1J’ai rencontré Jacques Perriault en 1993, à la Commission européenne à Bruxelles, lors de réunions concernant des projets européens de formations en ligne. J’avais été impressionné par sa vision du développement à venir des technologies de l’information en matière de formation. Ensuite, nous avons échangé à l’Office régional de l’éducation permanente (Orep) à Pau en 1994 avant que je ne rejoigne en 1995 son laboratoire de recherche au Centre national d’enseignement à distance (Cned), le Laboratoire de recherche sur l’industrie de la connaissance (Laric). Jacques Perriault m’a alors enrôlé dans un projet exaltant piloté par la sénatrice Josette Durrieu avec l’appui du créateur du Futuroscope René Monory : la maison du savoir à Saint-Laurent-de-Neste dans les Hautes-Pyrénées.
2Jacques Perriault voulait réhabiliter les procédures de construction du savoir informel où il est demandé de comprendre ce qui se passe chez les autres, de vivre avec l’idée qu’il n’y a pas de légitimité permanente, mais un changement et un rééquilibrage perpétuel en fonction des apports de chacun. Ceci signifiait que chaque individu devait être considéré comme apportant tout ce qui le constitue dans le dialogue avec l’autre, et non pas être réduit à sa partie communicante, superficielle et stéréotypée selon le modèle en vigueur à cause de l’influence des mass media, avec les risques de rejet global comme nous les voyons à l’œuvre aujourd’hui. Pour restaurer le lien social, il fallait faciliter l’espace informel de communication.
3La maison du savoir était ce lieu où serait facilité le droit au contact informel, à être entendu et écouté et où l’accès aux savoirs permettrait de le développer. Dans l’espace public de la maison du savoir, et par opposition à l’intrusion des intérêts économiques privés dans la sphère privée de l’individu-consommateur, l’objectivité de la médiation devait être garantie, tant par rapport au savoir et sa présentation que dans la compensation des handicaps et la remédiation aux obstacles cognitifs rencontrés par les apprenants. Il s’agissait d’un nouveau modèle d’école, dont les règlements auraient été assouplis.
4Les chercheurs du Laric sous la direction de Jacques Perriault se sont penchés sur une approche complémentaire entre l’enseignement à distance et le présentiel à temps partiel, conçus tous les deux avec une médiation humaine, objective et compensatoire, entre l’apprenant et le savoir, par l’intermédiaire d’abord de l’enseignant(e) qualifié(e). La meilleure éventualité est qu’il/elle soit disponible en présentiel, sinon à distance en synchronie. Pour compléter son action, le support du groupe des apprenants est important pour entretenir le désir d’apprendre. Les échanges de savoir sont le meilleur moyen pour les apprenants d’apprendre comment apprendre, en voyant comment font les autres et en participant à des groupes de travail.
5Certaines réalisations d’espaces numériques contribuent à dynamiser le tissu local, ce qui est le cas de Saint-Laurent-de-Neste. L’enjeu qui a présidé à cette réalisation était bien de sortir de l’ornière une région sinistrée par la délocalisation d’activités industrielles en Malaisie. Cet espace a permis d’intégrer la dimension numérique dans l’opinion publique locale. Elle a été l’opérateur d’un changement de mentalité que l’on a pu cerner avec précision. L’ensemble des réseaux numériques disponibles, Internet, les vidéoconférences du Cned, le réseau VTHR pour les spectacles, qui a transmis notamment tous les matches de la coupe du monde de football en 1998, ont fini par convaincre la population que ce village était en relation avec le reste du monde, alors que ce n’était pas le cas auparavant.
6Les enseignements tirés de l’expérimentation réussie de la maison du savoir de Saint-Laurent-de-Neste ont débouché sur une réflexion sur l’évolution des espaces publics numériques mis en place par le gouvernement Jospin au début des années 2000. L’espace public numérique est apparu comme un lieu unique, ou bien un ensemble coordonné de lieux physiques de proximité destinés à une première sensibilisation de la population aux techniques de recherche et de traitement de l’information. Ce lieu a été configuré selon des considérations locales d’emploi, de formation, de culture et a évolué dans le temps en fonction de la conjoncture et de la rénovation incessante des équipements et des logiciels, course à laquelle pouvaient seuls participer de manière individuelle ceux qui en avaient à la fois les moyens économiques et les compétences techniques.
7Les enjeux du nouveau bien commun qui tenait compte de la donne des réseaux numériques ont été multiples. Le premier a été d’utiliser les réseaux numériques pour lutter contre la fracture sociale et l’exclusion. Le second consistait à se demander comment définir un bien commun durable qui puisse contribuer à un développement de même nature, et dans lesquels les espaces numériques devenaient des instances, durables elles aussi, des mondes urbains et ruraux. Joseph Stiglitz [1] estime que la connaissance elle-même devrait être considérée comme un bien public international. Il devrait en être de même pour le savoir en ligne. Un savoir déclaré tel – ce n’est pas une obligation – par ceux qui le produisent est accessible à tous et chacun peut s’en servir sans nuire à autrui. Fournir l’accès à l’informatique, familiariser le public avec Internet ne valent que si la population y trouve un sens opératoire. Développement local et aménagement du territoire apparaissent comme les deux cadres dans lesquels s’inscrivent les visions du futur que les élus construisent avec la population.
8Vouloir réduire la fracture numérique a été un objectif qui faisait partie d’une politique publique de compensation du handicap social. Mais faciliter l’accès aux outils de communication ne suffisait pas à rétablir l’égalité sociale. La mise en place des composantes techniques d’un espace, que ce soit son équipement, les moyens humains, les services offerts, n’était pas une mesure suffisante pour espérer répondre aux demandes de la population locale. Il fallait réaliser une approche globale tendant à satisfaire la multiplicité des demandes individuelles et collectives dans la durée. Pour ce faire, l’éventail des réponses est forcément composite, hétérogène, flexible. Les études de terrain sont là pour nous montrer ce qui a fonctionné dans le processus d’appropriation et est à continuer au cours de l’expérimentation d’un pilote, préfigurant la mise en place du dispositif définitif à adapter aux particularités locales.
9Le second objectif résulte d’une demande croissante qu’ont observé les responsables des sites. Le public y vient de plus en plus souvent, moins pour s’exercer à Internet que pour trouver, grâce à cet outil, des informations sur les grands problèmes de l’heure, tels que les OGM, la pollution ou la santé. Cela suggère un rapprochement à étudier entre ces espaces et divers lieux de savoir et d’expertise, tels que les centres de cultures scientifiques et techniques, les bibliothèques de lecture publique et les musées, dans des actions locales visant à recomposer les équipements collectifs. De la même façon – c’est déjà souvent le cas – des relations s’instaurent avec le secteur éducatif.
10L’approche prônée par Jacques Perriault tendait à montrer comment l’appropriation symbolique pouvait se produire pour la population, et ceci d’abord par des usages utiles, répondant à de vrais besoins, parmi lesquels l’offre de moyens permettant d’assurer sa propre survie économique et celle de sa famille. Dans ce contexte, la facilitation de l’accès, le croisement des activités de loisirs et de formation, le brassage des populations dans ces lieux publics d’accès aux techniques de traitement de l’information numérique et surtout une politique claire de développement économique local en rapport avec l’usage élargi de ces dernières, constituent les étapes d’une méthodologie susceptible de mener à la réussite, c’est-à-dire à l’inscription des lieux d’accès public dans la durée, autrement dit comme des lieux de vie, répondant à un vrai besoin social. Ainsi Jacques Perriault a fait un travail de précurseur avec le projet de la maison du savoir de Saint-Laurent-de-Neste et ceci correspond à nos échanges les plus fructueux, qui se sont poursuivis par la suite à l’université Paris Nanterre.
11Michel Arnaud
12Professeur honoraire en sciences de l’information et de la communication
Une sorte d’insolence épistémologique…
13Je fus d’emblée intimidé par Jacques Perriault, lorsqu’aux alentours de 1980 je le rencontrai pour la première fois. Jeune professeur d’école normale, à Versailles, je donnais une partie de mon temps de service à l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP) dont, à l’époque, Francine Best était directrice. J’appartenais à une équipe dont Max Ferrero était responsable. Nos travaux étaient assez buissonnants et menés dans la plus grande convivialité. Un jour, Max Ferrero m’invita à rencontrer Jacques Perriault, son supérieur hiérarchique, qui dirigeait le département des technologies éducatives de l’INRP mais dont j’ignorais le travail. Je vins donc le rencontrer, au 29 de la rue d’Ulm, pour me présenter à lui et envisager peut-être une collaboration directe. Agrégé de philosophie, proche, à l’époque, de la rédaction de la revue Esprit et cofondateur du Collège de philosophie (avec Luc Ferry et Alain Renaut), je m’imaginais de l’avenir dans les recherches relatives au système éducatif. Je venais de publier un article dans une revue émanant de l’Union rationaliste dans laquelle m’avait introduit mon collègue Lucien Brunelle, inspecteur de l’éducation nationale et professeur au Centre d’action éducative et d’insertion de Versailles. J’étais très fier de cette publication accueillie dans Raison présente et qui portait sur l’irrationalisme véhiculé par certains penseurs revendiqués par les idéologues nazis. J’avais l’intention d’offrir à Jacques Perriault un tiré à part de cet article et de le convaincre, peut-être, de me confier de substantielles recherches sur la philosophie de l’éducation. Pas plus tôt introduit dans son bureau, je vis qu’il n’était pas seul et je réalisai qu’il ne m’accorderait pas l’attention que j’espérais. Grand, fort, sûr de lui, la voix portant loin, il était manifestement pressé de vider son bureau de la présence de ses visiteurs. Je n’ai pas gardé souvenir de notre échange. Seul m’est demeuré le sentiment d’une déception toute narcissique : il me présenta le jeune homme qu’il avait accueilli avant mon arrivée et à qui il donna immédiatement le tiré à part de mon article, avec une cruelle désinvolture et sans doute un peu de générosité. Ce jeune homme s’appelait Bernard Stiegler et, de l’avis de Jacques, il saurait bien mieux que lui-même tirer profit de la lecture de ma prose. Quelques années plus tard, je serai nommé à l’Université de technologie de Compiègne et appelé à collaborer avec Bernard Stiegler, qui devint vite mon ami, sans que nous ayons besoin de raviver le souvenir du bureau de Jacques Perriault, ni de mon pauvre article de Raison présente.
14Longtemps après, dans le contexte de la revue Hermès à laquelle j’appartiens depuis sa fondation en 1988, je retrouvai Jacques Perriault qui avait oublié notre première « non-rencontre ». Il avait conservé son assurance et une certaine brutalité qui n’avait rien à voir avec la suffisance d’un mandarin, mais qui exprimait l’esprit de décision du chercheur désireux d’aboutir. Je l’ai lu alors et parfois commenté. J’ai aimé sa description et ses analyses de la société dite de communication. Sans le partager, son pragmatisme investi dans les approches techno-cognitives m’a paru nécessaire. Nous avons fini par diriger ensemble le numéro 67 d’Hermès, consacré à l’interdisciplinarité, et j’ai su que ce qui me séduisait dans cet homme tellement étranger à la flagornerie, c’était une sorte d’insolence épistémologique, nourrie de la conviction que les sciences de la communication ont une dynamique qui ne se livre qu’aux esprits disposés à se laisser déranger… Je n’oublierai pas que Jacques avait aussi le rire généreux.
15Jean-Michel Besnier
16Sorbonne Universités
Je me souviens…
17Ceux qui l’ont connu le savent, Jacques Perriault était un intellectuel éclectique, à la fois sur le plan scientifique, mais également à un niveau plus personnel. Il a toujours nourri ses recherches et son imaginaire de sources multiples provenant des sciences et des arts. Bien avant beaucoup d’autres, il fut un convaincu et un praticien de l’interdisciplinarité, « ce processus de cohabitation » (Wolton, 2013), où la communication joue un rôle fondamental d’échanges, de négociations et de conflits.
18Dès le début de sa carrière, sa vivacité et sa curiosité intellectuelles le poussent à s’ouvrir à d’autres champs disciplinaires que l’informatique, à explorer les logiques d’usages des médias dans une perspective archéologique et des technologies du savoir et de la connaissance qui furent ses domaines de prédilection.
19Ceux qui ont travaillé occasionnellement avec lui, comme ceux qui l’ont suivi de la Maison des sciences de l’homme à l’Office français des techniques modernes d’éducation (Ofrateme) devenu INRP, puis du Cned au Centre de recherche en information spécialisée et médiation des savoirs (Cris/Series) de l’université de Nanterre, se souviennent des chercheurs rencontrés par Jacques à l’étranger, ses nombreux coups de cœur scientifiques qu’il partageait généreusement avec les membres de son laboratoire et ses thésards. Furent invités ainsi dans des séminaires ou des colloques des chercheurs dont Jacques estimait que la pensée porteuse et riche faisait écho à nos problématiques. Ainsi Seymour Papert, disciple de Jean Piaget et inventeur du constructionisme, directeur du laboratoire d’intelligence artificielle au Massachusetts Institute of Technology jusqu’en 1981, vient présenter à Montrouge, au Lion Noir, dans le département « Technologies éducatives » de l’INRP, la tortue Logo, robot destiné à développer et améliorer les compétences de raisonnement des jeunes enfants. De sa collaboration avec Anne-Nelly Perret-Clermont, responsable de l’Institut de psychologie de l’université de Neuchâtel, Jacques retient la notion de conflit sociocognitif, dont il transmet et valorise l’intérêt épistémologique. Il rappelle souvent d’ailleurs que son approche est sociocognitive et anthropologique. Robert Lawler dans un séminaire du Cris/Series vient exposer ses réflexions et ses travaux sur les inférences abductives et inductives dans l’apprentissage avec l’ordinateur et les réseaux numériques en reprenant à son compte la notion de bricolage de Lévi-Strauss [2]. Toutes ces catégories d’interactions analysées par des disciplines différentes enrichissent, comme Jacques l’écrit à plusieurs reprises [3], le concept de logique d’usage.
20Jacques aimait les inclassables, les esprits buissonniers et les indépendants. Il est ainsi un grand admirateur de Pierre Schaeffer à qui il consacre de nombreux articles, des entretiens et des colloques. Il co-réalise [4] en 1991 dans la série Océaniques un documentaire [5] sur cet homme indiscipliné, ingénieur, musicien, écrivain, producteur à la radio et directeur du service de la recherche de l’ORTF. Jacques Perriault sort de l’ombre la notion inventée par Schaeffer de « machines à communiquer », « qui ne sont pas quoi qu’on puisse dire des reproductions du réel. Ce sont des trompe-l’œil, des illusions non d’optique, mais d’existence [6]. » Ce sont donc des machines à simulacres. Jacques Perriault reprend l’idée du simulacre, « produit d’une technologie de l’illusion qui évolue en même temps que les techniques [7] », une question permanente selon lui dans l’histoire des médias que l’actualité contemporaine du numérique pose doublement.
21Discrète, mais pourtant présente dès la publication de son premier ouvrage Éléments pour un dialogue avec l’informaticien [8], se dessine la relation de Jacques Perriault avec la littérature. Grand lecteur de Flaubert dont il lit entièrement la correspondance, il a des goûts également éclectiques en matière de romans et prend plaisir à rendre compte de certaines de ses lectures, de préférence lorsqu’elles croisent ses intérêts intellectuels du moment.
22C’est à Jacques Perriault que je dois la découverte de Raymond Roussel. Salué par les surréalistes dont mes études littéraires m’avaient rendue pourtant assez familière, analysé par Michel Leiris [9] et Michel Foucault [10], cet écrivain m’était totalement inconnu. Je découvris en le lisant « un prodigieux outillage poétique [11] » (Proust, 1897). Pour familiariser le lecteur avec la notion d’algorithme, Jacques Perriault dans son livre Éléments pour un dialogue avec l’informaticien prend l’exemple d’une scène de Locus Solus [12] au cours de laquelle Gérard, un protagoniste, écrit de la poésie dans le dictionnaire de l’Erèbe : chacun des gestes du personnage y est décrit, et celui-ci avant de poursuivre l’écriture à la plume et le séchage à la poudre d’or de son poème, vérifie si les tâches antérieures ont été accomplies pour reproduire à la suite les mêmes. C’est une illustration de la démarche algorithmique. Mais Jacques veut aller plus loin dans sa pédagogie de l’algorithme. Il choisit le media cinéma. C’est ainsi qu’à sa demande et à sa grande satisfaction, le film pédagogique expérimental [13] Qu’est-ce qui fait vivre les automates ? a été réalisé [14] et produit [15] au département Nouvelles technologies de l’Ofrateme [16]. La scène de Locus Solus fut adaptée et tournée non sans mal ! D’autres séquences expliquent ce qu’est un algorithme. L’hypothèse pédagogique est que grâce à l’image, le cinéma, par l’animation et la visualisation, doit favoriser par rapport à d’autres langages la compréhension de la démarche algorithmique. Nous sommes en 1974. Nous sommes en avance sur la pédagogie de l’éducation aux littératies informationnelles ou aux translittératies [17] tout comme dans la réflexion sur la spécificité, la substitution et la complémentarité des médias, autrement dit l’intermédialité, en matière d’enseignement. Et, poussés par la direction scientifique imaginative de Jacques, nous l’étions vraiment en effet…
23L’œuvre de Raymond Roussel développe des procédés d’écriture très particuliers. La machinerie littéraire se double d’une machinerie d’écriture [18]. L’écriture de Roussel obéit à des règles, des normes ou des contraintes que l’écrivain a choisies et fixées [19]. Peut-être ces dispositifs d’écriture emportaient-ils l’intérêt de ce lecteur de Flaubert sur le contenu et le sens de ses lectures ? Georges Perec rencontre Jacques [20], qui l’incite à écrire L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, récit algorithme moderne et humoristique accompagné de son organigramme, publié dans la revue Enseignement programmé (1968) avant de paraître dans la revue Communication et langages (1973).
24C’est la remise en cause de la langue [21] qui finalement plaît à Jacques. Les révoltés de la langue comme les dadaïstes, les surréalistes, les partisans de la littérature illettrée et de la littérature de contrainte suscitent et entretiennent son attention et sa curiosité. Est-ce parce que ces mouvements littéraires se développent au sein des deux conflits mondiaux, se jouent des conventions et inventent leurs propres règles parfois ludiques, qu’ils préfigurent des pratiques culturelles contemporaines comme le sampling, le montage de découpages et le jamming, le détournement d’images, de textes et de sons ou encore certaines formes de littérature numérique interactive à choix multiple et de la littérature hypermédia ? Je regrette de n’en avoir jamais vraiment parlé avec lui.
25À la façon de Georges Perec [22], que Jacques Perriault admirait, c’est le moment de se dire « Je me souviens ». À chacun de compléter…
26Brigitte Chapelain
27LCP
L’ombre et le son de Jacques Perriault
28On voudrait ici tracer un double portrait de Jacques Perriault : comme un enseignant et un chercheur entraînant, engageant, vigoureux, et comme un homme imparfait, au sens noble du terme : quelqu’un qui n’a pas fait tout ce qu’il dit, et ça n’a aucune importance. Plutôt que de dire seulement l’éveilleur, le passionné inquiet qu’il fut, dire cela et dire aussi les ratés, les à-côtés, ce qu’on efface si vite, et qui le caractérisent aussi, sans le disqualifier. Éviter le héros (on sait que c’est faux). Dire plutôt : il ne fut pas tout mais il ne fut pas rien (comme d’aucuns l’ont prétendu). Et on l’a aimé, pour l’impulsion qu’il a su donner.
29Commençons donc par un récit biographique narcissique ordinaire : j’empruntais, la trentaine passée, le chemin de La Folie, à Nanterre, en direction du bâtiment Paul Ricœur. J’avais choisi en DESS (actuel master 2) de sciences de l’information et de la communication le cours de ce prof un peu inquiet, un peu corpulent, mais fougueux, passionné. Très vite, il révèle un sens du politique, des enjeux politiques mondialisés du numérique. Il nous tient éveillés de questions inquiètes. Dans la salle, des doctorants, des gens qui me paraissent très forts, des Africains, des Asiatiques : j’ai l’impression, je dois le dire honnêtement, que je découvre le monde avec lui… Je comprends (ou crois comprendre) des problèmes que j’ignorais tout à fait. Il nous montre une carte du monde la nuit : s’y révèle l’expansion électrique du monde. L’usage du portable en Afrique, et ses enjeux. La question des normes et de l’industrie numérique. La géographie de l’Internet. Il nous raconte la sérendipité, à partir du conte. Évoque son maître Pierre Schaeffer. Une question vive parcourt le monde. Les questions qu’on lui adresse sont très compliquées. Il s’intéresse aux travaux des doctorants, les expose, tel celui de Claire Scopsi sur les boutiques de téléphonie et les enjeux de mondialisation qui s’y jouent. Il s’empare des questions et travaux des gens, en fait sa parole, son propos, en les nommant. On a l’impression d’une « vraie recherche » en train de se faire, respectueuse des engagements des personnes. Bien sûr, c’est un peu brouillon, bien sûr, ce n’est pas toujours extrêmement clair, évidemment, la précision est parfois esquivée : mais c’est une vraie réflexion tourmentée et exigeante, inquiète, qui se pose et nous requiert : il faut penser cela, maintenant, c’est important ! Un appel, une injonction à penser la modernité technologique, à s’emparer des problèmes, à penser la technique (négligée, selon lui, en France), pas un exposé plat ou dogmatique de prof assuré. Il nous a légué cela : « c’est vrai, c’est sérieux, il faut le penser ». Je garde de lui le souvenir de ce mouvement, de cette préoccupation. Une mémoire vive, une question vive. Tout d’un coup, l’informatique devient un enjeu politique, une question essentielle pour les humains.
30À cette période, je mène mes études plutôt dans un autre courant qui en fait, mais je l’ignore alors, déteste Jacques Perriault. J’introduis ici cette touche aigre et un peu déplaisante de la picrocholie universitaire, mais elle fait vraiment partie du jeu, et des éléments qui ont situé Perriault. Donc, un courant socio-économiste d’inspiration marxiste (très) allégé m’entoure, et il clair que pour ces chercheurs, Perriault n’a pas la bonne position. Il valorise trop la technique, il donne dans le « déterminisme technologique ». Alors bien sûr, je m’incline, en partie, mais je reste séduit et fasciné par cette pensée libre, cette préoccupation de l’humain et de la technique, ce sens de l’alerte pour penser le numérique, si commun aujourd’hui.
31Certes, le mot est trivial ou chausse-trappes, mais Perriault me paraît très « humaniste », en fait : un sens de l’humain, de sa valeur, de ce qui peut le soutenir. La culture protestante, peut-être. Donc, de mon espace de socialisation et d’apprentissage universitaire, je l’aperçois de loin, nimbé de critiques : il se trompe, il n’est pas dans le vrai, dit-on, parce qu’il aborde les choses autrement. C’est ce qui m’intéresse. Je vais le voir, nous discutons après les cours, il apprécie mon directeur de thèse. Il sera présent dans mon jury de DEA (qu’il n’a pas lu, trop énorme). Je le vois dans un café rue Soufflot. Nous parlons de knowledge management, organisation du partage de connaissances en entreprise. Il essaye de me mobiliser dans un groupe de l’Afnor sur les normes, mais il ne m’explique pas, je ne comprends rien, impossible pour l’obsessionnel inquiet que je suis de m’engager dans quelque chose que je comprends mal. Un souffle, chez lui, dans ses cours, persiste en ma mémoire.
32Il a ses vanités. Il rappelle ses travaux, effectivement importants, La Logique de l’usage, essai sur les machines à communiquer (1989), pionnier, Mémoires de l’ombre et du son, une archéologie de l’audiovisuel (1981) – qui préfigure l’archéologie des médias, aujourd’hui tellement à la mode – sur « l’archéo-cinéma », les « lanternes magiques » garnies de plaques de verre permettant des projections, L’Accès au savoir en ligne, en 2002, qui m’avait beaucoup marqué et impressionné par la profusion des références et des questions, Le Travail en puces (dirigé avec Danièle Linhart en 1992), et aussi Éléments pour un dialogue avec l’informaticien (1972), pionnier également, que je cite souvent. Il aime être cité (capable de vous écrire s’il a pensé que vous ne l’aviez pas cité). Il aime piloter, certainement, les projets, il « veut en être », il ne veut pas que ça lui échappe. On l’aide parfois dans ses travaux d’écriture. On le dit coléreux, imprévisible, impétueux en soutenance.
33Un jour, en cours, je vais le voir car il a parlé d’un ouvrage américain sur le travail et le numérique. Je dispose d’un résumé en anglais de quatre pages : je m’aperçois que lui aussi, qu’il n’a en fait pas lu plus que cela… et cela n’a, en fait, aucune importance. Bien sûr, je comprends qu’il n’en sait pas plus que moi à ce moment-là, mais, en réalité, peu importe ! Il a su transmettre une réflexion sur le travail, qui m’animera dans ma recherche, puis mes cours, sans doute, aujourd’hui. Vaniteux, en un sens, mais en réalité très juste, il explique que ce qu’il évoque avec nous en cours nous marquera peut-être dans dix ans, se révélera dans dix ou quinze ans à notre pensée… J’en ai déjà fait l’expérience. C’est tout à fait exact.
34Alors, encore une fois, il a ses détracteurs. Untel m’explique alors que ça ne tient pas, que son analyse de l’invention ou de la prospective du jésuite du xviie siècle Athanase Kircher n’est pas juste. Qu’il survalorise la technique. Je trouve néanmoins que Jacques Perriault éclaire, par ses questions philosophiques, par son sens historique, sa culture, par des éléments empruntés à la théologie, par sa dimension « tiers-mondiste ». Je le vois parfois souffrir. Je ne parle pas de la canne, de la gêne à marcher. Ni des conflits universitaires, dans lesquels, à Nanterre, il joue aussi un certain rôle, éminence grise. Dans un séminaire normand, je le vois vivement attaqué par une plus érudite, semble-t-il, qui lui reproche de ne pas connaître tels et tels travaux récents. Il nie. Des inexactitudes, parfois. Mais quelle importance, en fait, quand chez lui prime l’orientation de la pensée, le souci inquiet de comprendre ? Il est aussi très entouré, consulté, apprécié, guidé et accompagné. Une affection bienveillante l’entoure. Un dialogue se noue de plusieurs avec lui, qui apprécient sa pensée et sa culture, le respectent grandement.
35On me reprochera ce lien, cette référence à sa figure. Je passe une audition pour un poste de professeur des universités, avant que d’être élu à Tours, et un collègue, qui fut le sien, me questionne en toute fin d’audition, alors que je m’apprête à quitter la salle : « Vous citez Perriault, mais il n’est pas du tout un penseur critique ! » Et je n’aurai pas le poste. Je tenais néanmoins à le citer comme l’un de mes maîtres, en matière de questionnement du moins, un de ceux qui, en sciences de l’information et de la communication, m’ont formé. Et je lui ai rendu hommage dans l’autobiographie intellectuelle, l’ego-histoire, comme on dit ailleurs, de mon habilitation à diriger des recherches. J’assume cela, comme ce portrait mi-figue mi-raisin, mais en fait très figue (ou très raisin) : il n’était pas parfait, mais cela n’a aucune importance. (Moi non plus ! Le lecteur si, évidemment…). Il a incarné une pensée vivante, une incitation à l’étude, une injonction à « aller y voir », à se préoccuper des questions. Et cela a plus de valeur, me semble-t-il, que des références complètes, à jour, ou des lectures intégrales, évidemment souhaitables.
36Jacques Perriault est l’un des collègues qui s’est intéressé très tôt à la question religieuse en communication. Lux, lumen, Bernard de Clairvaux, Athanase Kircher : il a exploré certaines questions, voulait aller plus loin… Nous avons publié une interview de lui, réalisée par Stéphane Dufour, intitulée « Technique et religion, de Kircher à @Pontifex : questions et enjeux » dans la revue MEI (Médiation & Information, no 38, 2014) et un article sur sa recherche dans ce domaine, « Le désir et le sacré dans l’image projetée », dans les Cahiers de la Sfsic (no 12, 2016). Il a lu certains de mes travaux avec intérêt, m’en a parlé. Nous devions animer un séminaire ensemble à l’ISCC, j’ai renoncé (trop de travail, à faire seul). Et puis voilà. Tout passe. Mais pas le souvenir de ceux qui vous ont communiqué un certain éveil, ont pensé avec vous et devant vous, ont pris ce risque.
37David Douyère
38Prim, Université de Tours
Contre les tentations du conformisme…
39Dans les années 1960, au CNRS déjà, lors d’une session consacrée à l’image et l’audiovisuel dans la recherche, un intervenant au léger accent méridional et aux yeux bleus nous entretient des ressources, mais aussi des limites de ces nouveaux dispositifs. Intéressée par l’argumentaire solide, je m’approche de l’inconnu et lui demande où je pourrais trouver de la documentation sur le sujet : sans me connaître, il me tend ses notes manuscrites. Cinquante après, ce mélange de rationalité et de confiance me paraît être le trait caractéristique de ce chercheur original que fut Jacques Perriault.
40Quelques années plus tard, Henri Dieuzeide (directeur du département des méthodes et techniques de l’éducation de l’Unesco) incite Jacques à me rencontrer. Jacques Perriault dirige à ce moment-là le département des technologies nouvelles appliquées à l’éducation de l’INRP ; il impulse, conduit ou accompagne de nombreuses recherches : intégration de l’informatique dans l’enseignement, formation des enseignants à l’informatique ou aux techniques audiovisuelles, intégration des medias dans les pratiques pédagogiques, productions expérimentales, expériences de communication sociale, travail autonome… Il entreprend, sous ma direction, une thèse sur travaux couronnant ses recherches et ses expériences variées. Le jury de sa soutenance à l’université de Bordeaux était présidé par Robert Escarpit (un des fondateurs de la discipline des sciences de l’information et de la communication) ; Jean Meyriat, helléniste, responsable de la documentation à Sciences Po et précurseur des pratiques et des recherches informationnelles de cette jeune discipline, était un des membres de ce jury.
41Après quelques années au Cned à Poitiers où il fonde le laboratoire Laric, Jean Mouchon l’accueille à l’université de Nanterre, où il restera jusqu’à son éméritat. Plusieurs collègues étrangers venaient assister à ces cours et intervenaient dans les séminaires du Cris/Series. De nombreux thésards, venant parfois de très loin, interrogent la théorie et les pratiques info-communicationnelles sous des angles peu explorés et développent ainsi de nombreux débats durant ces réunions.
42Cette inventivité permanente, cette soif d’exploration du social et de l’accès à la connaissance ne fut pas toujours comprise par d’autres communautés de pensée en sciences de l’information et de la communication. Jacques fut pourtant élu président de la SFSIC, tache qu’il aima conduire avec son énergie habituelle. Il a aussi organisé de mémorables Rencontres européennes de la communication, aux rives de l’Adour au pied de ses chères Pyrénées. Comment ne pas rappeler son origine géographique, qu’il partage avec Pierre Bourdieu, Robert Escarpit et Michel Serres ? Girondins au sens politique du terme, acharnés comme Antigone a instaurer les lois non écrites, explorateurs de mondes nouveaux, mais fidèles au terroir d’origine.
43Je conserve le souvenir, il y a de longs mois, de notre dernier échange de regard, riche de détermination autant que de chaleur. La matière est périssable, mais les forces spirituelles demeurent. Que l’exemple de cet homme sensible, tourmenté, combattant, fidèle en amitié, demeure présent, précieux même au sein de notre communauté affective et intellectuelle d’Hermès. Qu’il demeure notre inspirateur contre les tentations du conformisme…
44Anne-Marie Laulan
45Université de Bordeaux
Sa besace remplie de points de repère…
46Pour parler du lien qui existe entre enseignement et technique, Jacques Perriault était le meilleur ! Et cette remarque vaut pour les deux sens de ce lien. D’un côté, il expliquait sans pareil la façon dont les outils techniques peuvent être mobilisés pour diffuser judicieusement des messages éducatifs. Et d’un autre côté, il décortiquait au juste niveau le fonctionnement de tout un tas d’outils techniques pour en rendre leur fonctionnement lumineux. Jacques a beaucoup apporté pour comprendre, penser et réaliser les nouvelles formes d’enseignement à distance. Avec passion, il a fait avancer toute une communauté dans les nouvelles pratiques de diffusion du savoir. C’est Jacques qui, par exemple, a introduit en français le terme « industrie de la connaissance » pour traduire le concept de « knowledge industry » de Clancey et Thomas. Pour lui, le simple fait de glisser la technologie dans les méthodes d’enseignement nécessite de recourir à un travail d’équipe et à des moyens industriels. Cela vaut pour l’apport de la télévision, tout comme pour l’emploi d’Internet dans les moyens pédagogiques. C’est aussi vrai dès que l’on cherche à construire n’importe quel « support pédagogique ». La maîtrise de la technique ne s’improvise pas. Elle ne va pas de soi et doit faire appel à des professionnels. Toute une équipe devient vite indispensable, chacun y allant de son métier, parfois de nouveaux métiers. L’enseignant doit être entouré et non pas taxé d’incompétence technique, ou tout simplement remplacé. Cela peut paraître évident, mais alors pourquoi continuer à mettre en avant des campagnes d’équipement, des offres sur des outils ou bien des plans conclus avec des compagnies nous vantant toute la modernité de leur dernier produit ? La solution n’est pas dans l’outil mais réside dans le processus qui va mettre en œuvre cet outil. Pour une pédagogie de qualité, misons sur l’humain, pas sur l’équipement !
47C’est à l’ISCC que j’ai eu la chance de côtoyer Jacques Perriault, rue Berbier-du-Mets à Paris. À son contact, j’ai appris beaucoup d’histoires (Jacques est un conteur !), mais aussi toute une Histoire sur l’utilisation des techniques dans l’enseignement (Jacques est un passionné !). Scientifique dans l’âme, Jacques va chercher dans les exemples oubliés toute la compréhension des contextes actuels et l’anticipation des directions dans lesquelles on progresse. Jacques est ainsi : il se réfère à l’histoire, non par nostalgie, mais par nécessité pour comprendre ce qui se passe. Ses écrits sur les lanternes magiques témoignent du début des diaporamas. Ses descriptions des réseaux de diffusion des plaques de verre posent les prémisses de l’Internet pédagogique. D’un seul coup, on saisit mieux les aspects de notre environnement « moderne » qui nous semblent si complexes. Dans Dialogues autour d’une lanterne, il y a si peu de choses passéistes que tout est bon à prendre ! La technologie évolue vite, très vite. L’illusion de modernité pousse les plus crédules à croire en l’installation d’une nouvelle appli « Pédago 7.0 », à penser que demain les étudiants s’ennuieront moins en cours. Tout cela est gratuit et pur fantasme de technophiles. Pour repositionner la technique et l’outil à leurs justes places, pour leur donner une vraie utilité dans la pédagogie, il nous faut un Jacques Perriault et sa besace remplie de points de repère.
48Il y a quelques années, pour le numéro 71 de la revue Hermès, j’avais procédé à une interview de Jacques qui donnait là sa vision de l’avenir des industries de la connaissance. Pour lui, industrialiser signifie passer à une production de masse. Et cette sortie de l’artisanat demande à identifier des rôles, des métiers encore cachés dans les processus pédagogiques actuels. Pour lui, la technique est tout à fait compatible avec la culture. Il voit dans l’industrie une notion noble. Il regrette que les milieux intellectuels opposent artificiellement le cerveau et la main ! Pour moi, le talent de Jacques est de faire confiance à la nature humaine et aux capacités des personnes à être inventifs, à détourner leurs outils afin de répondre à leurs besoins immédiats et parfois vitaux. Au siècle dernier, un autre Jacques parlait avec émotion de son plat pays. Le pays que nous offre Jacques Perriault, notre Jacques, est tout en relief, plein de détours, de chemins buissonniers et de futures découvertes.
49Benoit Le Blanc
50École de cognitique, ENSC – Bordeaux INP
Le questionnement info-communicationnel de Jacques Perriault
51Pour tout chercheur s’intéressant aux usages ou aux pratiques informationnelles – ce qui fut mon cas au début des années 2000 avec l’analyse compréhensive des pratiques documentaires et informationnelles des enseignants de collège [23] –, l’approche de Jacques Perriault à travers La logique de l’usage [24] reste un élément majeur pour mettre en discussion le paradigme orienté usagers face à ceux de l’analyse de l’activité ou, plus récemment, celui des pratiques communautaires de l’information-communication. Les années 1980 ont vu fleurir de nombreux travaux autour de l’approche orientée usage(r)s, proposant avec force des typologies de comportements ou d’attitudes envers l’information, qu’elle soit documentaire, mass-médiatique ou centrée sur des premiers jeux de données. Cependant, trente ans après, cette approche orientée usage(r)s nous montre, me semble-t-il, un réductionnisme de la complexité de la relation qu’entretient tout individu avec l’information, dont les intentions communicationnelles, ne peuvent être écartées.
52L’approche de Jacques Perriault a été essentielle pour moi car il a pu démontrer, à travers une approche comparative et inscrite dans l’histoire des techniques, que cette notion d’usage intervenait dans un contexte de culture technique caractérisé par l’altercation entre les logiques industrielles et celles conduites par les utilisateurs. Progressivement, souligne Jacques Perriault, cette altercation s’est estompée, précisément parce que les logiques industrielles (et des industries du numérique) ont de plus en plus tenu compte des logiques d’usage et se sont entrelacées avec celles-ci, rendant l’analyse des situations informationnelles plus complexes et multivariées. J’ai eu plusieurs fois l’occasion ensuite d’échanger avec Jacques sur cette question, à l’occasion notamment, des comités de la revue Hermès, et nous convenions que le paradigme de l’interactivité informationnelle devait certainement se construire autour de la tension entre les logiques de l’offre et les logiques d’usages, diminuée de ce fait face au poids des industries, culturelles, éducatives, etc. Chaque échange avec Jacques était direct, vif, parfois brusque, mais toujours éclairant.
53Plus tard, j’ai été appelé de nouveau à échanger avec lui autour d’un autre domaine, plus vaste et varié, qu’est celui de l’enseignement et de l’éducation. Pour nous, Jacques Perriault fut un chercheur essentiel car sans l’afficher, il a milité pour que les chercheurs en sciences de l’information et de la communication s’intéressent davantage à l’école, aux apprentissages, aux politiques éducatives et aux producteurs de contenus éducatifs et pédagogiques. Par ses responsabilités à l’Institut national de la recherche pédagogique et sa vision scientifique, Jacques encourageait les recherches en information-communication de/dans l’espace scolaire. À l’occasion de ma soutenance publique d’habilitation à diriger des recherches à l’université de Rouen, en 2011, que Jacques Perriault présida, il m’encouragea à poursuivre les travaux d’analyse dans le champ scolaire, regrettant une forme de désintérêt des SIC pour ces terrains où pourtant se construisent les premiers savoirs et où paradoxalement, les industries numériques ont compris très tôt l’importance et la taille de ce marché. Jacques Perriault soulignait qu’une classe gagnerait à être considérée par les chercheurs, comme un système d’information complexe, avec ses entrées, ses acteurs, ses modes de traitement et, en sortie, les connaissances construites. Il souhaitait que les SIC proposent à partir d’observations et d’analyses complexes, des modèles alternatifs de l’école classique (les écoles de la seconde chance par exemple). Jacques Perriault conclut son propos le jour de ma soutenance en m’encourageant à ne pas céder et à continuer à travers l’encadrement de thèses, le dépôt de projets, à poursuivre le questionnement info-communicationnel des situations et terrains scolaires.
54Cher Jacques, en une vingtaine d’années, vos écrits et nos échanges ont été pour moi, éclairants, encourageants et toujours bienveillants. Lorsque j’accueille régulièrement un étudiant envisageant de commencer une thèse, et qu’il évoque de possibles terrains scolaires, je pense alors à vous, vos bons conseils et votre regard exigeant et malicieux.
55Vincent Liquète
56Université de Bordeaux
Acrostiche
57Jacques Perriault n’était pas du genre à se laisser enfermer dans des cases. Enseignant-chercheur en SIC, administrateur mais aussi agitateur d’institutions éducatives, proche de l’Oulipo, du Collège de pataphysique, amateur de contrepèteries, globe-trotteur de la transmission du savoir, expérimentateur pionnier d’une informatique innovante, mais aussi philosophe, critique des médias et du numérique, historien de la culture technique, prospectiviste…
58Anticonformiste. Jacques était l’homme aux mille facettes. Il a su pratiquer toute sa vie un « entrisme de l’intelligence », même si sa remise en question pertinente des dossiers qui lui étaient confiés ne lui a pas été toujours favorable. Dès la décennie 70, dans la dynamique du « plan calcul », il fait partie des décideurs-pionniers de l’appropriation pédagogique de l’informatique.
59Coopérer pour mieux comprendre « les machines à communiquer ». Jacques tient à approfondir cette notion proposée par son ami Pierre Schaeffer et ainsi mieux comprendre de l’intérieur les langages informatiques alors émergents : Fortran, Lisp, Algol, Basic, rien ne doit lui être étranger. À la fois amical, charismatique et toujours personnellement vigilant à expérimenter lui-même, il a le don de créer des synergies notamment entre la recherche en informatique et la documentation pédagogique.
60Queneau, Perec, Jarry, Quintilien, Babbage, Elias Howe, Kircher, Boris Vian, etc. : son Panthéon intérieur s’étendait à l’infini. Mais il partageait très généreusement son réseau personnel de grands experts internationaux, ainsi que ses pistes intellectuelles, quelquefois très anticonformistes, avec ses partenaires, ses collaborateurs et ses étudiants. À Montrouge, son bureau était souvent grand ouvert, ainsi que chez lui la table et le couvert.
61Usage. Les technologies de l’information et de la communication le passionnent, mais pas seulement d’un point de vue théorique. Jacques veut tester, être usager avant de théoriser « la logique de l’usage ». C’est un passionné de la pratique et de la création théorique : Seymour Papert, Pierre Schaeffer sont à la fois ses amis et ses références fondamentales. Mais au-delà, Jacques sait toujours imaginer l’environnement technique et institutionnel qui permettra que se développent et surtout que se diffusent des méthodes pédagogiques toujours plus performantes.
62Enseignement. La problématique éducative lui a servi de fil rouge tout au long de sa vie pour contenir, ou freiner, son éclectisme qui sinon aurait été boulimique. Jacques est convaincu que la meilleure façon de transmettre le savoir consiste à inciter l’élève à découvrir par lui-même. Comme enseignant-chercheur, il implique ses étudiants dans quantité de projets ou groupes de travail. Jacques les publie dans de nombreux ouvrages, colloques ou numéros spéciaux qu’il suscite.
63Seymour Papert était un intime de Jacques Perriault. Sans en être dupes, ils adoraient jouer, l’un comme l’autre, du prestige que donnait à leurs projets communs ou respectifs la coopération internationale franco-américaine de leurs nombreuses institutions d’appartenance ou de rattachement. Seymour Papert est parti trois ans avant Jacques : nul doute qu’ils se retrouveront avec joie pour faire évoluer des Tortues Logo.
64* * *
65Progrès. Le progrès était sa grande affaire, sa quête intellectuelle permanente. Il habitait d’ailleurs Robinson (repartir de rien pour reconstruire le monde !) à une adresse taillée sur mesure : rue du Progrès. Mais le progrès technique n’avait pour lui de prix que s’il accompagnait le progrès social et s’il favorisait le développement personnel, notamment cognitif. Pour argumenter les réponses aux très nombreuses questions (pour lesquelles on recherchait son expertise), il n’oubliait jamais d’explorer l’historique, l’anthropologique, le sociétal en général ; et de prendre en compte aussi la grande part de hasard, de détournement, d’incongruité de l’innovation.
66Effet diligence. Pour moi, c’est sans nul doute la notion conceptuelle de Jacques Perriault la plus largement connue. Il est certain que cette expression métaphorique, outre sa pertinence conceptuelle, a largement contribué à son appropriation scientifique par ceux qui étudient ou développent des technologies. Je crois qu’on retrouve dans cette formule le meilleur exemple de la façon dont Jacques raisonnait par aller-retour itératifs très productifs entre l’histoire et le futur.
67Récupérer, détourner les technologies. C’est un autre concept lui aussi très opératoire de la logique de l’usage. L’évolution des technologies, même s’il est légitime que les développeurs de produits ou services innovants la voient comme un projet ciblé de façon « déterministe », se développe en fonction d’objectifs, mais aussi par les hasards souvent extraordinairement innovants des détournements. Pour notre génération, l’objectif du Minitel – qui ne devait servir qu’à remplacer l’annuaire – a été largement détourné pour de très nombreux nouveaux usages non prévus.
68Recherche-action. Pour Jacques, la recherche est toujours étroitement liée à l’action. Et pourtant, il réussit ce prodige de savoir simultanément participer à la genèse d’institutions (par exemple le Centre mondial de l’informatique), d’être un acteur incontournable du développement de techniques concrètes comme le multimédia pédagogique et le savoir à distance, et de participer aux comités de rédaction de plusieurs revues comme Hermès ou encore Culture technique.
69International. Dans ce domaine, il savait déployer à la fois son expertise et mais aussi sa vision critique, que ce soit dans le cadre de l’Union européenne, de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et de la Francophonie, pour la normalisation internationale des technologies de l’éducation, mais aussi dans son imposant réseau d’universitaires et de chercheurs. Jacques Perriault avait le talent rare de savoir rassembler, de provoquer les susceptibilités de chacun pour mieux résoudre les points délicats et éviter de rester dans des consensus de façade.
70Annonay. Dans la fin des années 1970, Jacques m’avait mobilisé, avec quelques autres complices, pour participer à un colloque international sur la culture technique et industrielle. Mentor hors pair, il avait l’art de vous faire découvrir combien il était utile de faire un pas de côté, en s’intéressant à des préoccupations en apparence loin de votre objectif princeps pour mieux éclairer, mettre en relief, votre propre objet de recherche. Montgolfières, manufactures, machines à vapeur, prospective… Jacques, comme l’illustre abbé Kircher, savait user de la magie et de l’illusion pour déployer sa démarche maïeutique.
71Urgence ! Curieux et soucieux de tout, Jacques avait une conscience aiguë des gouffres et des catastrophes où nous conduisent la civilisation industrielle et la mondialisation ingouvernable. Il s’était mobilisé personnellement et entraînait dans son sillage des chercheurs de différentes disciplines, mais aussi des professionnels appartenant à des métiers très divers, des institutions ou entreprises pour concevoir les outils permettant de déclencher des alertes et d’organiser les secours et évacuations. Il insistait surtout pour que les populations aussi bien que les décideurs soient impliqués dès l’origine pour leur laisser le temps de se les approprier.
72Lanterne magique. La lanterne magique était une de ses références princeps pour analyser et comprendre l’innovation, la communication, la transmission du savoir – mais aussi l’illusion et le spectacle. À Annonay, je revois Jacques, projetant des plaques de verres authentiques du Musée pédagogique national avec une lanterne à pétrole alignant sept mèches. Tout était éminemment hors des normes de sécurité, surtout dans une ancienne grange transformée en amphithéâtre. Les participants du colloque étaient médusés par ces projections d’époque sur un grand drap tendu pour recouvrir l’écran perlé trop moderne. Tranquille, Jacques officiait, costumé comme ses comparses en hussard noir de la République ; il nous introduisit au plus profond de l’histoire des mentalités de la fin du xixe siècle. Beaucoup moins tranquille, la brigade des sapeurs pompiers tout entière était sur le qui-vive avec dans la cour un camion-citerne. Le capitaine avait fini par renoncer d’interdire à Jacques de faire ce qu’il voulait.
73Territoire, travail distant, maisons du savoir, Peyrehorade ou plus précisément Hastingues était son ancrage premier. Il n’oubliait jamais de tester localement, au plus près du public. Je me souviens d’une fête qu’il y avait improvisée pour fêter l’anniversaire d’une amie du Cesta en marge d’un colloque Image à Biarritz en 1984. Rien n’avait été prévu d’avance, nous étions 30 ou 40, mais avec du confit d’oie et quelques pommes de terre, nous festoyâmes aussi joyeusement que les soldats anglais quand ils occupaient la province. Savoir qu’il va reposer là-bas, dans sa bastide de cœur où il aimait à se ressourcer, console un peu ses amis.
74Henri Hudrisier
75Laboratoire Paragraphe
L’amitié partagée…
76Jacques Perriault nous quitte et nous laisse dans une grande peine. Lui qui était si vivant, qui nous a tant inspirés et entraînés ! Comment est-ce possible ?
77Au-delà de la peine, nous retrouvons tant de bons souvenirs. L’amitié partagée. Les cheminements de recherche parcourus ensemble. Le départ fut une soutenance de thèse sur les jeunes et les médias au début des années 1980. Puis vinrent les séances de la Fondation Fyssen que Jacques inspirait. Nous nous souvenons de ses enthousiasmes devant ces technologies populaires qui rendent la communication facilitée mais que l’école peine tant à s’approprier. Il y eut sa première conférence publique à Neuchâtel sur le rôle de l’informatique scolaire, qui semblait de la pure science-fiction à l’auditoire curieux, mais désemparé. Son enthousiasme communicatif nous a entraînés dans un projet européen sur l’enseignement partagé entre universités via des plateformes de communication à distance (dans des jours où ce genre de technologie était futuriste et constamment en panne !). Il nous a fait rêver d’un petit outil que nous aurions tous dans nos poches et qu’il imaginait nous rendre capables de communiquer les uns avec les autres, de gérer la domotique à distance, et de sonner l’alerte en cas de risque sismique. Nous l’avons tous en mains maintenant, ce portable de ses contes de fées !
78Un jour, avec Jacques, nous sommes partis, au-delà de l’océan Atlantique, dans un mémorable congrès international sur l’enseignement à distance. Nous avons constaté que nos travaux sur l’usage n’intéressaient pas les organisateurs (ni la Banque mondiale omniprésente et apparemment sûre d’elle) ; par contre, toute une série d’acteurs improbables sont venus nous encourager : saltimbanques et gens du cirque à la recherche de moyens de connecter leurs enfants au monde de la formation pendant leurs longues tournées ; chef traditionnel d’éleveurs nomades du Niger désireux de contacts avec le vaste monde ; psychologues de l’Ontario qui cherchaient à établir des canaux de communication réguliers avec les petites populations dispersées de francophones de leur pays ou avec des habitants du Grand Nord, etc. Ces interlocuteurs, nouveaux pour nous, étaient comme des présages du monde en train de naître dans lequel la communication allait devenir une problématique centrale sur tous les plans. Jacques avait l’art de nous mettre dans des situations qui nous ouvraient les yeux ! Et ses récits, au retour de Tchernobyl ou au lendemain du tsunami en Thaïlande, nous appelaient, au-delà de l’effroi, à nous sentir responsables de contribuer sur tous les plans, avec créativité, à un monde meilleur auxquels tous et toutes participent.
79Ses travaux nous ont marqués et continueront à nous inspirer.
80Jacques, si vif, si intelligent, si cultivé, avec son sens de l’humour et de l’humain, restera, au fond de nos cœurs et de nos intelligences, un ami qui compte.
81À Annie, à ses enfants et petits-enfants, à tous ceux qui l’ont aimé, nous disons notre profonde sympathie et toutes nos condoléances.
82Anne-Nelly Perret-Clermont avec Jean-François Perret, Luc-Olivier Pochon et Pascale Marro
83Institut de psychologie et éducation de l’université de Neuchâtel
Un compagnon
84Jacques. Trois mots le caractérisent : curiosité, modestie, persévérance. Je l’ai connu dans les années 1970-1975. Il possédait déjà ces trois caractéristiques, qui parfois ne lui ont pas fait que des amis. Je l’ai aidé dès que je l’ai pu dans différents comités du CNRS, où sa culture, sa curiosité et, finalement, son non-conformisme étaient utiles. Dans un univers où dominent la spécialisation et, très souvent, l’idéologie, les esprits ouverts sont rares. Il en était un. Son travail était au carrefour de ce qu’on appelait hier les nouvelles technologies et aujourd’hui le numérique, avec les usages et l’éducation. L’intérêt pour les questions d’éducation permettait de prendre de la distance par rapport à toutes les idéologies techniques qui rôdent dans ce secteur – parce que Jacques était tout sauf un idéologue, ce qui est rare dans un domaine où fleurissent les propos définitifs sans beaucoup de distance historique et culturelle. En un mot, on élargissait avec lui les perspectives et il aimait rebondir sur les évènements de l’actualité. Il était un pilier d’Hermès – il a d’ailleurs dirigé plusieurs numéros importants d’Hermès, notamment « Racines oubliées des sciences de la communication » (Hermès, no 48, avec A.-M. Laulan) et « Interdisciplinarité : entre disciplines et indiscipline » (Hermès, no 67, avec J.-M. Besnier) – et, avant cela, de beaucoup d’autres instances scientifiques où il m’aidait : Institut des sciences de la communication du CNRS, programme Communication, laboratoire Communication et politique, programme Science, Technique, Société. Merci pour tout ce que nous avons fait ensemble.
85Dominique Wolton
86Revue Hermès
Notes
-
[1]
Stiglitz, J., La Grande Désillusion, Paris, Fayard, 2002.
-
[2]
C. Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.
-
[3]
« L’acquisition et la construction des connaissances par les jeux informatisés », Réseaux, no 67, 1994, p. 57-70.
-
[4]
Avec Michel Huillard, Océaniques, 135 mns, 1991, FR3.
-
[5]
France 3.
-
[6]
J. Perriault, La Logique de l’usage, Essai sur les machines à communiquer, Paris, Flammarion, 1989.
-
[7]
J. Perriault, « Technique, art et mouvement social dans la genèse des théories de la communication (1950-1975) », Hermès, no 48, 2007, p. 23-31.
-
[8]
J. Perriault, Élements pour un dialogue avec l’informaticien, Paris, Mouton, 1971.
-
[9]
M. Leiris, Conception et réalité chez Raymond Roussel, Paris, Pauvert, 1972.
-
[10]
M. Foucault, Raymond Roussel, Paris, Gallimard, 1963, p. 117-119.
-
[11]
M. Proust, « … Comme l’Enfant-Héros de la Fable, vous portez sans faiblir le poids d’un prodigieux outillage poétique. Vous avez, ce qui est rare aujourd’hui, le souffle, et vous écrivez, sans perdre haleine, cent vers comme un autre écrit dix lignes. » Lettre adressée, en 1897, à Raymond Roussel en réponse à l’envoi d’un exemplaire de La Doublure.
-
[12]
R. Roussel, Locus Solus, Paris, Pauvert, 1963.
-
[13]
Au sens de Schaeffer. « La notion de production expérimentale repose sur le fait que pour Schaeffer la communication est une hypothèse » (cf. note 6).
-
[14]
J.-M. Devos, 1974. Film tourné en 16 mm. 55 minutes.
-
[15]
B. Chapelain, 1974. Le montage a été fait par Madeleine Crétolle (RTS, Radio Télévision Scolaire), ancienne monteuse d’Abel Gance (Napoléon Bonaparte, 1935, J’accuse, 1938), puis de Willy Rozier. Grâce à elle, j’ai compris ce qu’était le cinéma.
-
[16]
L’Ofrateme, issu de l’IPN (1970-1976), devenu INRP (1976-2010), actuellement Institut français d’éducation (IFE).
- [17]
-
[18]
S. Boon, « La machinerie de l’écriture, La vue de Raymond Roussel », Revue Secousse [en ligne], no 23, 2018.
-
[19]
Roussel parle lui-même de « procédé très spécial ». Comment j’ai écrit certains de mes livres est paru après sa mort (Paris, Pauvert, 1963).
-
[20]
J. Perriault, « Un projet poétique et social oublié : la littérature illettrée », Hermès, no 70, 2014, p. 131-139.
-
[21]
Idem.
-
[22]
Je me souviens…, Paris, Hachette, 1978.
-
[23]
V. Liquète, Étude des pratiques documentaires et informationnelles du professeur de collège, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2002.
-
[24]
J. Perriault, La Logique de l’usage. Essai sur les machines à communiquer, Paris, L’Harmattan, coll. « Anthropologie, ethnologie, civilisation », 2008.