CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Il est difficile, faute de sources fiables couvrant tous les pays du monde et toutes les langues proposées comme langues étrangères, de mesurer la place des langues dans les systèmes scolaires. Mais il est en revanche plus facile d’avoir accès à des informations concernant l’enseignement des langues dans l’enseignement supérieur. La plupart des universités du monde ont en effet un site internet, dans la langue du pays mais aussi traduit partiellement vers une ou plusieurs des grandes langues internationales et présentant l’ensemble de leurs enseignements. Il est alors aisé d’en extraire des données exploitables. Nous avons donc examiné les sites internet d’un large échantillon des universités dans tous les pays du monde pour collecter l’information sur les langues enseignées aux premiers niveaux de l’enseignement supérieur, le niveau doctorat (ou « post-graduate ») étant exclu. Nous avons également pris en compte :

  • les organismes universitaires ou para-universitaires consacrés à l’enseignement de « langues rares », ou plutôt rarement enseignées. Il s’agit là de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) en France, de la School of Oriental and African Studies (Soas) au Royaume-Uni, du National African Languages Resource Center (NALRC) aux États-Unis, du Central Institute of Indian Languages (Ciil) en Inde, etc.
  • des « foreign/modern languages centers » qui permettent aux étudiants de quelque niveau que ce soit de se familiariser avec une langue sans que celle-ci fasse formellement partie de leur cursus universitaire.

Méthodologie

2Il existe environ 20 000 établissements universitaires dans le monde. Nous en avons sélectionné un échantillon représentatif en appliquant un certain nombre de règles que, sans entrer dans les détails, nous présentons rapidement ci-dessous.

3La première règle concerne le nombre d’universités choisies dans chaque pays. Pour les pays dans lesquels le nombre d’universités est inférieur à 100, nous sélectionnons au moins 10 % du nombre total. C’est-à-dire qu’au minimum une université sera sélectionnée sur un nombre total compris entre 1 et 10, qu’au minimum deux universités seront sélectionnées pour un nombre total compris entre 11 et 20, etc. Pour les pays dans lesquels le nombre d’universités est supérieur à 100, nous examinons au minimum 10 universités et ne fixons pas de limite supérieure.

4Pour le choix de ces universités, nous avons retenu les plus représentatives dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères, en exploitant les compilations disponibles :

  • les universités figurant dans le classement des meilleures universités pour l’enseignement des langues modernes [1] (deux cents universités y figurent, nombre qui ne nous paraît pas suffisant) ;
  • les universités figurant dans un classement des meilleures universités au monde classées par pays [2] ;
  • les universités figurant au classement des meilleures universités asiatiques dans le domaine « Arts and humanities [3] » Cent universités sont reprises dans ce classement ;
  • un site listant « toutes » les universités dans « tous » les pays du monde [4].

5Les sites internet d’établissements ou d’organismes consacrés à l’enseignement des langues sont également pris en compte. Les exemples les plus représentatifs sont l’Inalco [5], la Soas [6], le Ciil en Inde et le NALRC [7]. Il peut y en avoir d’autres.

6Les règles définies ci-dessus sont appliquées avec souplesse et nous examinons autant d’universités qu’il est nécessaire pour arriver à une conviction raisonnable que l’information recueillie dans le pays considéré est représentative de la réalité. Le fait que nous examinons les universités par ordre décroissant de qualité, si le site consulté propose un tel classement, aide à obtenir cette conviction. L’apparition répétitive des mêmes langues dans les diverses universités retenues dans un même pays est également un élément convaincant.

7Au final, nous arrivons à une situation dans laquelle les meilleures universités enseignant des langues vivantes dans un pays donné sont prises en compte et tout ajout d’une ou plusieurs autres universités dans ce pays créerait une redondance.

La place des langues à l’université

8Nous allons donc examiner la place des langues (et donc des langues romanes) dans les universités du monde entier, puis dans différentes zones afin de déterminer s’il y a des différences entre la situation mondiale et les situations « régionales ». Pour l’instant, à partir d’environ un millier d’universités, c’est-à-dire 5 % du total (ce qui nous donne une marge d’erreur inférieure ou égale à 3 % en valeur absolue sur l’ensemble du domaine), nous arrivons au classement présenté dans le tableau 1 pour les vingt premières langues dans les universités du monde entier.

Tableau 1

Situation mondiale

Tableau 1
Langues « étrangères »enseignées /% d’universités 1 Anglais : 97 % 2 Français : 74,9 % 3 Allemand : 62 % 4 Espagnol : 50,8 % 5 Italien : 40,8 % 6 Russe : 38,6 % 7 Chinois : 37,8 % 8 Japonais : 34,9 % 9 Arabe : 28,7 % 10 Portugais : 23,6 % 11 Coréen : 14,6 % 12 Turc : 12,4 %
Tableau 1
13 Polonais : 12,1 % 14 Farsi : 11,7 % 15 Hébreu : 9,7 % 16 Grec : 8,4 % 17 Hindi : 7,8 % 18 Suédois : 7,6 % 19 Tchèque : 7,5 % 20 Croate : 7,2 %

Situation mondiale

9Il s’agit toujours de langues enseignées comme « langues étrangères » – c’est-à-dire que nous ne comptabilisons pas par exemple l’enseignement de l’anglais dans les universités de pays anglophones, ou du français dans les universités de pays francophones. Le tableau se lit donc de la façon suivante : dans les pays non anglophones, l’anglais est enseigné dans 97 % des universités ; dans les pays non francophones, le français est enseigné dans 74,9 % des universités ; dans les pays non germanophones, l’allemand est enseigné dans 62 % des universités, etc. Et nous constatons que quatre langues romanes – le français, l’espagnol, l’italien et le portugais – figurent dans cette première liste. Remarquons également qu’à cet échelon mondial les langues européennes dominent largement (12 sur 20), suivies par les langues asiatiques (chinois, japonais, coréen, hindi) et qu’aucune langue africaine n’apparaît en tête de ce classement.

10Dans les universités des pays européens (tableau 2), cette concentration se confirme à la fois sur les langues romanes et sur les langues germaniques avec seulement cinq langues non européennes – chinois, arabe, japonais, turc et farsi, cette dernière témoignant peut-être d’une hypothèse à moyen terme sur les relations à venir entre l’Europe et l’Iran.

Tableau 2

Situation européenne

Tableau 2
1 Anglais : 97 % 11 Polonais : 27,3 % 2 Allemand : 92,6 % 12 Turc : 19,8 % 3 Français : 88,6 % 13 Suédois : 18,1 % 4 Espagnol : 75 % 14 Croate : 17,9 % 5 Italien : 69 % 15 Grec : 17,5 % 6 Russe : 61,1 % 16 Tchèque : 17,2 % 7 Chinois : 39,6 % 17 Serbe : 16,6 % 8 Arabe : 37 % 18 Norvégien : 14,6 % 9 Portugais : 36,6 % 19 Farsi : 13,6 % 10 Japonais : 35,6 % 20 Néerlandais : 12,9 %

Situation européenne

11Dans le monde musulman (tableau 3), l’anglais et le français restent en tête, immédiatement suivis par l’arabe, mais on voit que, l’anglais mis à part, le pourcentage d’universités dans lesquelles ces langues sont enseignées est plus faible que dans l’ensemble des universités d’Europe ou du monde. Ainsi, dans le monde entier, la cinquième langue (l’italien) est enseignée dans 40,8 % des universités, en Europe (l’italien) dans 69 % des universités et dans le monde musulman (l’espagnol) dans 27,5 % des universités. Et nous voyons la même situation dans le bas des tableaux. Dans le monde entier, la vingtième langue (le croate) est enseignée dans 7,2 % des universités, en Europe (le néerlandais) dans 12,9 % des universités et dans le monde musulman (le hindi) dans 2,5 % des universités. C’est-à-dire qu’on y enseigne moins de langues, et que celles des pays musulmans, mis à part l’arabe, sont loin d’être en tête (farsi à la 8e place, turc à la 11e, hébreu à la 12e, etc.).

Tableau 3

Monde musulman et Moyen Orient

Tableau 3
1 Anglais : 95,5 % 11 Turc : 10,6 % 2 Français : 66,4 % 12 Hébreu : 8,6 % 3 Arabe : 47,2 % 13 Coréen : 4,2 % 4 Allemand : 32,5 % 14 Grec : 3,3 % 5 Espagnol : 27,5 % 15 Roumain : 3,3 % 6 Italien : 25 % 16 Arménien : 3,3% 7 Russe : 20 % 17 Tamazight : 3,3 % 8 Farsi : 16,1 % 18 Portugais : 2,5 % 9 Chinois : 13,3 % 19 Polonais : 2,5 % 10 Japonais : 10,8 % 20 Hindi : 2,5 %

Monde musulman et Moyen Orient

12Et nous constatons que la moitié des langues enseignées est d’origine européenne, le quart d’origine asiatique et que la seule langue africaine, le tamazight, est parlée dans des pays (Algérie, Maroc, etc.) dans lesquels elle est « endogène » et qui ont été colonisés par des locuteurs de l’arabe.

Des situations régionales contrastées

13Élargissons maintenant notre champ de vision. Dans les autres parties du monde (tableau 4), nous voyons que les situations régionales pèsent nettement sur les langues enseignées dans deux continents : neuf langues africaines dans les vingt premières en Afrique, onze langues asiatiques dans les vingt premières en Asie. En revanche, en Amérique latine, on ne trouve qu’une langue amérindienne (le quechua) et une présence plus forte de langues de migrants (italien, catalan, japonais, basque). Notons l’absence du guarani, pourtant langue co-officielle au Paraguay. Et en Amérique du Nord, la partie du monde dans laquelle l’anglais domine très largement comme langue première, on trouve des langues européennes (français, espagnol, allemand, russe, italien, portugais, etc.) et asiatiques (chinois, japonais) dans le groupe de tête, suivies par une grande dispersion de langues venues de toutes les parties du monde (coréen, hébreu, farsi, turc, swahili, etc.).

Tableau 4

Autres situations

Tableau 4
Afrique Amérique du Nord Amérique latine et Antilles Asie 1 Anglais : 97 % Français : 91,8 % Anglais : 99,2 % Anglais : 98,5 % 2 Français : 74,3 % Espagnol : 90,9 % Espagnol : 91,7 % Français : 62 % 3 Allemand : 35,5 % Allemand : 89,4 % Français : 74,5 % Allemand : 54,7 % 4 Arabe : 22,9 % Chinois : 84,8 % Allemand : 47,5 % Japonais : 51,9 % 5 Espagnol : 21,9 % Russe : 84,8 % Italien : 44,7 % Chinois : 48,9 % 6 Chinois : 15,6 % Japonais : 83,3 % Portugais : 39,8% Russe : 37,4 % 7 Zoulou : 11,5 % Italien : 81,8 % Chinois : 27,7% Espagnol : 27,4% 8 Swahili : 11,2% Portugais : 68,2% Japonais : 27 % Coréen : 24,5 % 9 Portugais : 10,9% Arabe : 65,2 % Russe : 14,2 % Arabe : 20,3 % 10 Italien : 10,4 % Coréen : 56,1% Arabe : 7,1 % Italien : 12,3 %
Tableau 4
11 Russe : 10,4% Hébreu : 43,9% Hébreu : 4,3% Thaï : 9,7% 12 Néerlandais : 7,3 % Polonais : 42,4 % Grec : 4,3% Farsi : 8,9% 13 Xhosa : 6,3 % Farsi : 40,9 % Coréen : 2,8 % Ourdou : 6,7 % 14 Haoussa : 5,2 % Hindi : 37,9 % Catalan : 2,8 % Hindi : 6,1% 15 Igbo : 5,2 % Turc : 30,3% Turc : 1,4 % Portugais : 5,6 % 16 Shona : 5,2 % Tchèque : 27,3% Quechua : 1,4 % Tamoul : 5,6% 17 Sepedi : 5,2 % Swahili : 24,2 % Basque : 1,4 % Bengali : 5,3% 18 Japonais : 4,2 % Ourdou : 24,2 % Farsi : 0,7 % Turc : 5 % 19 Yoruba : 4,2 % Croate : 24,2 % Hindi : 0,7 % Telougou : 5 % 20 Tswana : 4,2 % Serbe : 24,2 % Croate : 0,7 % Marathi : 4,5 %

Autres situations

14Dans tous les cas, nous pouvons observer qu’en dépit de ces déclinaisons régionales, les langues européennes viennent en tête des langues enseignées dans les universités et que, parmi elles, les langues romanes – en particulier l’espagnol et le français – tiennent le haut du pavé.

15Nous pourrions penser que le portugais serait placé avant l’italien (plus de locuteurs, langue officielle dans plus de pays), mais le graphique ci-dessous nous montre que l’italien est presque partout plus enseigné que lui, ce qui est en cohérence avec la place de ces deux langues dans le baromètre des langues monde, dans lequel elles se rangent respectivement aux 8e et 9e places.

figure im7

16Français et espagnol coexistent en Afrique avec le zoulou ou le swahili, en Amérique du Nord avec le chinois ou le japonais, en Amérique latine avec l’allemand ou l’italien, en Asie avec le japonais et le chinois ; elles apparaissent donc comme des langues de statut mondial. Si l’anglais est, sans conteste, la première langue enseignée, l’espagnol, le français, l’allemand, l’italien et le portugais ne sont jamais très loin, à peine concurrencées par le chinois, le russe ou le japonais.

Le marché des langues

17Une enquête récente menée par un site d’apprentissage de langues (Duolingo [8]) auprès de 120 millions d’utilisateurs répartis sur 194 pays montre une très bonne cohérence avec les résultats de notre travail.

18Les langues les plus étudiées sur ce site sont par ordre décroissant l’anglais, le français, l’espagnol et l’allemand, et la répartition des apprenants par pays et par continents correspond également à nos résultats. Il ne s’agit pas, bien sûr, du même public, mais l’anglais se trouve en tête dans 116 pays, le français dans 35, l’espagnol dans 32, l’allemand dans 9. Comme seconde langue, ou second choix, le français est en tête, suivi de l’espagnol, de l’anglais, du portugais, de l’italien, du suédois, du norvégien et du néerlandais.

19Ici encore, donc, quatre langues romanes se placent dans le peloton de tête. On peut voir dans cette situation une trace de l’histoire, en particulier de l’ère coloniale, ce qui est par exemple le cas pour le français et le portugais en Afrique. Mais il y a plus. De la même façon que les flux de traductions témoignent de l’influence de certaines cultures, la présence des langues dans l’enseignement supérieur résulte d’un marché, en deux sens différents du terme. Au sens boursier tout d’abord, les différentes langues du monde ayant des valeurs extrêmement diversifiées, étant « cotées » comme des actions (voir dans ce numéro l’article d’A. Calvet, « Le poids des langues romanes »). De ce point de vue, la connaissance de certaines langues rares (et peu « cotées ») peut constituer, dans un curriculum vitae, un atout, et la non-connaissance de l’anglais (langue la plus « cotée ») sera de plus en plus une moins-value. Mais la métaphore du marché est aussi efficace au sens plus trivial et quotidien qu’a ce mot : sur le « marché aux langues », comme sur un marché alimentaire, on doit pouvoir faire son choix et acquérir celles que l’on veut, même si, nous l’avons vu, ce choix se porte le plus souvent sur les mêmes quelques langues. Car la liberté théorique de choix sur le marché en quelque sorte commercial des langues est fortement oblitérée par le marché boursier.

20L’éventail de langues proposées dans l’enseignement supérieur doit en effet être analysé en termes de politique linguistique. Le fait de proposer telles ou telles langues dans les universités représente un choix politique, guidé en partie par la situation linguistique du monde à l’heure de la mondialisation (l’anglais, le français, l’allemand ou l’espagnol apparaissent comme des langues incontournables), en partie par l’environnement immédiat (langues africaines en Afrique, chinois ou japonais en Asie, langues de migrants en Amérique latine), et en partie par des choix spécifiques à l’établissement (comme à l’Inalco ou à la Soas). Ces deux institutions reflètent d’ailleurs en partie l’histoire coloniale : on enseigne surtout à Londres les langues de l’Afrique « anglophone » et à Paris celles de l’Afrique « francophone ». S’il y a un marché, il est donc en partie truqué. La situation que montre notre étude relève du choix forcé : on ne choisit pas réellement les langues que l’on étudie, puisqu’on les choisit, au moins au premier cycle universitaire, dans une liste limitée et prévisible. C’est-à-dire que la tendance dominante des politiques linguistiques s’apparente au libéralisme économique. Le libéralisme – ici comme en économie – consiste à laisser faire la loi du marché, à considérer que la concurrence satisfera les locuteurs au coût le plus bas : il serait donc économique d’apprendre l’anglais puisque tout le monde l’apprend et qu’ainsi tout le monde pourra se comprendre Ce système mène bien sûr à l’écrasement des langues les plus faibles, mais la loi du marché ne s’embarrasse pas de ces considérations.

21Cette politique linguistique peut d’ailleurs, sans contradiction, favoriser en même temps quelques « petites » langues, comme des langues régionales. De la même façon que l’État joue sur le marché économique un rôle régulateur, relance la consommation en utilisant la création monétaire ou l’intervention sur les taux d’intérêt, et favorise au bout du compte les forts tout en donnant un coup de pouce aux faibles, il joue sur le marché aux langues en protégeant parfois les plus faibles (on peut étudier dans certaines universités françaises le catalan, les langues d’oc, le breton, le corse ou le basque) sans mettre en question la domination des plus fortes. Il intervient sur l’offre (les langues proposées dans le système universitaire) mais pas sur la demande (la langue que les parents d’élèves désirent voir enseignée à leurs enfants ou que les étudiants pensent devoir apprendre). Or il n’y a de véritable concurrence que lorsqu’il y a pluralité du côté de l’offre comme du côté de la demande, et la situation à laquelle nous sommes confrontés relève plutôt du monopole d’une poignée de langues.

Un avenir sans garantie

22Les locuteurs, les militants ou les amoureux des langues romanes peuvent donc se féliciter de la place que ces langues tiennent aujourd’hui dans les cursus universitaires, mais il faut en même temps souligner que cette situation favorable peut cependant être précaire.

23Il y a, en dehors du cycle secondaire ou après lui, deux principaux lieux d’enseignement des langues. L’un est constitué par des organismes parallèles, initiés et financés par les pays d’origine des langues, comme le British Council pour l’anglais, le Goethe-Institut pour l’allemand, l’Institut Confucius pour le chinois et, pour ce qui concerne les langues romanes, l’Institut Ramon Llull pour le catalan, l’Instituto Cervantes pour l’espagnol, l’Alliance française pour le français, la Società Dante Alighieri pour l’italien, l’Instituto Camões pour le portugais ou l’Institutul Limbii Române pour le roumain. L’autre est constitué par les universités, qui sont à la fois des conservatoires des connaissances, des organismes de recherche, des lieux d’acquisition de culture et des institutions préparant les étudiants à trouver leur place dans le contexte professionnel. Pour ce qui concerne les langues, les universités peuvent donc enseigner des langues anciennes ou « rares », mener des recherches linguistiques sur toutes les langues du monde, proposer des langues associées à l’histoire de la littérature ou de l’art et enfin enseigner celles qui sont considérées comme professionnellement indispensables dans le monde contemporain ou à venir. Les données présentées ci-dessus nous montrent que c’est ce quatrième volet qui semble privilégié, produit à la fois de l’histoire – en particulier de l’héritage colonial – et de la situation économique et politique contemporaine. Et, sur ces deux points, les choses sont fragiles et peuvent changer à moyen terme. D’une part parce que si la place de l’espagnol et du portugais en Amérique latine est assurée, celle du français et du portugais en Afrique pourrait très bien être modifiée par des choix de politique linguistiques différents : un pays africain peut très bien décider de changer de langue officielle, de remplacer le français ou le portugais par une ou plusieurs langues locales, etc. Et d’autre part parce qu’il est difficile de prévoir les retombées linguistiques des évolutions politiques et économique du monde.

24En conclusion nous pouvons dire que les quatre principales langues romanes sont très présentes dans les universités du monde entier, mais qu’il n’y a pas la moindre garantie de pérennité pour cette situation.

Notes

Français

À partir de l’analyse des langues enseignées dans un millier d’universités à travers le monde, soit 5 % du total, on constate qu’à l’échelle mondiale comme à celle des différentes régions la composant, l’anglais est toujours en tête des langues enseignées, suivi de près par le français et l’espagnol, et que quatre langues romanes (espagnol, français, italien, portugais) sont très présentes dans le groupe de tête.

Mots-clés

  • enseignement des langues étrangères
  • universités
  • langues et mondialisation
Louis-Jean Calvet
Louis-Jean Calvet est l’auteur de nombreux livres consacrés à la linguistique, la sociolinguistique et les politiques linguistiques. Il est en outre le créateur, avec son frère Alain Calvet, du baromètre des langues du monde et du baromètre des langues africaines.
Université Aix-Marseille
Alain Calvet
Alain Calvet est ingénieur chimiste et docteur ès sciences physiques. Après quelques années comme enseignant aux universités de Nancy I et Paris VI, il a fait l’essentiel de sa carrière dans la recherche pharmaceutique en France et aux États-Unis. Il est l’auteur de nombreuses publications et brevets dans les domaines de la chimie organique, de la recherche thérapeutique et de l’analyse et la modélisation des données massives. Depuis sa retraite, il collabore avec son frère L.-J. Calvet, particulièrement sur le projet « Baromètre des langues du monde ».
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 23/09/2016
https://doi.org/10.3917/herm.075.0052
Pour citer cet article
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