1La relation entre la communication humaine et la masse d’information à laquelle nous sommes tous soumis est une question importante. Pour l’instant, la situation que l’on observe n’est pas tant due à l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) que du fait d’un flot continu d’une information que l’on est tenu d’analyser le plus rapidement possible. Ce flux d’information nous arrive tout le temps, de partout, et il y a là comme la sensation d’une modification du temps et de l’espace : modification de l’espace, car avec toutes ces informations, c’est l’impression d’être partout à la fois qui prédomine ; modification du temps, parce que les choses nous arrivent de façon instantanée. Mon sentiment est qu’il y a là une difficulté accrue pour communiquer.
2Cette perception – qui demanderait bien sûr à être étayée par des études – va vers l’identification de deux pôles d’information : d’un côté des nouvelles qui prennent le devant de l’affiche en se répandant partout, et d’un autre côté des points de vue qui sortent de l’ordinaire et qui ont le plus grand mal à se faire une place dans ce contexte. Je suis stupéfait, en tant qu’homme politique, du nombre de fois qu’il faut répéter certaines choses simples avant qu’elles ne commencent à être relayées ; j’ai même l’impression que cela s’est aggravé avec la communication instantanée. Il y aurait comme une sorte de ségrégation entre des « informations virales » qui prennent comme de l’amadou, s’enflamment comme une traînée de poudre, et les autres informations, le « tout-venant », qui est comme écrasé, empêché de circuler. Tout le monde s’intéresse aux mêmes choses mais se refuse à la diversité des sources d’information.
3Il y a une perte de référence commune, de canaux de communication communs, garantis, dans lesquels tout le monde peut s’informer. La situation est devenue celle où chacun est avec son canal personnel, sa communauté. On parle beaucoup de « bulles », de la façon dont des petites communautés se créent et restent fermées sur elles-mêmes, seulement reliées entre elles par ces traînées d’informations qui s’enflamment, mais demeurant hermétiques les unes aux autres. Je ne sais pas dans quelle mesure des études sérieuses quantifient ces bulles, mais je peux témoigner que percer ces bulles est très difficile !
Violence des propos sur les réseaux numériques
4S’ajoute à cela de la violence verbale, que l’on retrouve banalisée sur certains médias et qui finit par produire un quotidien en total décrochage avec la réalité. Le monde virtuel, informatique, informationnel, est devenu un monde d’insultes et de formules péremptoires, alors que le monde réel reste tout de même beaucoup plus policé, courtois, respectueux. Le monde virtuel vire littéralement au chaos et à l’injure permanente. Pour prendre la mesure de ce phénomène, Mounir Mahjoubi proposait de façon amusante un comparatif entre ce que l’on dit dans un bus aux personnes autour de soi et ce que l’on est capable de tweeter, parfois en même temps. Si les deux flots de paroles en venaient à être permutés on entendrait à longueur de journée des « mais casse toi », « tête de con », « laisse-moi la place », « c’est pas possible », « non mais tu te fous de qui ? », etc. Twitter est un média très dur et en même temps c’est quelque chose à quoi on s’habitue. Quel que soit le tweet que l’on fait, il y a toujours un message d’injure quelque part en réponse.
5Toutes ces insultes sont inutiles, gratuites et souvent violentes. J’ai reçu un véritable choc le jour où j’ai découvert une photo de moi en train de grimacer avec pour légende : « consolez-vous si vous êtes laid, vous ne pourrez jamais être aussi laid que celui-là ! ». Quelqu’un, dont je n’ai jamais entendu parler, s’en prenait à mon physique, de façon publique, sans chercher à savoir le mal que cela pouvait générer. Alors que j’ai souvent été moqué pour mon style vestimentaire, ce genre d’insulte va bien au-delà. Les réflexions que certains tiennent au comptoir d’un café se retrouvent sur les réseaux publics et peuvent prendre des tournures ou avoir des conséquences qui dépassent souvent l’intention initiale de leur formulation. Mais il est inutile d’attendre des excuses de la part de leur auteur. Car dans cet univers d’insulte, la faute est toujours rejetée sur celui qui cherche à se protéger, pas sur celui qui attaque. Dans le même temps, dans la vraie vie, les personnes rencontrées spontanément tiennent des propos bien différents. Lorsqu’il s’agit d’aller sur le terrain, par exemple pour distribuer des tracts pour un parti politique, le pire que l’on puisse entendre, ce sont des gens qui refusent : « oh non non », « je ne suis pas de votre bord », ou bien « cela ne m’intéresse pas »… mais jamais une violence verbale telle que celle qui inonde les réseaux sociaux numériques. Il y a, sur ces réseaux, comme un plaisir à tenir des propos extrêmement violents. Je pense que ces réseaux subissent l’action d’un calcul sur la forme de ce qui est dit, pour satisfaire une quête jubilatoire d’être cité en retour. Avant de publier un tweet, les gens cherchent à faire en sorte d’être lus par le plus grand nombre et donc d’être repris par des relais de diffusion. L’insulte permet cela et apporte ainsi une forme de plaisir. Plus un propos est violent et plus il a de chance d’être « retweeté ». Au niveau de notre rapport cognitif avec l’information, sur le fait de prendre la parole, il y a certainement là des sujets d’étude intéressants !
6Avec les outils de communication actuels, il y a une forme de généralisation et de banalisation de la mise en œuvre de la violence verbale. Cela tient à la fois à un certain anonymat du locuteur et à une satisfaction à voir l’importance produite sur les autres. Bien sûr, ce recours à l’insulte pour être entendu n’est pas récent. Il y a de cela presque trente ans, lorsque j’étais élève à l’École normale supérieure (ENS), nous avions déjà des forums de discussions électroniques. Cela était encore assez rare à l’époque mais il y avait là un véritable outil pour tenir des débats à l’échelle de l’école. Invariablement, ces expressions finissaient en bataille rangée entre les uns et les autres, avec production d’insultes incroyables. Je me souviens de la réaction horrifiée d’une de mes amies à qui j’avais montré cela ; elle m’a dit « ne t’approche pas de cela, c’est une horreur » et a même ajouté « c’est satanique » ou quelque chose dans ce genre. Et je vois maintenant comment toutes ces expressions libres étaient un précurseur de ce qui allait arriver plus tard, à l’échelle mondiale. Il y avait là des profils d’authentiques geeks, timorés, qui parlaient tout bas en public et qui se déchaînaient sur les forums, utilisaient des pseudos délirants et racontaient n’importe quoi. Je me suis souvent demandé s’il s’agissait d’une sorte d’exutoire, comme une manifestation de quelque chose qui avait besoin de se faire, ou bien si au contraire c’était la forme d’expression qui facilitait le déversement et produisait une violence très impressionnante. Tout cela dit quelque chose sur notre relation à la communication virtuelle…
Communication d’un politique
7Sur les réseaux numériques, il y a aussi les constants procès en intention. Toute communication se ferait à dessein, et en même temps l’information qui nous arrive est comme un morcellement, comme une distraction permanente qui nous empêche de réfléchir sur le fond de la communication. Dans le monde politique, les informations mettent tout le monde sous pression. La communication fait partie du cœur de l’activité d’un politique, car il doit informer et faire vivre les idées. Untel fait une déclaration ? Aussitôt il faut produire un compte rendu ! Or il s’avère parfois plus judicieux de ne rien dire. Il m’est arrivé ainsi, à la suite d’une émission politique à la télévision, que de tweet en tweet un journaliste en arrive à me faire dire quelque chose que je n’avais pas dit : un point que je citais en exemple pour répondre à une question précise se trouvait être repris de média en média, déformé et décontextualisé. Grand affolement du côté de mon équipe : comment réagir ? Il n’est pas possible de contredire le journaliste, ou plutôt il ne faut pas le reprendre, sauf à vouloir lancer une polémique et réalimenter les procès en intention. Une réponse rapide s’impose, certes, pour éviter que la controverse enfle, mais il ne faut pas non plus donner du grain à moudre à la controverse… La solution serait-elle de rebondir sur le sujet, tout en gardant un trait d’humour ? Tout ceci occupa énormément au sein de mon équipe la réflexion collective et les communications pour les heures qui suivirent l’émission ! Personnellement, j’étais déjà reparti en concentration totale pour donner une conférence sur l’art et l’intelligence artificielle… On passe tous un jour ou l’autre par une expérience de ce genre, amplifiée par les conseils rapides, paniqués et parfois contradictoires de notre entourage. Alors on en vient à se dire qu’il faut pouvoir décrocher, à se lancer comme par défi l’exercice de ne plus regarder son téléphone pendant une heure. Cette prise de distance est finalement la seule manière de retrouver un tant soit peu une forme de sérénité.
8C’est tout de même grâce à ce même travail collectif que l’on peut être au fait de l’actualité et préparer les communiqués nécessaires à toute expression politique. Récemment, le prix Turing a été attribué à trois chercheurs ayant initié les algorithmes actuels de l’apprentissage profond et remis l’intelligence artificielle sur le devant de la scène mondiale. De par ce sujet et du fait que je connaisse personnellement ces chercheurs, il était inconcevable que je ne sois pas au courant de cette actualité à la minute même où elle se produisait. J’étais pourtant en réunion au moment de cette annonce et dans l’incapacité de pouvoir élaborer seul un communiqué. La nouvelle a été repérée par un collaborateur, membre de l’équipe de bénévoles qui m’accompagne dans la campagne pour les élections municipales de Paris : « Tu les connais Cédric ? J’imagine que oui, cela peut être l’occasion d’un clin d’œil… ». Alors s’engage une discussion sur ma boucle de communication. J’avance une piste : « On doit avoir une photo de Le Cun et de moi », et je sollicite des propositions. Chacun y met du sien : « Avant de tweeter, bien vérifier qu’il n’y a pas de polémique sur les personnes concernées, j’ai vu que Le Cun avait rejoint Facebook… ». Après quelques échanges d’idées, d’arguments, et quelques itérations pour agencer tout cela, ma proposition devient : « Bengio, Le Cun et Hinton, la Sainte Trinité de l’IA moderne, enfin reconnue par le plus prestigieux prix informatique, avec audace et ténacité ils ont ressuscité les réseaux de neurones, deux d’entre eux sont francophones, nés à Paris. Beau plaidoyer pour soutenir la recherche française en IA » ; mon idée est de faire la réponse du scientifique qui salue les scientifiques, tout en ayant en tête la candidature pour la mairie de Paris, et donc devoir citer le nom de la ville dans le tweet.
9Puis quelqu’un commente « Sainte Trinité c’est un peu fort, non ? plutôt trio incontournable ? »… Personnellement je trouvais l’expression appropriée pour résonner avec « résurrection » qui qualifie bien la position de l’intelligence artificielle aujourd’hui, aussi je suggère un nouveau texte avec un smiley. Cela déclenche un nouveau commentaire : « Attention, ce smiley-là prête à interprétation, il vaudrait mieux un sourire simple, plus neutre »… Puis une autre personne de la boucle donne son avis : « Je préfère éviter les références bibliques pour ma part. En politique c’est plutôt quand on est cynique que l’on fait des références bibliques ». Bref, il n’est plus possible d’exprimer une idée simple, immédiate. Le travail collectif de rédaction est à la fois frustrant et terriblement créatif : « héros national », « triptyque, comme trois composantes d’une même œuvre », « trio de choc », « trio iconique », « les trois mousquetaires », etc. Deux heures après l’annonce publique et grâce aux échanges entre collaborateurs (chacun étant aussi impliqué dans d’autres occupations), le tweet final est construit avec 277 caractères et trois photos d’illustration : « Bengio/Le Cun/Hinton : trio de choc de l’IA moderne enfin reconnu par le + prestigieux prix informatique ! Audace et ténacité, ils ont ressuscité les réseaux de neurones. Le Cun notre héros national et Bengio québécois né à Paris : beau plaidoyer pour soutenir la recherche en #IA ».
Normalisation et représentativité
10Une critique souvent portée contre l’IA est de venir lisser les disparités entre les personnes. Lors d’un récent débat, un expert en droit avançait l’idée que l’IA nous ramènerait vers le cas moyen, alors que la beauté du savoir-faire de l’avocat tenait précisément dans le cas particulier, dans la capacité à voir dans un dossier donné, ce qui va faire qu’il ne ressemble à aucun autre et que l’on va pouvoir plaider telle ou telle chose. Pourtant, l’IA qui est bien faite verse aussi dans le cas particulier. Avec une bonne richesse de données, les algorithmes basés sur l’IA arrivent à segmenter, à tenir compte de la situation, et vont précisément se distinguer ainsi de ce que l’on appelle juste un traitement statistique. En IA, chaque exemple ou observation ne vient pas produire une moyenne mais participe à la distinction, à la représentativité des situations rencontrées. Les experts dans le domaine de la publicité ne s’y trompent pas ; ils arrivent à proposer des messages qui se déclinent en plusieurs centaines de versions différentes, en fonction d’autant de profils. C’est même finalement le problème inverse qui est en train de se produire. Il y a encore quinze ans, on pouvait effectivement penser que le danger numéro un était la normalisation ; et puis aujourd’hui on a envie de dire que le danger numéro un, c’est la personnalisation extrême, le monde où chacun se verra adressé un message correspondant à la case exacte dans laquelle on l’aura mis.
11Ce n’est donc pas la normalisation ou le recours à la moyenne qui se profilent mais bien une ultra-personnalisation qui n’est pas non plus dénuée de problèmes. On en arrivera à laisser l’algorithme déterminer combien de segments, combien de cases sont nécessaires pour établir une distinction entre tous les cas. Le risque de manipulation des uns et des autres sera alors réel. En donnant les bonnes publicités aux bonnes personnes, on aboutit à une société dans laquelle le lien porté par la référence commune a tendance à disparaître. Il y a quelque temps, un journal faisait sa communication en se disant être un journal différent, « pour des lecteurs différents ». Cette vision se discute, car si chacun finit par ne recevoir que l’information qu’il souhaite avoir, celle qui correspond exclusivement à son fil d’actualités, alors il aura moins tendance à aller regarder ce qui se passe à côté. La connaissance commune sera moins large, appauvrie. Si chacun n’a pour seule référence culturelle que celle qui correspond exactement à sa catégorie d’âge, à sa partition sociale, il n’y a alors plus de communication entre les uns et les autres.
12De la même façon, si chacun de nous a une police d’assurance calculée précisément selon ses propres risques, en fonction de son histoire, de sa nationalité, de son identité, de son ADN, alors le risque n’est plus partagé collectivement. C’est un problème vis-à-vis de la solidarité et de la notion d’inclusion, du fait d’être ensemble face aux institutions, face aux règles. Il y a nécessité à trouver le bon équilibre là-dedans, avec des solutions qui viennent s’adapter et personnaliser. Car la mise à disposition d’outils flexibles, venant apporter les solutions dont on a besoin, est une vraie demande de tous. Mais il nous faut aussi accepter de garder la bonne dose d’uniformité qui fait que l’on continue à être solidaires indirectement face à certaines questions et égaux face à aux technologies, aux offres, aux messages, aux informations, aux cultures. C’est un vaste défi. L’intelligence artificielle mal faite, mal pensée, peut effectivement mener à ce que l’on oublie qui sont les uns et les autres, derrière une image commune. Mais l’IA poussée à son terme, bien développée, aboutira plutôt au problème inverse où l’on segmentera les gens trop finement et où l’on différenciera complètement les uns des autres. Non seulement chacun se verra identifié par rapport à l’image qu’il renvoie de lui par ses caractéristiques, par son comportement, mais surtout, il ne pourra plus sortir de cette image-là.
Fausses informations et vraie communication
13Pour terminer, je voudrais mettre en parallèle deux souvenirs, deux expériences vécues à propos de la réalité et des informations. La première date des années 1990 : j’étais alors étudiant à l’ENS et lors d’une soirée, d’autres étudiants des Arts Décoratifs étaient venus se joindre à nous. Il y avait une caricature de moi qui avait été dessinée sur je ne sais plus quel mur, et on avait échangé, et je me souviens de ces jeunes qui me disaient que l’on allait se diriger vers un monde où l’imitation de la réalité serait tellement conforme à la réalité que l’on n’arriverait plus à distinguer le vrai du faux. Ce sentiment était vraiment curieux à l’époque, nous avions du mal à imaginer cela. Pourtant, nous sommes désormais en plein dedans, il est possible de produire une vidéo faisant dire n’importe quoi à une personne politique ou bien la plaçant dans un lieu où elle n’a jamais été, avec des gens qu’elle n’a jamais rencontrés. En jouant sur les images, avec des outils dopés à l’intelligence artificielle, on peut produire une forme très réaliste de « vérité alternative », de telle façon qu’un œil novice n’y prendra pas garde. Il suffit de peu, car l’abondance des informations auxquelles nous sommes soumis fait que l’on ne se méfie plus par rapport aux sources. Cette confiance accrue dans ce que l’on voit est renforcée par le fait qu’il n’y a plus qu’un seul support de lecture à toutes les informations qui nous parviennent : l’ordinateur. Qu’il soit de poche ou de bureau, l’ordinateur reste un outil familier devant lequel nos barrières et prises de distance sont tombées. Même les montages grossiers fonctionnent. Par exemple, face aux faux comptes Twitter, il n’y a rien à faire. Ils sont composés avec la même forme qu’un compte Twitter habituel, le nom est juste un peu modifié, ou bien un petit signe vient dire quelque part qu’il s’agit d’une parodie. Leur force vient de certains propos complètement délirants qui y sont présentés au milieu de vraies déclarations d’une personne. Très vite, ce sont ces seuls contenus singuliers qui sont « retweetés » par d’autres comptes, sans aucun recul, sans contextualisation, seulement focalisés sur le scandale et le contre-scandale. C’est comme si les gens toujours à la recherche du même, de l’attendu, du convenu, fonçaient tête baissée sur les caricatures et les stéréotypes. La malheureuse cible du faux compte est alors mise au pilori en place publique et n’a personne sur qui se retourner, car les véritables auteurs de ces faux comptes se réfugient derrière la parodie et tous ceux qui ont rediffusé le contenu délirant font masse et avancent le fait que cela ouvre le débat…
14Le second souvenir que je souhaite évoquer est décrit dans mon livre Immersion [1] : c’est une information fausse qui est à l’origine de mon engagement en politique nationale. J’ai en effet appris par la presse que j’étais candidat aux législatives à un moment où je n’avais rien décidé de tel ! En matière de fake news, le problème vient de ce que les informations qui les composent restent vraisemblables, même si elles sont objectivement fausses. Elles s’approchent de la vérité, mais sous un angle ou un contexte différent, en insistant sur un point précis, etc. Dans ces cas, il devient très difficile de mettre une barrière entre le vrai et le faux. Quand on est un personnage politique et puisque le métier du politique porte aussi sur la communication, on est quotidiennement soumis à ce type d’informations, parfois présentées dans des médias au-dessus de tout soupçon, qui sans être tout à fait vraies sont factuellement fausses : telle réunion à laquelle on a assisté n’est pas décrite de la façon dont elle s’est passée, tel propos « off » ne retranscrit pas exactement ce qui a été dit, etc. Concernant ma candidature aux législatives, l’information s’est révélée vraie mais seulement a posteriori, comme une sorte de fait autorévélateur. J’avais décliné l’offre que l’on me proposait car j’avais beaucoup d’activités en cours que je ne voulais pas arrêter. Et puis la fake news est arrivée. Au début, je n’y ai pas prêté attention, puis elle est revenue plus tard, tellement tard, tellement proche des échéances du premier tour des élections présidentielles que je n’ai pas voulu démentir, de peur que cela fasse une mauvaise presse pour le candidat Macron que je soutenais. Et puis les messages de félicitations sont arrivés. De fil en aiguille, j’en suis venu à vraiment me présenter aux élections législatives, mais ce n’était pas du tout mon plan initial. Voyant cela, je me dis que ce serait un leurre que de vouloir démêler complètement le vrai du faux. Parfois certaines choses fausses peuvent se révéler utiles, mais globalement nous souhaiterions tous que les choses soient un peu plus exactes. Sans chercher la perfection en la matière, il va falloir nous habituer à vivre dans un monde bien plus mouvant, bien plus insaisissable qu’on ne l’aurait cru en termes de vérité et d’exactitude.
Note
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[1]
Cédric Villani, Immersion : De la science au Parlement, Paris, Flammarion, 2019. « Dimanche 9 avril 2017, une date étrange et clé dans ma vie. Ce soir-là, un article de presse annonce que je suis candidat à l’investiture En marche pour les législatives. Mais je suis le mieux placé pour savoir que c’est du vent. Une fake news ! » (p. 20).