1Toute affirmation sur l’existence d’un stéréotype (représentation figée) – entendu comme une représentation a priori des êtres et des choses – suppose comme son complément logique l’affirmation de l’existence d’une représentation vraie (non stéréotypée, elle) de l’être ou de la chose en question, représentation alternative, ou de l’absence de toute représentation vraie. Il n’y a guère de différence entre dire « c’est un stéréotype de ceci » et « c’est une fausse représentation de ceci », ce qui est ni plus ni moins la même chose que de dire « cette représentation est fausse » ou « c’est faux ». Dire d’une représentation d’un être qu’il s’agit d’un stéréotype suppose soit de connaître la bonne représentation, soit d’affirmer l’absence de toute représentation énonçable. Or, si les stéréotypes de l’homme blanc, de la femme noire, du jeune de banlieue, de l’adolescente, etc. existent comme représentations sans fondement, le sociologue est censé dire, par profession, les figurations, représentations, pratiques, etc. correctes issues de son enquête. Il oppose au stéréotype l’objectivité sociale. Logiquement, l’objectivité ne peut être un stéréotype puisqu’elle s’y oppose comme le vrai au faux. Ce faisant, que fait-il ?
2Imaginons un sociologue qui, au nom de l’objectivité sociologique, soutiendrait que l’essentialisation des identités immigrées est principalement le fait des hommes, blancs et âgés. Dans un même mouvement, il dénoncerait une essentialisation tout en effectuant lui-même une essentialisation. Il serait pris, au nom de l’objectivité sociologique, dans le même mouvement d’essentialisation liée au fait d’attacher une identité à des personnes en particulier. Ces personnes pourraient objecter à l’essentialisation sociologique, essentialisation fondée sur l’argument de « l’objectivité sociale ».
L’exemple du genre comme stéréotype du sexe
3Quand un sociologue écrit quelque chose comme « cette pratique sociale varie selon le sexe » ou « les hommes sont plus nombreux à faire ceci que les femmes », ou encore « il est ainsi toujours plus facile pour une fille de faire des activités considérées comme “masculines” que pour un garçon de pratiquer une activité dite “féminine” » (Détrez, 2014, p. 15), s’il était à chaque fois sommé d’expliciter ce que peut vouloir dire « sexe » dans « selon le sexe » ou « femmes » et « hommes », il serait, dans le contexte intellectuel contemporain, incapable de le faire. J’entends là qu’il ne pourrait, par méthode et par norme, énoncer quoi que ce soit de ce qui, relativement à une nature sexuelle, expliquerait telle tendance, propension ou différence. Il serait amené à dire que « sexe » veut dire en fait ceci : « la socialisation, la situation et la perception d’être une femme au temps t » et « la socialisation, la situation et la perception d’être un homme au temps t » [1]. La variable nommée « sexe », celle qui apparaît couramment dans le moindre tableau croisé statistique, ne peut (plus) être renvoyée à quoi que ce soit qui relèverait de ce que désigne le mot même, à savoir le sexe. À nous contemporains, ayant à fournir des arguments, il nous est devenu impossible de compléter les phrases comme : « un homme est ceci… » et « une femme est ceci… ». Qui s’y risque avec validité ? Plus guère de savants. Tout simplement parce qu’en termes de capacité, plus rien ne distingue les hommes et les femmes. Nos prédécesseurs ont pu penser le contraire ; ce n’est plus le cas pour nous. Aucun sociologue n’expliquera par exemple par les capacités le fait qu’il y ait plus d’hommes à l’école Polytechnique que de femmes ou qu’il y a moins d’infirmiers que d’infirmières.
4En fait, pour les sociologues, la variable « sexe » indique la construction historique et la position relative des hommes et des femmes dans une société ; les véritables variables explicatives qui sont pertinentes dans sexe ne sont pas liées au sexe mais à la socialisation (socialisation arbitraire de surcroît, sans quoi ce ne serait pas vraiment une socialisation mais une nature), à la perception (assignation, attente, représentation) et à la position sociale relative des hommes et des femmes (dans une société) qu’un sexe d’origine entraîne. Une telle posture suppose bien sûr d’adhérer au paradigme de l’antécédence du sexe sur le genre. Ce qui n’est pas le cas de tous les sociologues. Nous y reviendrons.
5Examinant le tableau suivant (tableau 1), pris comme exemple, aucun sociologue ne s’aventurera à dire que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à aller au théâtre plusieurs fois par an ou qu’elles y vont plus souvent avec des amies parce qu’elles sont des femmes. Dans le cas contraire, sommé d’expliquer pourquoi le fait d’être femme favoriserait la pratique du théâtre, le sociologue n’aurait rien à répondre du côté de l’être femme ; il serait amené à dire que c’est la socialisation des individus de sexe féminin ou leur position socio-historique (une part travaille, une part vit seule, etc.) qui explique ou permet de comprendre cette propension. Jamais le sexe ne serait cause de quoi que ce soit. Jamais il ne serait impliqué en tant que tel. De surcroît, s’ajouterait à cela la difficulté que poserait l’introduction, légitime, d’une diversité interne à la « socialisation féminine » elle-même, soit la dissolution de la variable « sexe » en une multitude. Dans le tableau 1, le sexe (la variable de sexe) en tant que sexe ne dit rien, sinon une pure différence.
Pratique du théâtre par les hommes et les femmes
Sur 100 personnes. Sexe : | Sont allés trois fois ou plus au théâtre au cours des 12 derniers mois | Y sont allés avec des amis |
---|---|---|
Hommes | 28 | 24 |
Femmes | 34 | 36 |
Pratique du théâtre par les hommes et les femmes
Champ : Enquête Pratiques culturelles des Français 2008.6Quand la sociologue Dominique Pasquier (2014) se demande « comment interpréter les différences de pratiques du théâtre entre hommes et femmes », les hommes y allant tendanciellement en couple et les femmes avec des amis, elle mentionne que les femmes ont une « plus grande appétence » pour la culture cultivée que les hommes. Pourquoi ? Parce qu’elles ont de « meilleures performances scolaires », dit l’auteure. Pourquoi ? Évidemment pas parce qu’elles sont femmes, sauf à retomber dans un naturalisme.
7Pour montrer que le sexe recouvre la position relative des hommes et des femmes dans une société donnée, le sociologue pourrait produire un second tableau comme celui-ci, ici proposé à titre d’exemple :
Taux d’emploi des hommes et des femmes en France en 2011
Sexe | Hommes | Femmes |
---|---|---|
Taux d’emploi | 74,3 | 59,4 |
Taux d’emploi des hommes et des femmes en France en 2011
Champ : France métropolitaine, population des ménages, personnes âgées de 20 à 64 ans ayant terminé leurs études.8Un tableau des taux d’emploi des hommes et des femmes lui permettrait de montrer que l’expression « de sexe femme » veut dire « des individus qui ont moins souvent une activité professionnelle que les hommes », sans jamais pouvoir autoriser à dire que cela relève du « sexe », d’un trait lié au sexe, sans rien d’autre. Il ajouterait que les femmes travaillent souvent à temps partiel, etc. Il raisonnerait de façon idoine pour les hommes. Ainsi, le terme « sexe » du tableau 2 ne veut pas non plus dire « la variable sexe ». C’est le sexe construit que montre le tableau (et le sexe construit diffère du sexe genré qui est un sexe expliqué par la socialisation et les représentations). On peut noter ici que la variable de « genre », si elle remplaçait « sexe », serait tronquée de sa moitié sociologique, la « position » relative des sexes. Si le « genre » est fait pour attraper la dimension socialisée du « sexe » (« on ne naît pas femme ou homme, on le devient ») et sa dimension performative (performer une identité sexuée), il n’est pas apte à désigner la dimension de « position » relative des « sexes » [2].
9Enfin, le sociologue pourrait montrer par une enquête de perception que les individus associent des qualités typiques en fonction du genre ou d’autres traits visibles qu’ils perçoivent des autres. Il pourra montrer que ces représentations sont des stéréotypes, associés à des représentations passées.
10Il semble bien que jamais aucun tableau ne pourra servir à fonder un trait qui relèverait du sexe, masculin et féminin, en dehors de variables comme celle de la capacité d’enfanter ou, peut-être, d’une ou de deux autres sur lesquelles il n’est même pas sûr que les intellectuels se mettent d’accord. Si du « sexe », il ne reste qu’un ou deux traits, cela semble faire très peu pour une variable, et rien du tout quand il s’agit de la croiser avec une pratique sociale quelconque (plutôt qu’avec une pratique d’enfantement par exemple). « Sexe féminin » et « sexe masculin » veulent dire en fait « dans une situation socio-historique » qui est celle que décrit toute une série d’autres variables.
11Quelles en sont les conséquences, si on veut bien les tirer sans trop d’évitement ? C’est que si « homme » et « femme » renvoient à « perçu, socialisé et positionné comme homme » et « perçue, socialisée et positionnée comme femme », ce sont à des individus diversement ou différemment socialisés et positionnés auxquels on a affaire et non à des « hommes en tant qu’hommes » et à des « femmes en tant que femmes » ; bref, « sexe » disparaît derrière ses variables sociologiques, historiques, etc. C’est bien pourquoi les sociologues ne peuvent jamais dire des choses comme : « c’est parce qu’ils sont hommes qu’ils font ceci et c’est parce qu’elles sont femmes qu’elles font cela », parce qu’aucun intellectuel ne sait ce que « hommes » et « femmes » signifient dans les cas en question. Si les réflexions qui précédent sont justes, on voit que la variable de sexe est inadéquate à son objet : le sexe – bref, elle est inutile en tant que telle.
12Pourtant, pour les sociologues, la variable de sexe demeure nécessaire parce qu’elle est conçue comme une variable de base, réelle.
Le sociologue tient au sexe et à l’objectivité sociale
13Une grande partie des sociologues tient sans doute à ce que sexe soit écrit sans guillemets, afin de désigner quelque chose qui serait le sexe de départ, à cet instant où l’on sait ou savait le sexe de quelqu’un, à l’échographie ou à la naissance. Or, cette idée – à savoir une antériorité du sexe sur le genre – est certainement ce que certains auteurs refusent. Christine Delphy veut, au contraire, faire l’hypothèse de l’antériorité du genre sur le sexe, et Judith Butler la soutient aussi.
La deuxième [hypothèse] est, alors, que le genre précède le sexe.
Rien ne nous autorise à penser que les genres devraient aussi s’en tenir au nombre de deux. […] Si l’on mettait en cause le caractère immuable du sexe, on verrait peut-être que ce que l’on appelle « sexe » est une construction culturelle au même titre que le genre ; en réalité, peut-être le sexe est-il toujours déjà du genre et, par conséquent, il n’y aurait plus vraiment de distinction entre les deux.
16Comme le dit encore Éric Fassin, « le sexe est donc une catégorie sociale » (Fassin et Margron, 2011, p. 34), ce que relaie le travail de l’historien Thomas Laqueur (2013) sur la construction historique du fait des « deux sexes ». Mais aussi notre collègue, Éric Macé :
On a vu que l’invention et la fin du transsexualisme témoignent de l’irréduction des conduites transgenres aux deux déterminismes supposés de l’articulation sexe/genre. D’un côté elles contreviennent au déterminisme biologique qui voudrait que ce soit le sexe qui soit la cause du genre : or cette supposée correspondance naturelle entre sexe et genre n’est pas ici réalisée.
18Si le sociologue devait exploiter les données socio-démographiques de l’université de Lorraine en 2018, qui demande aux agents vacataires leur « genre : Mr – Mme », il ne pourrait plus le faire, et a fortiori plus faire comme il le faisait. Un genre « monsieur » (déclaré) ne serait pas automatiquement l’équivalent de « sexe : masculin ». C’est la causalité liée à la socialisation et à la position des sexes qui disparaîtrait.
19On pourrait voir là une bonne occasion de substituer genre à sexe. Or, les sociologues se trouveraient dans une situation étrange : la grande majorité d’entre eux n’envisage pas de faire disparaître la variable de « sexe », au nom justement des socialisations et des positions relatives (des hiérarchies produites par ces socialisations) que cette variable indique, tout en la déconstruisant, ce qui la fait disparaître à nos yeux. Faut-il passer de « sexe » à « genre » dans les tableaux sociologiques (et les commentaires qui en sont tirés) ? Non, parce que le genre est pour les sociologues leur outil d’analyse et de déconstruction, pas un support d’appropriation et d’expression subjective.
20En l’état des questionnaires sociologiques, le plus légitime semble être de conserver le vocable « sexe » dans les tableaux sociodémographiques et de ne pas lui substituer celui de « genre », tant qu’on n’a pas introduit une question comme « quel est votre genre ? » posée à des enquêtés. Le plus légitime semble être de demander les deux – le sexe et le genre – comme semble le faire dans ses questionnaires administratifs l’Université catholique de Louvain en 2017 quand elle demande : « Genre (préfixe/sexe) ». Quant à introduire la question « quel sexe vous donnez-vous ? », elle constituerait une bascule pour les sociologues, qui se veulent « objectivistes » (imaginons le même cas pour les diplômes…). Elle ne serait pas équivalente à celle, traditionnelle dans les questionnaires sociologiques : « êtes-vous un homme/une femme ? »
21Or, la nouveauté vient de ce que le genre n’est plus seulement cette manifestation de la stéréotypie sociale, mais un des supports du tournant subjectiviste et identitaire qui affecte nos sociétés.
Le genre et le tournant subjectiviste et identitaire
22Il y a dorénavant deux usages sociologiques de la notion de genre : tantôt « identité » assignée par la socialisation (arbitraire, historique), tantôt « identité » revendiquée par les sujets. Les deux usages semblent tout à fait différents et incompatibles. L’un est un outil d’objectivation d’une construction sociale, l’autre est un support d’affirmation subjective.
23C’est pourquoi je ne suis guère d’accord avec ce qu’écrit mon ami et collègue Éric Macé (2011) dans son article sur la question du transsexualisme. J’y vois une tentative tout à fait désespérée et contradictoire de sauver le genre de son naufrage. Et même, j’y vois une théorie normative du genre qui, partant de bonnes intentions déconstructivistes, pose le « genre » comme existant, ce qui est un effet paradoxal de la volonté critique initiale. « Toutes les tentatives d’identification d’une cause organique des identifications trans ont échoué (ils sont tout à fait normalement mâles et femelles), écrit-il, rendant impossible à prouver qu’il existe un rapport de causalité avéré entre le processus biologique de sexuation et le processus subjectif d’identification de genre, que ces identifications soient cisgenres ou trans » (Macé, 2011, p. 511) Si le « genre » n’est pas « l’identité de sexe » parce qu’il ne dépend pas du sexe, alors le « genre » n’a tout simplement aucun sens, aucun sens à être supposé mis en place de x (quel x ?), à être désigné : quel est donc le genre « a », « b » ? Quel est donc le genre « homme » ? De même, si le genre ne renvoie à rien du sexe, alors quel sens peut bien avoir l’expression « norme de genre » ? La notion même « d’identification de genre » n’a pas non plus de sens puisqu’il n’y a pas de genre (ni un, ni deux, ni n genres), puisqu’on ne peut soutenir que l’expression « toutes les formes d’identification de genre » signifierait en fait « toutes les façons d’être femme » ou « toutes les façons d’être homme ». Puisque le sexe ne cause pas le genre.
24Résumons : le genre comme « stéréotype du sexe » suppose de conserver le sexe, d’adhérer à la perspective que le sexe précède le genre. Le genre correspond alors à « la socialisation, la situation et la perception d’être une femme ou un homme au temps t ». Dans cette analyse, il ne reste rien de spécifique au sexe, en dehors d’une différence absolue de départ. La perspective constructiviste, tout en conservant le sexe comme déclencheur, le fait disparaître comme cause.
25À l’inverse, si le sexe ne cause pas le genre, alors genre ne veut plus rien dire. En effet, si le sexe ne cause pas le genre, alors le genre entendu comme « l’identité de sexe » n’a simplement aucun sens. Pour qu’il y ait du genre, il faut nécessairement, logiquement, épistémologiquement, qu’il y ait du sexe. S’il n’y a pas de lien entre sexe et genre, il n’y a plus de genre, a fortiori « d’identification de genre » ou de « norme de genre ». Par conséquent, l’idée qu’il y aurait autant de « genres » que d’individus est-elle bien utile ? La conclusion semble être que genre doive être remplacé par identité.
26« Genre » n’est plus une notion nécessairement binaire, non plus nécessairement relationnelle (elle est cependant souvent mobilisée de façon binaire pour désigner genre « homme » et genre « femme »), mais plurielle et identitaire (c’est-à-dire subjective). En effet, le « genre » n’est plus tant un concept relationnel qu’un concept identitaire. L’acception relationnelle du « genre » par l’historienne Joan Scott (Scott et Varikas, 1988) a fait place à une définition récente qui refuse la bicatégorisation a priori du genre qu’implique, au contraire, de façon nécessaire une conception relationnelle ou structurale du « genre ». Christine Delphy (2001, p. 247) soutient, elle, « qu’avec l’arrivée du concept de genre […] la notion de hiérarchie est fermement ancrée dans ce concept ». Il semble que non. Le genre peut n’être qu’identitaire (revendiquer telle identité) ou assignatoire (recevoir telle identité), et il ne peut plus être relationnel parce qu’il serait alors un concept binaire (ou ternaire…).
27Du coup, le contexte intellectuel et l’épistémologie constructiviste des sciences sociales rendent brûlante la question suivante : est-il encore justifié et a-t-on même encore le droit moral de parler de variables objectives à opposer à des stéréotypes ? Face aux sujets, quel droit a le sociologue d’affirmer leur identité dite objective ? Les variables objectives n’auraient-elles pas cédé devant les variables subjectives, c’est-à-dire déclaratives et subjectives ? Quelles en seraient les conséquences ? Il semble que ces conséquences affectent aussi bien les sociologues – majoritaires, semble-t-il – qui croient au sexe, à l’antécédence du sexe sur le genre (ce qu’ils manifestent ordinairement lorsqu’ils soutiennent, par exemple, une idée de parité dans une institution quelconque), que les sociologues qui croient à l’antécédence du genre sur le sexe. Les premiers renoncent au sexe comme cause au profit du sexe comme déclencheur (de processus de socialisation et de perception), les seconds devraient, eux, renoncer à la notion même de genre au profit de l’identité. Pour les premiers, le sexe (les deux sexes, mais il pourrait y avoir un troisième sexe ou davantage) est maintenu comme déclencheur ; il leur est nécessaire, mais il n’est cause de rien en lui-même. Pour les seconds, le sexe s’évanouit, il disparaît, non pas face au genre (qui le suppose) mais face aux identités. Ces identités sont des identités affirmées, affichées, revendiquées où sexe et genre ne font plus qu’un, affichés ou non comme tels. C’est ce que le tournant « identitaire », plus justement caractérisé encore comme un tournant « subjectif », semble impliquer comme conséquences. La différence entre les deux postures réside alors dans le fait que la posture qui conserve le sexe comme déclencheur des socialisations et des perceptions est objectiviste tandis que la posture qui croit au genre, en réalité, selon nous, aux identités, est, elle, subjectiviste. Il semble que la seconde, qui tient compte de ce que dit le sujet, l’emporte sur le plan éthique.
Notes
-
[1]
Voici un exemple : « Ainsi, pour un chercheur qui travaille sur les questions de “genre”, la ressemblance pertinente entre les hommes et les femmes n’est généralement par une condition biologique donnée, mais plutôt leur insertion au sein d’une série d’institutions spécifiques et de dispositifs particuliers qui jouent, à toutes les étapes de la socialisation, un rôle de différenciation entre le masculin et le féminin. » Ou encore, qui témoigne d’une position d’antériorité du sexe sur le genre, et non l’inverse : « Un “homme” [on se demande pourquoi les guillemets] n’est pas seulement une personne qui se distingue par son appareil génital, mais qui a été façonnée par divers processus de “masculinisation” » (Bosa, 2015, p. 70 et p. 72).
-
[2]
Prenons l’exemple du taux d’emploi selon le sexe, mentionné ci-dessus : sexe ne renvoie pas à l’idée de « genre » comme « sexe socialement construit » mais à « relation (hiérarchique par exemple) entre les sexes ». Remplacer « sexe » par « genre » dans les tableaux croisés de la sociologie reviendrait à remplacer « sexe » par « sexe construit » ou par « identité sociale de sexe » et non par « position sociale relative des hommes et des femmes ».