de plus de trente minutes où se déploie un fouillis de chants d’oiseaux en provenance de pays où il s’est rendu, comme la Nouvelle-Calédonie.

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Tout dernièrement, j’ai fait un immense voyage, j’étais en Nouvelle-Calédonie et j’ai entendu, là, des oiseaux qu’on n’entend nulle part ailleurs. C’est tout à fait unique en leur genre, notamment l’île Kouné ou île des Pins. […] C’est un endroit que peu de gens connaissent et c’est un vrai paradis […]. Et les oiseaux sont des oiseaux spéciaux, et les arbres sont des arbres spéciaux et les fleurs aussi. Et les couleurs sont absolument surprenantes. Ce sont des couleurs de paradis perdu. Les feuilles des arbres sont rouges, les troncs des arbres sont blancs, les pigeons sont verts et la mer est violette. […] Et quand Saint François, selon le vœu du psaume, invoque les oiseaux des îles, arrivent des oiseaux japonais, des oiseaux australiens et spécialement des oiseaux de Nouvelle-Calédonie. Et parmi eux, parmi ces oiseaux de Nouvelle-Calédonie, il y en a un qui a une grande importance, c’est la fauvette Gerygone, que j’ai notée à l’île Kouné ou à l’île des Pins, et qui est non seulement dans le prêche aux oiseaux mais qui accompagne toutes les entrées de l’ange [6].

14Alain Berlaud est un compositeur globe-trotter originaire de La Rochelle. Ses voyages ont un but spirituel. Cet artiste a vécu onze ans en Guyane ; il habite actuellement en Océanie : à Wallis-et-Futuna. Ses marches l’ont porté vers la Suède, les Pays-Bas, la Russie, la Hongrie, la Sibérie, la Turquie (plusieurs années), l’Égypte, le mont Sinaï, le Sénégal, le Mali, le Mexique (plusieurs fois) ; il a foulé les chemins de Compostelle sur mille kilomètres ; il s’est rendu en Chine (deux fois), à Hong Kong, Macao, la rivière des perles, Yangshuo ; en Dominique, en Guadeloupe, aux Saintes, en Martinique, aux îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu, à Fidji, à Tahiti, en Australie (chez les Aborigènes), en Nouvelle-Zélande, etc. Auteur d’une cinquantaine d’opus, dont un opéra créé à l’Opéra-Comique (Comment Wang-Fô fut sauvé), des pièces comme Tukâ d’après l’univers Wayãpi ou Soleils Mayas ; il est également peintre et écrit des contes. À sa démarche artistique néo-chamanique se joignent des talents pour la guérison [7]. À cheval entre mondialisation et mondialité, Alain Berlaud incarne bien la démocratisation des voyages et des communications, la volonté de s’éloigner du matérialisme occidental, ainsi qu’une passion pour les rencontres et le développement spirituel.

15Le trompettiste Jacques Coursil incarne quant à lui le voyage au sens ancien de veiage : « se mettre en chemin ». Né à Montmartre, de parents martiniquais, il part en 1958 au moment de la guerre d’Algérie en Mauritanie puis au Sénégal, où l’accueillent pendant trois ans des proches de Léopold Sédar Senghor. Après être revenu en France, il se dirige en 1965 vers les États-Unis, lorsqu’il apprend l’assassinat de Malcolm X. De 1975 à 1995, il revient sur le continent, à Caen plus exactement, puis se rend en Martinique dix ans, et à nouveau aux États-Unis à partir de 2005. Cette itinérance correspond à une grande disponibilité d’esprit, puisqu’il est jazzman à New York mais aussi spécialiste de mathématiques et de linguistique saussurienne (il soutient deux thèses en 1977 et 1992), discipline qu’il enseigne à l’université de Caen ; il publie La Fonction muette du langage. Sans parler de son engagement anticolonialiste à l’origine de ses départs en Afrique et aux États-Unis : le veiage prend un sens de pèlerinage et de retour aux sources, ainsi que de croisade socio-politique qui se traduit notamment dans l’album Clameurs (2007), oratorio sur des textes des antillais Frantz Fanon, Édouard Glissant, Monchoachi (pseudonyme emprunté à un noir marron), puis The Trails of the Tears (2010) autour de la funeste déportation des Indiens Cherokee dans les années 1830. De ces voyages intercontinentaux, spirituels et intellectuels, Coursil récolte une matière musicale universelle fondée sur le souffle. Le souffle traverse les styles et les lieux et rassemble l’humain autour d’un mouvement physiologique fondamental à l’origine de la vibration et du logos. Si Coursil s’adonne dans sa jeunesse au jazz expérimental, au free jazz et aux happenings, jouant entre autres aux côtés d’Albert Ayler, Anthony Braxton, Sun Ra, Archie Shepp ou encore l’Art Ensemble of Chicago, il écoute intensément et joue aussi la musique contemporaine : Luciano Berio, Luigi Nono. À New York, il côtoie Noël Da Costa, compositeur et violoniste nigérian et jamaïcain, diplômé de l’université de Columbia, qui a étudié avec Luigi Dallapiccola en Italie. Après des années de silence, pour sa résurrection musicale, incarnée par l’album Minimal brass (2005 – publié par le label de son étudiant John Zorn), où le souffle devient primordial, Coursil travaille la sonorité de la trompette au grain suave et le re-recording dans ces trois « auto-fanfares » (il se contrepointe lui-même) installant une ambiance répétitive qu’autorise la technique de la respiration circulaire.

16Ce qui pousse Thierry Pécou hors des frontières hexagonales, c’est une lassitude pour le cérébralisme, incarné par les succédanés de la musique sérielle. Né en 1965 à Boulogne-Billancourt, avec des ascendants antillais, il est d’abord élève du Conservatoire supérieur de Paris où règne une certaine esthétique de la composition musicale. Pianiste, compositeur, son style très écrit montre sa proximité avec les traditions orales éloignées dans le temps, tels le chant grégorien, les instruments baroques, la symbolique précolombienne (Le Tombeau de Marc-Antoine Charpentier, 1995 ; Symphonie du Jaguar, 2002). Éloignées également dans l’espace : musiques amérindiennes, gagaku, tango et autres rythmes (Élégie sur le royaume tchong, 1996 ; Outre-Mémoire pour piano, 2003 ; L’Oiseau innumérable, 2006). Sa « cantate amazonienne » Passeurs d’eau (2004) s’inspire de la fête des Neuf Jours des Indiens Navajos [8]. Il vit désormais à Rouen et il se déplace régulièrement avec son ensemble Variances sur tous les continents.

17En se rendant dans les cultures extra-européennes, Pécou recherche les « dimensions absentes » de la musique occidentale : l’oralité, la mélodie simple, les modes pentatoniques, les échelles non tempérées, les notions honnies en musique sérielle de pulsation et de répétition, le vécu du corps, la ritualité, les fonctions agissantes et performatives. Il est intéressant d’ouvrir le cadre du concert et de puiser dans les musiques traditionnelles une nouvelle instrumentation et des modes de jeu débouchant sur un « son non-christianisé » (Pécou, 2018). Sa démarche de compositeur est elle-même proche de l’improvisation car il ne préformalise pas son travail par des structures ou diagrammes, mais « laisse advenir et travaille sur ce qui est advenu pour le continuer, le développer, comme un sculpteur qui laisse réagir la matière » (Ibid.). À cette fin, il se place dans un « état de conscience altéré » (Ibid.). S’il ne croit pas à un monde surnaturel et ne prend pas de substances hallucinogènes, la composition est une forme de « possession ». Il n’est donc pas étonnant que sa pièce symphonique Orquoy (2012) soit un mot quechua qui signifie transcription de mélodies envoyées par les dieux [9].

18Ce faisant, les compositeurs contribuent, souvent involontairement, à diffuser le modèle occidental. « J’ai l’âme chinoise et le cœur français [10] », soupire Xu Yi. Compositrice de musique d’inspiration spectrale, élève de Gérard Grisey, elle s’inscrit nettement dans le cadre de l’écriture occidentale, tout en réalisant, comme bien des compositeurs à cheval sur deux cultures, un pont avec son pays d’origine. « Les musicologues parlent à propos de ma musique d’abstraction. Même si parfois j’utilise des instruments chinois, je ne veux pas d’une musique superficielle, d’une chinoiserie. » L’abstraction de la musique atonale s’oppose en effet au mélodisme et à la pulsation, ce qui paraît l’éloigner des musiques traditionnelles.

19Partons au Maroc. Boursier du gouvernement français, Essyad entre en 1962 au conservatoire de Paris et parallèlement devient l’assistant de Max Deutsch, le défenseur du style dodécaphonique. Mais avant même son départ, Ahmed Essyad militait au Maroc pour la création contemporaine.

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Un jour, deux personnes sont venues dans notre lycée. L’une de ces deux personnes s’est adressée à nous en français et nous a dit que l’on venait d’ouvrir un conservatoire de musique à Rabat. Cela nous a beaucoup étonné car nous connaissions tous des musiciens et nous savions que tous avaient appris leur art par apprentissage. Aucun d’entre eux n’avait eu besoin, à proprement parler, de professeurs. C’est alors que cet homme s’est mis à jouer la Sixième suite de Jean-Sébastien Bach. Ce jour-là, ma destinée a changé. J’ai su soudain que j’allais devenir musicien. […] La première œuvre que j’ai pu entendre dans ce conservatoire fut le Pierrot lunaire de Schoenberg. Or, en ce temps-là, on n’étudiait pas cette œuvre au conservatoire de Paris. Les professeurs de Rabat étaient des esprits très novateurs. Ils ont alimenté mon univers sonore avec des œuvres de Pierre Henry, de Schaeffer, de Bartók, de Stravinsky ou de Webern.
(Essyad, 2007, p. 172-173)

21S’il est influencé par les musiques traditionnelles marocaines, il partage avec son maître Max Deutsch l’amour de la « sainte musique » (Ibid., p. 176). Aussi déclare-t-il qu’il faut « neutraliser le maqām » (le maqām est le « mode » en musique arabe). De même, ajoute-t-il, « des cycles rythmiques, j’en ai eu ma claque ». Car il n’a cure de « colporter la tradition » : il n’appartient pas à son univers. « Quand j’écris, mon obsession est d’atteindre le non encore advenu, qui est toujours imprévisible. » (Essyad, 2019) Par ailleurs, Essyad estime que les compositeurs d’avant-garde ne sont plus seulement européens : « La musique contemporaine n’est plus une affaire d’Occident ; c’est fini, ça ! Écoutez la musique contemporaine chinoise, par exemple. » (Ibid.)

22Jean-Claude Eloy réalise pour sa part le voyage en Orient. Après avoir travaillé au conservatoire de Paris, il se rend auprès de Henri Pousseur et de Hermann Scherchen en Allemagne, de Pierre Boulez à Bâle, à l’université de Berkeley, et dans les studios de Cologne avec Karlheinz Stockhausen. Il rencontre des musiciens de l’Inde en Californie et s’immerge complètement dans les musiques extrême-orientales. Shanti (1973, « paix » en sanskrit) est une « musique de méditation pour sons électroniques et concrets », longue métamorphose d’énergies contradictoires [11]. Il part au Japon en 1977 avant de revenir à Paris.

23Au contraire d’Essyad, Jean-Claude Eloy regrette que l’Asie soit « é crasée par l’imitation, trop souvent stérile et académique, de l’Occident » ; en même temps, il milite pour que les technologies modernes du son se répandent et réunissent les différents acteurs. Jean-Claude Eloy est soutenu à son arrivée au Japon par Wataru Uenami, directeur du studio de musique électronique de la radio NHK (Nippon Hoso Kyokai) à Tokyo. Eloy et Uenami sont de dignes représentants de la confrérie mondialisée des électroacousticiens.

24À défaut de modèle occidental, Eloy suggère un modèle globalisé. La première dimension de ce modèle est l’uniformisation qu’il désigne comme le « laminoir des musiques médiatiques occidentales ». Reprenant le discours unanimement partagé du côté des défenseurs de la musique contemporaine, celui d’une opposition radicale au grand marché économique, il considère que le combat à l’échelle mondiale doit viser « l’immense tissu des musiques commerciales standardisées, omniprésentes dans les consciences, et qui recouvrent désormais la totalité de la planète ». La seconde dimension, ce sont les autres musiques, celles qui ne sont pas standardisées, à savoir selon lui les musiques contemporaines et traditionnelles. Une contradiction apparaît ici dans l’idée d’une musique contemporaine qui ne serait pas standardisée, alors qu’elle véhicule un style international, un art sonore savant (partagé par les compositeurs formés ou non en Occident), notamment dans les domaines des nouvelles technologies. Il souhaite un rapprochement avec les autres cultures musicales, au-delà de l’avant-garde européenne, afin d’élaborer une « sainte musique du monde », pour paraphraser Max Deutsch. En revanche, du point de vue de sa propre démarche, Eloy souhaite éviter le mélange des styles au profit de ce qu’il appelle l’« hybridation ».

25Ainsi, la représentation de la mondialisation que possèdent les musiciens ayant voyagé est assez variée : positive pour Essyad, qui porte un regard critique sur le traditionalisme et appelle à la modernité, et négative pour Eloy, qui prend ses distances avec une musique moderne isolée – que Pécou fustige plus encore – mais craint l’uniformisation des mélanges. Antillais, Coursil comme Pécou portent dans leur corps l’histoire des métissages, et leur voyage intérieur et identitaire se reflète dans leur veiage, allant jusque dans le chamanisme ou les pratiques orientales chez Pécou.

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27Nous avons évoqué les voyages, les réalisations musicales et la collusion des systèmes ; mais comment le compositeur étudie-t-il la musique de l’Autre avant de composer ? La méconnaissance conduisait à des aberrations hautaines. Camille Saint-Saëns qui dépeint la Fête de Mahomet d’Alger, observait que « les nègres, en l’honneur du Prophète, exécutent sur leurs castagnettes de fer des symphonies qui ont tout à fait le charme d’une usine métallurgique en activité… [12] » La même morgue qu’affichait Hector Berlioz : « …les Orientaux appellent musique ce que nous appelons charivari [13]… » Au xxe siècle, et sur le versant opposé, Essyad mène des recherches sur la musique et sa notation du Haut Atlas marocain, dans la vallée de la Tessaout. Il s’inspire par exemple d’une forme évolutive traditionnelle pour son Cycle de l’eau.

28Yo-In (« Réverbérations », 1980) de Jean-Claude Eloy, théâtre sonore pour un rituel imaginaire, se termine par l’allumage de bougies formant un idéogramme japonais signifiant « liberté ». Yo-In s’est nourri de la lecture de La musique et la transe, la célèbre étude de l’anthropologue Gilles Rouget (Eloy, 2011, p. 78). Des costumes japonais sont requis, de même que pour À l’approche du feu méditant (1983), où des moines bouddhistes – rien ne laissait entrevoir qu’ils fussent un jour interprètes de musique contemporaine – doivent porter des getas, chaussures en bois, afin de percuter le sol. Notons aussi l’utilisation du chant Shômyô (Eloy, 2005, p. 32). Cette œuvre est écrite pour orchestre Gagaku, deux chœurs de moines des sectes Tendai et Shingon, six percussionnistes et cinq danseurs du Bugaku.

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En m’appuyant sur des documents anciens faisant état de concerts en plein air, près du grand Temple de Nara, utilisant plusieurs centaines d’instruments tels que Hichiriki, Ryûteki et shô, je rêvais d’abord d’un orchestre de Gagaku « berliozien » s’inspirant de ce passé très lointain, et proposais au Théâtre National d’en recréer la sonorité par des artifices techniques, tels que des pré-enregistrements et diffusions multi-pistes spatialisées, parallèles à l’exécution en direct de l’orchestre. Cette option fut rejetée, les organisateurs craignant une complexité technologique inhabituelle. Je demandais alors l’extension de l’orchestre vers des instruments plus graves (« alto »), l’orchestre du gagaku étant caractérisé par la dominante aiguë des registres des instruments et un ambitus très étroit. Des recherches appropriées permirent d’envisager l’emploi du « ö -Hichiriki » solo (superbe instrument mélodique) et de deux Shôs à l’octave grave du Shô normal, ou « O ̂-Shô » ; splendides instruments à la couleur sonore douce et chaude, faits avec de longs bambous, mais dont il existe peu de modèles, compte tenu de la rareté du matériau et du prix élevé de fabrication. Malgré cette extension, j’insistais pour avoir un deuxième pôle sonore important face à l’orchestre. On me proposa alors – à ma grande surprise – d’utiliser des chœurs de moines…
(Ibid., p. 117)

30Afin d’éviter le mélange, Eloy ne procède pas à un simple collage du chant des moines mais ne choisit pas non plus de les laisser chanter leur répertoire habituel : il refuse l’hétérogène (Ibid., p. 118). Aussi va-t-il « emmener ces musiciens du Japon vers l’attitude exploratoire, qui [lui] est plus familière, tout en respectant leur identité acoustique » (Ibid., p. 97).

31Autre approche : c’est la libre résonance entre les musiques que cherche Thierry Pécou. Sa pièce Ñawpa (1999) restitue la flûte chancay des Andes… qui a disparu : elle est ressuscitée et « personnifiée » par neuf violons. Ce faisant, Pécou tente de transmettre la signification profonde d’une culture par la création elle-même. Pour Passeurs d’eau (2004), il a collaboré avec l’artiste et anthropologue colombien Jorge Lopez Palacio. La musique amérindienne, selon ce dernier, ne doit pas être enfermée dans la catégorie ethnomusicologique. L’œuvre s’inspire des musiques de Patagonie, des Inuits, du Brésil, de Colombie, d’Équateur… Outre une viole de gambe, un trombone, des clarinettes, un chœur aux voix classiques, les instruments traditionnels joués dans Passeurs d’eau sont le coquillage-trompette, la marmite de terre, les sonnailles. Le rituel commence par une circumambulation, puis s’élève un chant pour prendre le tabac qui met le chamane en état de « voyage » dans une improvisation dirigée.

32En Afrique, en Chine, en Australie… Alain Berlaud réalise un travail de recherche-création dans le sens où il note sur ses carnets de voyage, ses journaux intimes et des articles issus de conférence ses travaux préparatoires ou ses études ethnomusicologiques, ce qui peut alimenter sa création. Il est actuellement auprès des Aborigènes. Souvent, il n’enregistre pas, pour respecter les volontés locales, ce qui ne l’empêche pas de noter ensuite les éléments qu’il souhaite. Il affectionne beaucoup les lieux sacrés, notamment les grottes, les églises, les habitations lyciennes en Turquie, dont il repère la « fondamentale » lui permettant de s’adonner à des improvisations vocales.

33Il ressort de ces études de cas que le compositeur contemporain ne ressemble pas au romantique. La théorisation qui accompagne ses œuvres, les textes de programme et autres analyses du fait sonore, se sont développées au xxe siècle, de même que les sciences humaines et l’accès à la documentation. Aussi n’est-il pas étonnant que la connaissance des musiques elles-mêmes, passant par des lectures ethnomusicologiques ou des études personnelles, soit souvent réalisée par les compositeurs. En général, c’est moins pour connaître la culture de l’autre, qui nécessite des années da familiarisation, que pour se nourrir d’éléments techniques et culturels. Étant depuis les années 1960 conditionné par les sonorités, les documentaires et les rencontres internationales, le compositeur, qui est devenu un homo orbis terrarum comme les autres, ne développe toutefois pas de réflexion critique personnelle sur la mondialisation en tant que telle. Il étudie et donc s’intéresse, mais il emprunte plus des techniques que des religions ou des styles de vie, sauf John Cage et Alain Berlaud, qui ont une démarche spirituelle de transformation intérieure.

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35Demandons-nous enfin si la démarche du compositeur possède une dimension éthique. Au Ghana, Steve Reich prend un cours de percussion chaque jour auprès de l’un des grands maîtres du pays (Lelong, 1996, p. 300). Il revient en Amérique avec une cloche appelé gong-gong ou atokes qu’il pense intégrer à l’une de ses compositions.

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Mais une fois à la maison, je me suis aperçu que le gong-gong et le piano n’étaient pas accordés. Que devais-je faire alors ? Prendre une lime et corriger la hauteur du gong-gong ? C’eut été une forme de viol. L’instrument possédait presque une voix qui me disait : « je viens du Ghana, c’est ainsi que je suis fait et c’est ainsi qu’il faut me prendre [14]. »

37Une éthique de la création est présente chez Eloy, qui ne veut ni citer ni dissoudre la musique des moines bouddhistes sous son langage atonal. La démarche éthique surgit en général face à des problèmes rencontrés au cours du voyage ou à son retour. Essyad reconnaît que les musiques du Haut Atlas ont souvent disparu et sont perdues. « C’est certainement à cause de l’industrie folklorisante, les festivals locaux plus particulièrement. On ne leur demande de jouer que les choses les plus attractives. » (Essyad, 2019) S’il n’a pas pris un rôle politique pour cette préservation, ou simplement ethnomusicologique, par la collecte et la valorisation, il a tenu à ne pas dénaturer, comme nous l’avons vu, la musique dans son authenticité en la citant au sein de compositions postsérielles :

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Il n’y a nulle citation mélodique dans ma musique. C’est pour moi une question de principe ; une attitude éthique même que j’observe à l’endroit du patrimoine. L’admiration que j’ai pour certaines formes traditionnelles orales, tout comme pour les grandes œuvres du répertoire classique occidental, m’ordonne comme une sorte de vénération : je ne saurais donc les « violer ». Un aḥwāš du Haut Atlas (Maroc) m’impressionne autant que la Grande Fugue de Ludwig van Beethoven ; je me sentirais les trahir et me diminuer si je les cite.
(Ibid.)

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40En somme, quelle perception le musicien a-t-il de la mondialisation ? Comme il a été dit à propos du modèle occidental, la « sainte musique » comme creuset des cultures du monde perpétue le désir d’une « pensée métisse » unificatrice. Ce mariage dont parle Eloy :

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le « mariage » entre les cultures est certainement l’un des plus grands phénomènes de notre époque : il s’accélère très vite. C’est de lui que naîtront ces merveilleux « enfants eurasiens » qui sont déjà, potentiellement, tout le futur de notre planète au xxie siècle.
(Eloy, 2005, p. 33-34)

42Pécou explique que l’art contemporain est passé d’une époque obsédée par le langage musical à une autre, interrogeant la fonction de cet art dans la société ; d’où son intérêt pour des concerts ritualisés par exemple (Pécou, 2018, p. 16). Cette conception témoigne d’un changement de paradigme, abandonnant la lecture linéaire de l’histoire et favorisant la circulation des cultures et leur coexistence dans la conscience et l’œuvre de l’artiste, et même du public, par le biais d’Internet. Ainsi se plaît-il à citer Glissant : « nous écrivons en présence de toutes les langues du monde » mais, ajoute-t-il : sans se diluer ; en reconnaissant l’opacité de l’Autre. Aspiration proche a priori de l’hybridation prônée par Eloy. Cette pensée-Monde trouve un écho chez Jacques Coursil : « Je joue les choses pour que les gens réentendent le bruit du monde. Je joue le cri du monde. Je ne l’ai pas inventé : j’en suis l’écho. »

43L’abstraction du langage de Pierre Boulez, fruit d’une vision déterministe de l’Histoire, son élimination des sources exogènes (autant de règles auxquelles s’oppose implicitement Pécou), Philippe Albèra démontre qu’elles n’ont pas du tout obsédé le gourou de la modernité. Non seulement a-t-il déclaré qu’il fallait « ouvrir grandes les fenêtres sur le monde pour échapper à l’asphyxie » (Boulez, 1995, p. 39), mais aussi fut-il fortement influencé par les musiques extra-européennes. Luisa Bassetto a bien montré qu’une œuvre telle que Pli selon pli (1962) recèle une déclamation de théâtre Nô, une forme de type raga par accumulation, des stylisations variées de l’orgue à bouche shô ; du son mexicain ; de techniques de jeu du Pérou et de la Bolivie.

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Jamais [Boulez] n’aura consacré d’article à part entière à ce sujet, comme si une étrange pudeur enveloppait de mystère ce qui nous paraît aujourd’hui, avec le recul, relever d’une évidence telle qu’elle nous crève les yeux – sinon les oreilles. Il n’a pas non plus négligé de reconnaître la part importante qu’aura prise l’enseignement de Messiaen dans l’ouverture de son écoute aux musiques dites « exotiques ». Et l’on sait depuis peu, d’après des études biographiques et philologiques, qu’il se destinait à l’ethnomusicologie, avant de répondre à une invitation inattendue qui devait l’orienter vers d’autres horizons, dans le domaine de la direction d’orchestre, et que ses premières compositions portaient encore la trace juvénile d’influences orientales, voire africaines. Tout se passe comme si la brève période d’« épuration stylistique », allant approximativement de la Deuxième sonate (1948) au « Premier Livre » de Structures (1952) – un laps de temps d’environ cinq ans – avait occulté la part esthétique soit des œuvres qui l’ont précédée, soit de celles qui l’ont suivie.
(Bassetto, 2003, p. 37)

45Ce qui est étonnant est que le voyage musical concerne aussi bien les esthétiques anti-ou pro-sérielles, puisque Eloy milite pour « la tradition de complexité d’écriture, de constructivisme et d’expressionnisme esthétique » (Eloy, 2005, p. 31). Le mot honni par le sérialiste est l’exotisme, ce « mot compromis et gonflé, abusé, prêt d’éclater, de crever, de se vider de tout. J’aurais été habile en évitant un mot si dangereux, si équivoque » (Segalen, 1978, p. 86-87). Pour les sériels, il passe en musique par les allusions et emprunts aux musiques étrangères [15], comme pratique dix-neuviémiste, expression d’un système bourgeois et d’une esthétique orientaliste ou néo-classique. Suivant cette logique, Eloy fait cette équation : « exotisme égale colonialisme » (Eloy, 1982). S’affichant comme anti-exotique, il entraîne la noyade auditive en complexifiant les sources japonaises et/ou occidentales. Les moines bouddhistes réalisent une polyphonie, ce qui n’existe pas dans leur musique, mais bien en Occident. Même constat concernant les éléments contemporains : dans Shanti s’agglomèrent des poésies de Mao Tsé Toung, une interview de fermière de l’Inde, des slogans lancés par des Black Panther, des citations orales de Shrî Aurobindo reliées à Albert Einstein et à Jacques Monod, le tout débouchant sur la notion de « conscience cosmique ». Car pour Eloy, la mondialité est un passage obligé :

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Civilisation planétaire ; universalisme ; mondialisme, voilà les grands mots prétendument « utopistes » ou « idéalistes-rêveurs »… Comment pourrait-on être musicien, aujourd’hui, dans l’indifférence à cette « philosophie » planétaire de la musique, en un temps où n’importe quel son peut être envoyé instantanément autour du globe via satellite ?
(Ibid.)

47Dès lors, l’hypothèse selon laquelle le compositeur actuel possède une perception de la mondialisation allant dans le sens de la mondialité est vérifiée pour ceux qui sont cités ici en particulier Jean-Claude Eloy, Alain Berlaud, Thierry Pécou. Le compositeur voyageur emprunte ou s’imprègne d’une culture étrangère, ou même produit une musique métisse, avec des ambitions cosmopolites et universelles, parfois il cherche une hybridation qui préserve les identités, avec plus ou moins de succès. Il existe bien sûr des voyageurs de bibliothèques, qui ne s’évadent que dans l’imaginaire en butinant leur miel au sein d’ouvrages ou de disques que des anthropologues ont auparavant réalisés. Mais aujourd’hui, le compositeur casanier devient singulier. En prise directe avec une culture extra-occidentale, l’artiste traduit son expérience dans ses récits de voyage ou dans ses musiques. En prise directe, mais aussi par le biais d’Internet ou d’autres médias.

48Mais paradoxalement, plus le compositeur est voyageur, plus il incarne cette mondialisation qui consiste à déplacer, diffuser, universaliser – volontairement ou non – un modèle, des techniques, propres à l’Occident. Par conséquent, malgré le désir humaniste de respecter le Divers, il ne pose pas toujours de garde-fous éthiques et ne cherche guère à mesurer son impact sur les cultures qu’il visite ou qui lui fournissent ses idées musicales.

49Une question reste ouverte : l’Autre, jadis l’indigène, scruté « ethnomusicologiquement » par le compositeur, perçoit d’une certaine manière la mondialisation comme action-du-monde-lointain ; il reste donc à comprendre cette perception que possède l’Autre du « créateur contemporain » venant picorer dans son jardin.

Notes

  • [1]
    Cf. Glissant, 2005. Voir aussi un autre modèle de la mondialisation in Wolton, 2003.
  • [2]
    « Enlaceur des mondes » est une onde enchantée du calendrier Maya auquel se réfère Alain Berlaud.
  • [3]
    Lettre de Claude Debussy à Pierre Louÿs du 22 janvier 1895, citée dans Debussy, 1993, p. 107.
  • [4]
    Les voix du monde, une anthologie des expressions vocales, CD, musiques rassemblées par Hugo Zemp, Bernard Lortat-Jacob et Gilles Léothaud, Centre de recherche en ethnomusicologie (CNRS), musée de l’Homme/CNRS, éditions Le Chant du monde, 1996.
  • [5]
    Cf. à ce sujet, Darbon, 2018a, notamment les chapitres « Alain Berlaud ou l’océan des rêves » (p. 257-268) et « Pascal Arnault et Tawajakalé ou le réveil des humbles » (p. 269-284).
  • [6]
    Olivier Messiaen, entretien avec Stéphane Ollivier, Antenne 2, émission Concerts Actualité du 11 décembre 1983, à propos de Saint François d’Assise. En ligne sur : <enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001237/olivier-messiaen-saint-francois-dassise.html>, page consultée le 02/04/2020.
  • [7]
    Des éléments biographiques et le catalogue artistique se trouvent sur le site officiel du compositeur : <alain-berlaud---compositeur-et-peintre-23.webself.net>, page consultée le 02/02/2020. Cf. aussi Darbon, 2013.
  • [8]
    Pour plus de détails, cf. Darbon, 2013.
  • [9]
    Le compositeur explique sa démarche dans l’article précité. Consulter aussi, dans le même volume, Darbon, 2018b.
  • [10]
    Xu Yi, citée par Tosi, 2013.
  • [11]
    Cf. Ivanka Stoïanova, « Au-delà des anciennes frontières. Notice biographique de Jean-Claude Eloy », disponible sur le site <www.eloyjeanclaude.com>.
  • [12]
    Camille Saint-Saëns, cité in Gallois, 2004, p. 273.
  • [13]
    Hector Berlioz, in Pasticci, 2004, p. 188.
  • [14]
    Steve Reich, cité in Lelong, 1996, p. 301.
  • [15]
    Pour une synthèse des théories du transfert culturel, cf. Ehrhardt, 2017.
Français

De la Renaissance à nos jours, le compositeur est voyageur. Mais le Monde aujourd’hui englobe toute la planète Terre et le terme dérivé de mondialisation signale l’incroyable interdépendance et l’uniformisation des cultures. L’hypothèse de cet article est que le compositeur contemporain possède une perception de cette mondialisation, et que son ambition est de construire une mondialité, dans le sens défini par Édouard Glissant, qui serait une façon heureuse de vivre le Monde. C’est le cas d’Alain Berlaud, Jean-Claude Eloy, Ahmed Essyad, Thierry Pécou, Xu Yi, dont les esthétiques intégratives sont ici présentées. Mais paradoxalement, plus le compositeur est voyageur, plus il incarne cette mondialisation malheureuse qui consiste à déplacer, diffuser, universaliser – volontairement ou non – un modèle, des techniques, propres à l’Occident.

  • mondialisation
  • mondialité
  • uniformisation
  • compositeur contemporain
  • Berlaud
  • Boulez
  • Coursil
  • Eloy
  • Essyad
  • Messiaen
  • Pécou
  • Xu Yi

Références bibliographiques

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Nicolas Darbon
Nicolas Darbon est maître de conférences habilité. Membre du CRILLASH (université des Antilles), il enseigne la musicologie à Aix Marseille Université. Spécialiste de la musique des xxe-xxie siècles, il a publié des livres sur la mondialité et les sciences de la complexité : Música y complejidad publié en Argentine (2020), Musique et littérature en Guyane : explorer la transdiction (Garnier Classiques, 2018), Les musiques du Chaos (L’Harmattan, 2006). Il est président de Millénaire III éditions.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/08/2020
https://doi.org/10.3917/herm.086.0219
Pour citer cet article
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