CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La communication est la forme de base régissant les rapports de la société humaine [1]. Cette forme possède une signification spécifique dans le cadre de la communauté internationale des États. Le diplomate américain Monteagle Stearns considère ainsi que « la communication est l’essence de la diplomatie » (1999, p. 112). Faisant partie de la diplomatie classique et publique, elle est perçue comme un instrument du soft power d’un État. Ses formes de réalisation sont multiples et ne se limitent pas uniquement à la communication internationale, aux consultations bilatérales et multilatérales, aux négociations, aux conversations téléphoniques ou aux divers échanges d’informations. Le diplomate belge Raoul Delcorde souligne ainsi que la communication diplomatique englobe également toute une série de gestes, messages et signaux marquant une intention (2009).

2L’utilisation du drapeau arc-en-ciel – symbole mondial des mouvements de soutien aux droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (ci-après « LGBT ») – par les ambassades et organes représentatifs d’États accréditants sur le territoire de certains États accréditaires constitue un phénomène nouveau dans la pratique diplomatique contemporaine. Cette pratique possédant différents niveaux, l’objectif de la présente contribution se concentrera sur l’un d’entre eux : celui de la communication diplomatique qui, comme toute communication, constitue un processus. La question de savoir qui communique (et de quelle façon) lorsqu’un drapeau arc-en-ciel est affiché dans une mission diplomatique occasionne des réponses explicites. Il s’agit d’une communication d’un État accréditant par le biais de ses missions diplomatiques – cette communication étant non verbale et fondée sur des symboles et des messages. Notre intérêt se concentrera principalement sur ce que souhaitent communiquer les États accréditants arborant un drapeau arc-en-ciel, ainsi que sur le destinataire de cette communication et les raisons ayant motivé celle-ci. L’utilisation du drapeau arc-en-ciel – que ce soit dans le cadre de la diplomatie en général (du point de vue du protocole diplomatique ou du droit diplomatique) ou dans celui de la communication diplomatique en particulier – ayant été peu étudiée jusqu’à présent, notre analyse s’appuiera uniquement sur les informations disponibles relatives à des cas concrets d’affichage du drapeau arc-en-ciel par une ambassade donnée, ainsi que sur nos réflexions personnelles.

Signification des symboles dans la communication diplomatique

3Le concept de communication possède différentes acceptions et est utilisé dans des domaines allant de la sociologie à la psychologie, en passant par la linguistique et l’ingénierie des transports. Son principe repose sur un rapport mutuel, un contact, une relation ou une compréhension. En rédigeant cette contribution, nous comprenons la communication diplomatique en tant qu’échange (avec transmission et réception) d’informations, d’idées et d’opinions de certains États dans le cadre de la communauté internationale, par le biais de leurs organes diplomatiques. Les stratégies de communication constituent une partie intégrante des objectifs de la politique étrangère d’un État et devraient être le résultat d’une réflexion approfondie quant aux facteurs découlant de leur utilisation – eu égard à la réalisation du but défini. Le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères indique que le rôle de la mission diplomatique est de communiquer, en insistant expressément sur le fait que « la communication est une forme moderne de représentation » (MEAE, 2018). Les activités de communication des missions diplomatiques remplissent une double fonction : la première est d’expliquer les objectifs et les activités de l’État accréditant sur le territoire de l’État accréditaire et la seconde est de se manifester en se faisant connaître dans l’État d’accueil. Une fois ces proportions définies, la communication diplomatique devient indissociable de chaque fonction de la mission diplomatique. La communication – en plus de son caractère verbal ou non verbal – peut également recourir à l’utilisation de symboles. Nous définissons les symboles en tant qu’objets, marques et signes substituant quelque chose et renfermant une information. Cette définition englobe également la parole humaine et les écrits, ainsi que les panneaux de signalisation et marques déposées. Dans le contexte international, les symboles étatiques – en particulier le blason et le drapeau – sont considérés comme des symboles élémentaires de communication. Suivant l’exemple des monarques, puis des États, diverses institutions (entreprises multinationales privées et organisations internationales) ont également entrepris d’utiliser un drapeau. Certains d’entre eux, comme celui de la Croix rouge ou la bannière olympique, sont d’ailleurs bien plus connus du grand public que le drapeau de certains États. Le drapeau du mouvement LGBT a fait son entrée dans la conscience collective de certains pays depuis environ vingt ans. Cet emblème a été utilisé pour la première fois aux États-Unis en 1978 et sa forme actuelle, composée de six bandes horizontales de taille égale (de haut en bas : rouge, orange, jaune, vert, bleu et violet) date de 1979 (Simon, 2016).

Pratique des États : analyse

4L’utilisation de drapeaux par les États accréditants et accréditaires est une pratique courante dans le cadre des rapports diplomatiques. Le droit d’afficher le drapeau de son propre État dans les locaux de sa mission diplomatique et sur le véhicule du chef de mission fait partie des prérogatives diplomatiques reconnues. Aucun État accréditaire ne peut s’opposer à l’affichage du drapeau d’un État accréditant – notamment lors des fêtes nationales de ce dernier, de la visite du chef de l’État accréditant sur le sol de l’État accréditaire ou d’un deuil national. La question de l’utilisation du drapeau arc-en-ciel dans les bâtiments des missions diplomatiques diffère cependant radicalement. Il s’agit d’une pratique de certains États – pour le moment minoritaires à l’échelon international – sur le territoire de certains États accréditaires. D’après nos informations, cette pratique s’est massivement développée à partir de 2013. Divers titres de presse et sites internet permettent de retrouver la trace de ce type d’agissements de la part des ambassades britanniques dans les capitales chiliennes et japonaises, puis à Paris, Oslo et Tel Aviv [2], ainsi que de la part de consulats et ambassades américaines dans différents pays. Ce type de situation était sporadique il y a encore peu de temps et le premier affichage public du drapeau arc-en-ciel a probablement eu lieu le 31 mai 2008, sur la façade de l’ambassade britannique en Lettonie, lors de la Riga Pride. Les règles de droit international codifiées à l’époque mentionnaient alors exclusivement la possibilité d’arborer le drapeau national de l’État accréditant. S’il est possible dans la pratique d’assister à l’affichage d’autres drapeaux par des missions diplomatiques – en particulier celui de l’Union européenne par ses États membres – il n’existe cependant pas de réglementation internationale précise relative à l’utilisation des drapeaux nationaux lors des rapports diplomatiques. L’écrasante majorité des normes n’est pas d’ordre juridique mais liée à un protocole ou un cérémonial. Étant donné que le drapeau arc-en-ciel ne possède pas le statut de symbole étatique, il est impossible de réglementer son utilisation en suivant les normes appliquées aux drapeaux nationaux. En tant que symbole d’un État et de sa souveraineté, le drapeau national doit être utilisé d’une manière exprimant l’égalité entre tous les États, c’est-à-dire sans que l’affichage des drapeaux nationaux n’exprime la moindre discrimination (Mattoš, 2010). Les drapeaux nationaux doivent donc être suspendus à hauteur égale (et pas l’un en dessous de l’autre sur le même mât ou sur des mâts de hauteur différente) et posséder les mêmes dimensions. Ces règles ne sont pas suivies dans le cas du drapeau arc-en-ciel, car celui-ci est souvent de dimensions inférieures et placé sur le même mât en dessous du drapeau national.

Des objectifs et des destinataires pluriels

5Les aspects juridiques relatifs à la façon d’accrocher le drapeau arc-en-ciel dans des missions diplomatiques [3] ne sont néanmoins pas au centre de notre réflexion. Nous souhaitons savoir quels sont les objectifs des États accréditants affichant un drapeau arc-en-ciel et connaître les destinataires visés ainsi que les raisons ayant motivé ce choix de communication.

6La clé permettant de répondre à ces questions est à chercher dans les prémices de ce type d’activités. L’État précurseur en la matière est le Royaume-Uni. Les sources disponibles indiquent que l’eurodéputée écologiste britannique Caroline Lucas s’est adressée le 23 mai 2008 au ministre des Affaires étrangères d’alors, David Miliband, afin que le ministère britannique des Affaires étrangères (ci-après Foreign & Commonwealth Office, FCO) et les ambassades du Royaume-Uni soutiennent les marches des fiertés organisées en Europe centrale et orientale. L’un des actes demandés était l’affichage du drapeau arc-en-ciel par les ambassades britanniques des pays concernés le jour de chaque marche (Lucas, 2008). Bien que le FCO ait adopté un programme spécifique de soutien à la cause LGBT dès décembre 2007, l’affichage du drapeau arc-en-ciel par ses ambassades à l’étranger n’y était pas mentionné et ne le sera qu’en 2008 (en Lettonie, en Pologne et au Brésil). Selon les mots du porte-parole du FCO, cette question devait être tranchée individuellement par chaque ambassadeur des pays concernés (Grew, 2008). L’acte en lui-même a occasionné des protestations relativement vives de la part de la population, des autorités religieuses et même – dans le cas de la Pologne – du défenseur des droits de l’homme. Selon les informations du quotidien The Independent du 22 octobre 2011, la réaction du FCO a pris la forme d’un « e-télégramme » sans date, exprimant une interdiction d’afficher le drapeau arc-en-ciel dans toutes les missions diplomatiques britanniques en raison de « réactions insatisfaisantes » tout en mentionnant que « l’affichage de tout autre drapeau donnait lieu à trop de situations potentiellement compliquées et clivantes » (Brady, 2011). Nous n’avons pu trouver d’évidences d’utilisation du drapeau arc-en-ciel durant la période 2009-2012, que ce soit dans les ambassades britanniques ou dans celles d’autres pays. Les changements sont intervenus en 2013 et 2014, à la suite de l’ouverture de droits accordés aux couples de même sexe de plusieurs pays, sous forme de pacte civil ou de mariage. Les changements à la tête du FCO ont eu pour effet une importante modification concernant l’affichage du drapeau arc-en-ciel. Sous l’impulsion du nouveau ministre des Affaires étrangères, Philip Hammond, le FCO s’est penché durant l’été 2015 sur la question de l’interdiction du drapeau arc-en-ciel dans les ambassades britanniques (Wilkinson, 2015). Le ministère a alors publié une déclaration officielle, dans laquelle était mentionné, entre autres, « que le drapeau britannique est toujours prioritaire dans les bureaux de représentation à l’étranger même si le drapeau européen pourra être affiché dans certains cas. Aucun autre drapeau ne devra être affiché dans les locaux du FCO au Royaume-Uni ou à l’étranger » (Embassies : Flags, 2015). En 2016, le ministre suivant, Boris Johnson, a annulé cette décision et de nombreuses ambassades britanniques ont pu arborer le drapeau arc-en-ciel en 2016 et 2017, à l’occasion de la journée de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie ou au moment des marches des fiertés organisées dans leurs pays d’accueil. La question de l’utilisation du drapeau arc-en-ciel par les ambassades n’a cependant pas connu la même évolution dans d’autres pays accréditaires. L’écrasante majorité des États accréditants a choisi d’afficher le drapeau après s’être assuré au préalable du soutien incontestable aux droits des personnes LGBT dans leur propre pays, bien que la bannière arc-en-ciel soit le plus souvent affichée dans des pays ne présentant pas d’opposition radicale à l’égalité des droits entre personnes LGBT et majorité hétérosexuelle. Parmi ces États, on compte le Canada, l’Australie et les pays d’Europe occidentale, mais surtout les États-Unis qui, après avoir affiché le drapeau arc-en-ciel dans ses missions diplomatiques et bureaux consulaires d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Espagne, d’Italie et de Suède, a procédé de la même façon en Slovaquie, aux Philippines, à Cuba, au Vietnam, en République dominicaine, en Corée du Sud, en Turquie, en Jamaïque, en Macédoine, au Costa Rica, au Belize et en Israël. Parmi les cas les plus surprenants d’apparition du drapeau arc-en-ciel, citons également ceux des ambassades du Royaume-Uni et des Pays-Bas au Liban et du Canada en Tunisie.

7Il s’agit dans tous les cas de gestes extrêmement symboliques comprenant un message très fort et perçu de façon particulièrement sensible tant dans l’État accréditant que dans l’État accréditaire. La signification première de l’affichage du drapeau arc-en-ciel sur le bâtiment d’un bureau de représentation est de classer explicitement et incontestablement l’État accréditant parmi les défenseurs du mouvement LGBT et des partisans de l’élimination des discriminations touchant les personnes LGBT. Ce geste est visible par chacun et représente un message d’ouverture, de franchise, de sympathie, de fierté et, dans une certaine mesure, de courage. Ce message agit sans avoir besoin de déclarations formelles ou de discours officiels et permet aux États d’exprimer le fait qu’il ne faut pas se cacher, avoir honte ou feindre d’ignorer. La seconde dimension est, sans aucun doute, l’expression d’un soutien aux personnes LGBT et plus généralement à tout ce qui touche aux droits de cette communauté. Il s’agit pour l’État accréditaire et sa population d’un message indéniable exprimant le fait qu’il existe un État (ou plusieurs) ayant décidé de revoir sa position quant à la question et n’hésitant pas à promouvoir ses nouvelles idées, même en direction d’un environnement extérieur. Ce sens se retrouve également dans le fait que cet acte est généralement préalablement approuvé par l’État [4], autrement dit qu’il s’agit d’une manifestation de sa volonté à l’étranger, ce qui signifie que ce phénomène ne doit rien au hasard et s’inscrit dans la politique étrangère de l’État.

8Le second aspect lié à l’affichage du drapeau arc-en-ciel par des ambassades à l’étranger concerne les destinataires de cette forme de communication. S’agissant d’une communication officielle, le message est vraisemblablement destiné à l’État accréditaire et à ses institutions. Les États accréditants affirment explicitement par cet acte que les personnes LGBT ont, comme tous les autres êtres humains, le droit de jouir de toute l’étendue des droits humains sans la moindre discrimination. Des négociations diplomatiques informelles ont lieu dans de nombreux États accréditaires autour de ces questions sans que leur contenu ne soit rendu public. Dans ce contexte, la question du choix des pays dans lesquels un État accréditant va arborer le drapeau arc-en-ciel revêt donc une certaine importance. En l’absence d’un recensement exact des pays où ce drapeau a été affiché et d’une base de données des États ayant réalisé cet acte, il serait pour le moment prématuré de tirer la moindre conclusion. Les informations actuellement disponibles permettent d’affirmer que le drapeau est surtout utilisé dans des pays (européens ou non) concernés par une évolution des droits de la population LGBT (décriminalisation totale ou partielle, adoption de textes améliorant les droits des personnes LGBT ou encore création d’un pacte civil). Un autre facteur est le rôle prédominant de la religion, voire du degré de sécularisme de l’État accréditaire concerné. Parmi les pays dans lesquels prédomine une religion autre que le christianisme et où l’on a affiché le drapeau arc-en-ciel, nous pouvons citer l’Inde et la Turquie. D’un autre côté, l’absence de hâte des États accréditants à accélérer le développement de cette pratique dans le monde musulman est éloquente. Si la principale thèse du soutien des droits aux personnes LGBT s’apparente réellement au principe d’universalité des droits de l’homme, nous pouvons dans ce cas parler d’un décalage au moment de la sélection par les États accréditants des États accréditaires dans lesquels ils souhaitent afficher le drapeau arc-en-ciel. D’un point de vue pratique, il est plus important de s’intéresser aux seconds destinataires de cette communication : les acteurs non étatiques – notamment aux personnes LGBT et leurs soutiens – mais aussi aux opposants aux droits de cette communauté ainsi qu’à l’ensemble de la population de l’État accréditaire. Un affichage du drapeau arc-en-ciel associé à d’autres instruments de soutien aux droits des personnes LGBT (participation à une marche des fiertés, organisation de festivals, conférences, aide aux activistes et au secteur non gouvernemental dans ce domaine, etc.) peut être perçu comme un appel visant au respect des singularités et appelant à la tolérance, mais aussi comme une inspiration indirecte en vue d’une amélioration de la situation de la communauté LGBT au sein de l’État accréditaire ou, au minimum, comme une acceptation de ses minorités afin de leur permettre une bonne intégration. Il est évidemment impossible de négliger les effets d’un changement progressif de mentalité de l’opinion publique, voire d’une demande directe de modifications juridiques liées à ces questions. Le cas mentionné dans la note n° 3, présentant l’affichage du drapeau arc-en-ciel par la Slovaquie (État sans pacte civil pour les couples de même sexe) sur le territoire de la Hongrie (qui a déjà ouvert ce type de droit) nous amène à penser qu’il existe peut-être un destinataire supplémentaire visé par cet affichage. Il s’agirait en l’occurrence des habitants de l’État accréditant sur lesquels cette forme de communication permettrait de réaliser un sondage d’opinion masqué sur le sujet. La Slovaquie a souvent été critiquée – et le reste toujours plus ou moins – pour son absence d’ajustement juridique à la situation des personnes LGBT. La réaction de la population slovaque à une manifestation symbolique réalisée à l’étranger peut néanmoins constituer un signal pour les partis au pouvoir, dans le but de savoir si ceux-ci doivent ou non engager des changements quant à la situation critiquée. L’opinion publique ayant réagi plus négativement que positivement, le Premier ministre et le président du Parlement ont opposé une désapprobation catégorique (contrairement au président de la République et au ministre des Affaires étrangères) à l’initiative de l’ambassadeur slovaque à Budapest. Les raisons ayant poussé certains États accréditants à utiliser le drapeau arc-en-ciel dans leurs bureaux étrangers restent très difficiles à identifier. Quelque chose explique parfois le contenu et la signification du geste symbolique que représente cet acte, même si nous remarquons que cette réponse est loin d’être complète. Les gouvernements des États accréditants ne s’expriment pas directement sur la question et n’entrent pas dans les détails. Leur position se limite souvent à un soutien général aux droits des personnes LGBT visant à l’égalité de droits entre celles-ci et la majorité hétérosexuelle. Prendre en compte le fait que les États disposant de cette pratique font partie des pays les plus libéraux et démocratiques du monde – bien que la thématique LGBT se soit avérée douloureuse pour eux aussi environ quinze ans auparavant – aboutit à esquisser la question suivante : ces pays ne devraient-ils pas laisser aux autres États un plus grand espace afin que ces derniers développent par eux-mêmes cette problématique, et ce sans intervenir sur le cours naturel des choses ? Si nous percevions les activités des États accréditants comme l’expression de regrets à l’égard de leurs précédentes positions vis-à-vis de leur propre population, de la reconnaissance de leurs erreurs ou encore d’un effort visant à réparer leurs actes envers les représentants des minorités LGBT d’autres États, il s’agirait alors d’une progression compréhensible. Cela ne change néanmoins rien au fait que les deux principaux groupes destinataires de cet acte peuvent considérer celui-ci comme une intervention dans leurs affaires intérieures ou comme l’expression d’un colonialisme culturel ou idéologique.

9La diplomatie actuelle ne connaît pas de règles générales concernant l’affichage du drapeau arc-en-ciel par des missions diplomatiques. La bannière LGBT flotte néanmoins de plus en plus souvent depuis 2013 sur les façades d’ambassades et de consulats de plus en plus nombreux. Cela est principalement lié à l’amélioration de la situation des droits des personnes LGBT dans un grand nombre de pays ainsi qu’à une augmentation du degré de soutien à ces droits par certains États. L’étude de la pratique des États quant à cette question nous permet de supposer que le destinataire principal de l’affichage du drapeau arc-en-ciel est la population de l’État accréditaire, à laquelle l’État accréditant souhaite ouvertement et indiscutablement exprimer sa position et son soutien aux personnes LGBT ainsi que sa volonté d’éliminer les discriminations. Cela nous conduit à considérer que les États font connaître leurs positions respectives sur cette problématique à l’occasion de consultations bilatérales ou d’autres plateformes de collaboration et qu’il n’est donc pas nécessaire qu’ils fassent passer un message par le biais d’un symbole. La seconde explication provient du fait que les États accréditants affichent relativement souvent le drapeau arc-en-ciel dans des États accréditaires où la situation des personnes LGBT est considérablement moins enviable que dans leur propre territoire. Néanmoins, cette forme d’action ne constitue certainement pas une provocation les amenant à utiliser le drapeau arc-en-ciel dans le but d’exaspérer ou d’irriter les représentants de l’État accréditaire. Certains États sont en phase d’évolution quant à la question (Pologne, Slovaquie) tandis que dans d’autres (pays musulmans notamment), l’avancée des droits des personnes LGBT n’est, pour le moment, pas à l’ordre du jour.

Notes

  • [1]
    Cet article est publié dans le cadre du projet de recherche VEGA n° 1/0949/17, Le concept de soft power dans le contexte de l’environnement international en mutation et son potentiel pour les stratégies des petits États.
  • [2]
    Si cela n’a pas été autorisé à Rome, une partie des employés de l’ambassade britannique a néanmoins revêtu des t-shirts aux couleurs du drapeau arc-en-ciel avant de se prendre en photo pour soutenir la marche des fiertés organisée dans la capitale italienne.
  • [3]
    Certains cas d’interdictions d’affichage de ce drapeau sont connus (outre celui, momentané, des missions britanniques, ceux des ambassades et sections consulaires hongroises et slovaques datant de 2016 ainsi que l’interdiction d’arborer le drapeau arc-en-ciel au motif qu’un État peut uniquement afficher son propre drapeau national et aucun autre, comme dans le cas de l’ambassade de Suède à Moscou en 2013).
  • [4]
    On trouve également des exceptions ayant mené à l’affichage du drapeau arc-en-ciel sur la base d’une décision individuelle de l’ambassadeur, sans accord ou validation préalable de l’État accréditant, comme dans le cas de l’ambassadeur slovaque à Budapest en 2016.
Français

L’utilisation du drapeau arc-en-ciel – symbole mondial des mouvements de soutien aux droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres – par les ambassades et organes représentatifs d’États accréditants sur le territoire de certains États accréditaires constitue un phénomène nouveau dans la pratique diplomatique contemporaine. Notre étude se focalisera sur la communication diplomatique en s’intéressant aux objectifs des États accréditants affichant un drapeau arc-en-ciel ainsi qu’aux destinataires visés et aux raisons ayant motivé ce choix de communication.

Mots-clés

  • drapeau arc-en-ciel
  • communication diplomatique
  • soft power
  • symbole

Références bibliographiques

Peter Rosputinský
Peter Rosputinský est maître de conférences en droit à la faculté des sciences politiques et des relations internationales de l’université Matej Bel de Banská Bystrica (Slovaquie). Ses travaux portent sur le droit international, les organisations internationales et le droit diplomatique et consulaire. Ses dernières recherches portent sur la question de l’homosexualité dans les relations internationales.
Mária Rošteková
Mária Rošteková est maître de conférences en relations internationales à la faculté des sciences politiques et des relations internationales de l’université Matej Bel de Banská Bystrica (Slovaquie). Ses travaux sont focalisés sur les instruments du soft power, notamment le système éducatif et les médias, puis sur la politique européenne de voisinage et les relations de l’UE avec la région méditerranéenne.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/08/2018
https://doi.org/10.3917/herm.081.0054
Pour citer cet article
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