1Lorsqu’un comédien interprète un rôle en insistant sur un sentiment ou en forçant le trait – lorsqu’il surjoue en quelque sorte –, on lui reproche ou le félicite pour une attitude, une mimique ou un geste stéréotypé. En grec, stereos signifie « solide », « dur » ; on le retrouve en français dans un « stère », soit un mètre cube de bois. Mais pourquoi le vocabulaire de la typographie s’en empare-t-il pour désigner par « stéréotype » un « cliché obtenu par reproduction » (Rey, 2005) ? Certainement parce que ce « stéréotype » utilise un support « solide », sachant que le grec tupos est une empreinte en creux ou en relief qui permet la reproduction, un « moule », du verbe tuptein, « frapper, appliquer ». C’est le premier « moulage » qui sert ainsi de « modèle ». Ainsi un « type » est un caractère que le typographe agence avec d’autres pour imprimer un texte. L’empreinte qui sert à l’impression se nomme « stéréotype ». Le terme passe dans le langage des sciences sociales avec Walter Lippmann qui considère, par exemple, qu’un électeur vote pour un candidat non pas à cause de son programme mais d’après la représentation qu’il a du monde et par conséquent de ce candidat stéréotypé. Dans son ouvrage Public Opinion (1922), il attribue au stéréotype une fonction simplificatrice de l’opinion que chacun se forge eu égard à des « modèles ». Au figuré, un « type » équivaut à un « symbole », à un « modèle », à un « parangon », à un « standard », voire même à un « idéal ». Le Dictionnaire culturel en langue française cite François Mauriac : « Ce qui dans notre esprit survit de Proust, ce sont des types : Charlus, les Verdurin, Swann, la grand-mère de Marcel. » Et aussi Antonin Artaud : « Les personnages vont jusqu’au bout de leurs impulsions, de leurs pensées. Ils atteignent par là à cette vérité générale qui est le but même du théâtre, tout en demeurant extrêmement typés et marqués par leur temps. » On le voit, le « type » est exemplaire et représente un « modèle » que tout spectateur reconnaît immédiatement et admet comme « stéréotype ». On n’est pas loin alors de l’« archétype », orthographié « architipe » au xiiie siècle et consacré par Rabelais au xvie siècle. Depuis, est « archétypal » tout ce qui correspond à un « modèle » et s’affirme comme « référence » en peinture, en architecture, en sociologie, etc. Le psychanalyste C.G. Jung en a fait le symbole universel caractéristique de l’inconscient collectif, une sorte d’invariant psycho-anthropologique. Ces archétypes de l’inconscient collectif s’entremêlent aux inconscients individuels au point de constituer un imaginaire collectif anthropologico-historique fait de couches superposées et poreuses, où le folklore, les mythes, les croyances, etc. s’interpénètrent, se parasitent, se créolisent, s’enrichissent. Dans Psyché et symbole, Jung (cité par McLuhan, 1973, p. 31) précise : « L’archétype est un élément de notre structure psychique et donc une constante indispensable et vitale de notre économie psychique. Il représente ou personnifie certaines données instinctives de l’obscure psyché primitive : réelles, invisibles, les racines de la conscience. »
Cliché et genre
2« Type », « stéréotype », « archétype », « prototype » interviennent dans le cinéma, au même titre que « cliché » et « genre ». À quoi correspondent ces deux derniers termes ? Dans un atelier de typographie, le « cliché » est une plaque sur laquelle l’image à reproduire est en relief, ce qui évite d’user l’original tout en permettant d’en tirer plusieurs exemplaires. Le clicheur cliche dans la clicherie le cliché lors du clichage. Le « cliché » au figuré s’apparente, dans la langue parlée, au « lieu commun », à ce qui nous vient de suite à l’esprit lorsqu’on évoque tel ou tel métier, telle ou telle émotion, telle ou telle expression… Au cinéma, le « cliché » prend l’aspect d’un personnage ou d’une situation « type », s’approchant alors de la « caricature ». Celle-ci est à l’origine une représentation graphique d’un individu ou d’un lieu par un artiste qui force le trait afin de les ridiculiser ou de les moquer. Le caricaturiste s’amuse à caricaturer un homme public en exagérant, c’est-à-dire en en accentuant telle ou telle caractéristique de son visage, comme le fait Daumier portraitisant Louis XVIII en poire ! Il devient difficile à tout « caricaturé » de se libérer de sa caricature. Elle lui colle à la peau. Le mot « genre » dérive du latin genus, generis, « naissance, race » et aussi « espèce ». On l’utilise pour parler du « genre humain » et de toute classification, comme en littérature : poésie, épopée, drame ou encore « romantique », « symbolique », « réaliste », « naturaliste »… Marshall McLuhan, dans Du cliché à l’archétype, observe que « les genres agissent comme les dialectes dans la formation de groupes humains ; tout genre est à la fois dialecte, masque, costume et toute autre fourniture de groupe. Dans un monde où les satellites de communication sont le plus récent et le plus global des environnements de service, et où les environnements de service s’empilent les uns sur les autres au point d’engendrer un milieu d’irresponsabilité générale, on ne peut nier l’importance de ce facteur de cohésion qu’est le genre » (McLuhan, 1973, p. 112).
3Le cinématographe, dès sa naissance en 1895, va fabriquer des « stéréotypes » et des « genres », d’autant plus nécessairement qu’il est muet et donc se doit de « parler » à tous. Inventer un langage cinématographique à visée universelle nécessite la mise en place d’un « alphabet visuel » (mimique, gestuelle, ralenti, gros plan, travellings, etc.) qui « traduise » des sentiments, des réactions, des sous-entendus compréhensibles d’une culture à une autre, indépendamment de leurs langues parlées. Parfois des « cartons » indiquent en un ou plusieurs mots l’enchaînement de l’action, et dès le premier film sonore (The Jazz Singer, 1927, Alan Crosland) et l’avènement du film parlant, le langage cinématographique se babélise, ce qui accorde aux « stéréotypes » le rôle d’intercesseur entre le réalisateur et les publics. Ils s’imposent à travers des « sujets » communs à tous les cinéastes. Longtemps, les innombrables « histoires » du cinématographe s’attachent à présenter les principaux « thèmes » spécifiques (le self-made-man, l’immigration, le conflit social, la famille, l’éducation, le conflit parents/enfants, le drame intérieur, la nature, etc.) à un cinéma « national » (américain, français, italien, indien, chinois, brésilien, mexicain, russe, etc.). Par la suite, la géohistoire du cinéma récuse l’approche nationale devenue insuffisante et met en cause les « frontières » des différents thèmes, les jugeant discutables et pas assez bien circonscrites, pour préférer les « genres » et les « stéréotypes », tout en admettant que ces deux modes de catégorisation possèdent aussi leurs limites et ne sont jamais vraiment stabilisés.
4Ainsi, le « film noir », dont la formule apparaît dans le n° 61 de L’Écran français en août 1946 sous la plume de Nino Franck, qui rend compte de quelques films policiers américains rompant avec le standard habituel. Peu auparavant, les éditions Gallimard inauguraient une collection intitulée « La Série noire » (le titre est de Jacques Prévert) dirigée par Marcel Duhamel. Le « noir » se porte bien dans la littérature (la revue américaine Black Mask entre les deux guerres publiait des nouvelles criminelles, dont celles de Dashiell Hammett) comme dans le cinéma, dont le label « film noir » génère assez rapidement des ouvrages, comme le Panorama du film noir américain (Borde et Chaumeton, 1955) ou plus récemment l’Encyclopédie du film noir d’Alan Silver et Elizabeth Ward (1987). Dans ce dernier, nous pouvons lire : « Le film noir n’est pas seulement ainsi dénommé parce qu’on y trouverait, matériellement, une majorité d’images sombres, ni parce qu’il refléterait le pessimisme populaire, mais aussi parce que l’on pourrait, en usant d’une métaphore empirique, le comparer à une sorte de tableau noir où l’Amérique aurait inscrit ses maux pour s’en soulager par ce geste cathartique. » En novembre 1946, dans La Revue du cinéma, Jean-Pierre Chartier adopte à son tour l’expression « film noir » en établissant un lien avec le « réalisme poétique » français de Renoir, Carné et Duvivier. Il mentionne trois films américains qui seraient typiquement des « films noirs » : Murder My Sweet (Le Crime vient à la fin, 1944) d’Edward Dmytryck, Double Indemnity (Assurance sur la mort, 1944) et The Lost Week-End (Le Poison, 1945), tous les deux réalisés par Billy Wilder. Parmi les plus typiques de ce genre, ajoutons : Laura (1944) d’Otto Preminger, Gilda (1947) de Charles Vidor, La Dame de Shanghai (1948) d’Orson Welles, Quand la ville dort (1950), de John Huston, Règlement de compte (1953) de Fritz Lang, sans oublier les films d’Alfred Hitchcock, Samuel Fuller, Howard Hawks, Raoul Walsh… Le « film noir » regroupe un large éventail de réalisations avec une intrigue policière alambiquée, principalement nocturne, un privé dépressif ou un flic fatigué, une « femme fatale », une ville chaotique, des néons qui clignotent, des voitures qui se coursent et s’évitent à grands coups de volant qui font crisser les pneus sur le macadam, du whisky qui coule à flots… Autant l’avouer, ce « genre » à dimensions variables accumule les « clichés » et les « stéréotypes ». Il dure une poignée d’années – environ du milieu des années 1940 au milieu des années 1950, selon les critiques.
5Dans Le Film noir. Vrais et faux cauchemars, Noël Simsolo (2005, p. 421) note : « La Chasse aux sorcières n’est pas la seule cause de la raréfaction du film noir sur les écrans américains à partir de la fin des années cinquante. La progression de la télévision dans les foyers y joue aussi son rôle. Les familles y voient défiler des séries conçues sur mesure. Le feuilleton policier s’y installe et se garde bien de démarquer les subversions du “cycle noir” par crainte de la censure, qu’elle soit celle de l’administration fédérale ou des sponsors publicitaires. » C’est donc un genre assez ouvert qui possède de nombreux stéréotypes, dont certains se retrouveront dans le « western », le « thriller », le « film dramatique », le « polar », etc., ce qui permet de brouiller les pistes de tout classement et aussi de relativiser la notion même de « genre ». « Il faut se garder, écrit Denis Lévy, de voir le genre comme une catégorie étanche, une classe fermée. Il faut plutôt y voir une polarité, autour d’un axe constitué par l’ensemble imaginaire (et ouvert) des situations, des types et des tonalités possibles dans le genre. Il n’y a donc pas de modèle du genre : aucun western, aucun film noir, aucune comédie musicale ne peut prétendre être l’archétype de son propre genre (et on sait que les tentatives totalisantes sont plutôt des films d’achèvement, sinon d’essoufflement). » (Lévy, 2014, p. 17) Malgré cela, le « film noir » a bien existé, du moins à Hollywood, et il possède quelques caractéristiques propres : la voix off (qui « cadre », si j’ose dire, l’intrigue et en rappelle au spectateur les grandes lignes), la désespérance du personnage principal, l’appât du gain (qui est souvent le mobile du crime), le contexte urbain, l’ambivalence des personnages féminins et une incontestable érotisation des relations entre les personnages, qui participe à l’atmosphère trouble du film (Ben Cheikh, 2014).
De nouveaux personnages
6Si les « genres » évoluent selon les modes, les trans formations sociales et les mutations économico-technologiques, ce qui explique en partie l’élasticité de leurs contours, les « stéréotypes » les suivent-ils ? Pour tenter de répondre à cette question, il faudrait établir un inventaire de ces stéréotypes et pointer les inflexions qu’ils subissent selon les adaptations successives du genre auquel ils appartiennent – autant dire : mission impossible ! Ce que le cinéphile peut repérer, ce sont les continuités d’une part (le flic solitaire qui défend le Bien) et les émergences (le « beur » et la « beurette » dans le cinéma français dont l’intrigue se situe en banlieue, l’« homo » plus internationalement, sauf bien évidemment dans les pays à la législation répressive et homophobe) et les changements (la figure du « patron » dans le cinéma français) d’autre part. Commençons par ce dernier. Son image accompagne la refonte de l’échiquier politique, du moins pour la période 1976-1997, celle où la gauche arrive au pouvoir (1981) et favorise une politique économique conciliante avec le libéralisme (gouvernement Fabius, puis Bérégovoy qui nomme ministre un « entrepreneur » hâbleur et populaire, Bernard Tapie). Sur 44 films français examinés par Vincent Chenille et Marc Gauchée (2001) sur cette période, le patron équivaut d’abord à un « salaud » – avec comme acteur emblématique du patron sûr de lui, arrogant et cynique, Michel Piccoli – et devient soucieux de la question sociale et de ses salariés par la suite, avec Daniel Auteuil comme représentant idéal-typique ! Ma petite entreprise (1999) de Pierre Jolivet avec Vincent Lindon et Le Goût des autres (2000) d’Agnès Jaoui avec Jean-Pierre Bacri montrent des patrons méritants et à mille lieues de la lutte des classes. Ainsi le stéréotype du « patron » varie-t-il selon ce que ce dernier représente à un moment donné dans une société donnée, certes avec un léger décalage, mais il nous dit beaucoup sur une époque. L’autre face de la médaille serait la figure de l’ouvrier et son stéréotype ; or, le cinéma français ne s’en préoccupe guère : moins de 200 films depuis la naissance des frères Lumière et la sortie de leur usine, et 134 depuis le parlant, soit alors 1,6 % des fictions (environ 8 000) ! (cf. Cadé, 2004 ; Paquot, 2005) Et encore, l’ouvrier n’est pas filmé à son poste de travail ou quelques secondes : on le voit au café, dans une réunion syndicale, à un piquet de grève. Ne serait-il pas photogénique ? Ou bien le public populaire ne souhaite pas se retrouver sur l’écran ? Lui qui connaît la situation ouvrière rêverait d’autres scènes, plus joyeuses que de revivre ce à quoi il est condamné ? Le « patron » ne bénéficie-t-il pas de son pendant ? Quant à la patronne, elle fait très modestement son entrée sur les écrans (héritière, veuve du patron, intrigante, etc.).
7Les « jeunes » sont mieux servis et les films qui les concernent témoignent de leur place dans la société, des « problèmes » qu’ils posent aux adultes (délinquance, « blousons noirs », bande, drogue, etc.), de leurs difficultés à exister, à aimer, à se positionner dans un univers d’adultes (Paquot, 2004 ; 2008 ; 2015 ; 2019). Si les films sont nombreux, et ceci dans tous les pays, les jeunes sur lesquels ils s’attardent sont stéréotypés : ce sont des jeunes vus, généralement, par des adultes. Rares sont les cinéastes qui se documentent, oublient leur propre enfance et filment au plus près le passage de l’enfance à l’adolescence et celui encore plus délicat encore d’adolescent à « jeune ». La trilogie de Bill Douglas (My Childhood, 1972 ; My Ain Folk, 1973 et My Way Home, 1978) semble exceptionnelle, quelques autres rares pépites s’en approchent, en vrac : L’Enfance nue (1968) de Maurice Pialat, Kes (1969) de Ken Loach, Alice dans les villes (1974) de Wim Wenders, Les Doigts dans la tête (1974) de Jacques Doillon, Salam Bombay (1988) de Mira Nair, De bruit et de fureur (1988) de Jean-Claude Brisseau, La Vie de Jésus (1997) de Bruno Dumont, Le Gamin au vélo (2001) des frères Dardenne ou encore Ken Park (2002) de Larry Clark et Edward Lachman. La majorité des films sur des « jeunes » (catégorie sociologique et générationnelle particulièrement floue) joue sur l’air du temps et la libération des mœurs. Aussi des filles deviennent des garçons et inversement, des gangs de gars ont une cheffe (Terrain vague, 1960, Marcel Carné), les filles mènent la danse (L’Esquive, 2004, Abdellatif Kechiche ; L’Enfant d’en-haut, 2012, Ursula Meier), des jeunes garçons se prostituent auprès de femmes d’âge mûr (Vers le sud, 2005, Laurent Cantet ; Paradis : Amour, 2013, Ulrich Seidl), d’autres s’engagent dans le terrorisme islamiste (La Désintégration, 2011, Philippe Faucon ; Les Chevaux de Dieu, 2013, Nabil Ayouch ; Ne m’abandonne pas, 2015, Xavier Durringer).
8Un personnage se fait progressivement familier sur les écrans, tant des fictions que des séries, c’est l’homosexuel-le (Roth-Bettoni, 2007). Dans son ouvrage très bien informé, Alain Brassart (2007) en trace rapidement l’historique, pour le cas hexagonal, qui épouse celui de la reconnaissance des gays par la société, c’est-à-dire, en premier, les « puissances » morales et politiques. Ce qui ne signifie pas pour autant l’acceptation de l’homosexualité par tous… Qui ignore les violences homophobes « ordinaires » dans les salles de classe, les stades, les bars, la rue, que la presse quotidienne rapporte ? Néanmoins, le cinéma ne dissimule plus l’homosexualité, vécue comme une honte ou pire encore une déviation (!), comme ce fut le cas durant des lustres, et attribue le rôle principal à un ou une homosexuel-le. Alain Brossard s’intéresse d’abord à des réalisateurs homosexuels – qui le taisent comme Marcel Carné, mais celui-ci intègre presque clandestinement dans ses réalisations un personnage homosexuel, ou qui l’affichent comme Jean Cocteau et son comédien favori Jean Marais, lui-même homosexuel, ou encore qui font comme si de rien n’était, tel Jacques Demy et ses comédies musicales. Là, nul stéréotype. Avec les années 1970, l’homosexualité n’est plus un sujet tabou mais débattu aussi bien à la radio, qu’à la télévision, dans les chansons (Comme ils disent de Charles Aznavour, 1973), le théâtre (La Cage aux folles de Jean Poiret, 1973, pièce adaptée au cinéma en 1979 avec Michel Serrault et Ugo Tognazzi), la presse (création du mensuel Gai Pied en 1979). Là, les « stéréotypes » ne se dissimulent pas, l’homosexuel est « efféminé », apprécie le travail ménager, les travestissements et finalement reste seul. Le cinéma peut rompre avec ce cliché, comme l’assume Claude Brasseur dans Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert, en 1976, où il n’hésite pas à se battre « virilement »… Le cinéma LGBT (Lesbien Gay Bi Transgenders) secoue la société nord-américaine avec Le Secret de Brokeback Mountain, d’Ang Lee, en 2006 et Harvey Milk de Gus Van Sant, en 2008, remarquablement interprété par Sean Penn. En France, Patrice Chéreau et André Téchiné, cinéastes homosexuels, s’efforcent de rompre avec le « stéréotype » de l’homo un rien « folle » pour s’attacher à des individus pleinement confrontés à leur sentiment ; en cela, ils ne banalisent pas le « gay » mais ne le ghettoïsent pas non plus : il est ce qu’il souhaite être. André Téchiné, avec Quand on a 17 ans (2016), démontre, avec délicatesse, comment l’amour entre garçons s’éveille, tout comme Catherine Corisini le fait pour deux femmes avec La Belle saison (2015). Il faudrait citer La Vie d’Adèle. Chapitres 1 & 2 (2012) d’Abdellatif Kechiche, L’Inconnu du lac (2013) d’Alain Guiraudie, 120 battements par minute (2017) de Robin Campillo ou encore Plaire, aimer et courir vite (2018) de Christophe Honoré pour confirmer que l’homosexuel-le au cinéma ne relève plus de la caricature, fréquemment désobligeante.
9Le cinématographe doit se garder de tout manichéisme nécessairement simplificateur et donc se préserver des « clichés » caricaturaux et des « stéréotypes » bruts de décoffrage pour, au mieux, rendre compte de situations, lieux, sentiments, intrigues qui à la fois, charment et enchantent les spectateurs, toujours acquis à ce qui sait les faire vibrer, les émouvoir, les rassembler. Le cinéma peut traiter de tous les thèmes à la condition de ne jamais tomber dans l’humiliation. Un film qui humilie, même quelques secondes, même un personnage secondaire, ne « passe » pas l’épreuve du public. Celui-ci n’est pas prêt à tout avaler ! Le public échappe à la stéréotypisation, qu’on se le dise…