1La notion de géopolitique des langues a été lancée par les géographes et géopoliticiens Yves Lacoste et Béatrice Giblin, en particulier dans un numéro de la revue Hérodote consacré essentiellement aux langues régionales et minoritaires et à leurs relations avec les langues nationales (Hérodote, 2002). La même revue reviendra sur ce thème de façon plus large, à propos de la géopolitique de l’anglais en 2004 puis du français en 2007. C’est pourquoi il n’est pas inutile, en ouverture de cet article, de rappeler les positions d’Yves Lacoste, pour qui « la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre », et qui a toujours insisté sur l’importance politique et stratégique de cette géographie, considérée comme instrument de pouvoir.
2En ouverture du numéro d’Hérodote sur « Langues et territoires » (2002), Béatrice Giblin écrivait :
Si les sociolinguistes débattent des caractéristiques et évolutions lexicales et grammaticales de ces langues, ils s’intéressent aussi aux conditions de leur disparition ou de leur maintien, comme le font des historiens ou des anthropologues, les politologues et les juristes s’intéressant davantage à leur statut juridique. Mais si la langue est bien au centre de leurs préoccupations, le territoire où elle est censée être parlée est le plus souvent ignoré (sauf dans le cas de la Corse). Or, pour nous, cet aspect de la question est essentiel. En effet, la question des langues régionales et minoritaires ne se limite ni à des querelles de linguistes, ni au nombre des locuteurs, ni à la défense d’un patrimoine culturel, même si tous ces aspects ont leur importance, elle est aussi affaire de territoire : sur quel territoire sont-elles parlées, ou le plus souvent, quel est le territoire sur lequel certains partisans de leur renaissance souhaiteraient les remettre en usage et pourquoi ?
4Et, présentant le numéro consacré à la « géopolitique de l’anglais » (2005), Yves Lacoste écrivait pour sa part :
L’approche géopolitique d’une langue ne se borne pas à examiner sur la carte l’étendue de son extension et ses limites avec d’autres langues, à constater la coïncidence (ou la non-coïncidence) avec les frontières de tel ou tel État. De surcroît, il est rare qu’une langue officielle soit la seule à être écrite et parlée par la population d’un État. En effet, dans chaque État, il y a aussi d’autres langues qui en fait sont parlées (et pas nécessairement écrites) par des groupes plus ou moins importants dont la localisation pose, elle aussi, nombre de problèmes.
6En cela il ne se distinguait guère de la sociolinguistique mais, surtout, il focalisait sur une langue (ici l’anglais) dominante et sur ses rapports avec d’autres langues, dominées. Et l’on pouvait attendre d’autres numéros de la même revue (qui viendront peut-être) sur la géopolitique de l’espagnol, de l’arabe, du chinois, du portugais, etc. Nous allons pour notre part évoquer non pas la géopolitique d’une langue mais celle d’un groupe de langues d’une même famille, d’un même groupe « génétique ». Nous traiterons donc pour commencer de territoires, mais en modifiant légèrement la question de B. Giblin. Il ne s’agit pas en effet de savoir seulement sur quels territoires les langues sont parlées et quelles relations elles entretiennent avec d’autres langues du même territoire, mais aussi quelles relations ces langues dominantes entretiennent ou pourraient entretenir avec d’autres langues dominantes. Et la notion de langue n’étant jamais que la réification opérée par la linguistique de pratiques variées et parfois divergentes, c’est de groupe de locuteurs unis par le même type de pratiques linguistiques que nous traiterons, de leurs rapports de pouvoir sur un territoire et entre territoires.
Acclimatation linguistique
7Les frontières linguistiques correspondent rarement aux frontières politiques. Mais il n’est pas sûr que tout le monde donne le même sens aux notions de langues et de frontières. On utilise par exemple généralement en France le syntagme de langues frontalières pour désigner des langues comme le catalan, le basque ou le francique mosellan, qui sont parlées des deux côtés d’une frontière, ou plutôt des aires linguistiques coupées en deux par une frontière politique. Mais on parle aussi de langues ou de formes frontalières à propos de langues mixtes, produites par les pratiques communicationnelles dans des situations frontalières, comme le portuñol, à la frontière entre l’Uruguay et le Brésil, ce qui est tout autre chose. Quoi qu’il en soit, il suffit de penser à la diffusion du français en Europe – en France bien sûr, mais aussi dans une partie de la Suisse, une partie de la Belgique et au Luxembourg – pour comprendre que la diffusion d’une langue peut transcender les limites des territoires nationaux.
8Dans cet espace francophone européen, le français coexiste avec d’autres langues, romanes (les langues d’oc en France, l’italien en Suisse) et non romanes (le flamand, l’allemand, le breton, le basque, etc.). Et cette situation constitue comme un microcosme de l’espace roman dans le monde. Dans chaque pays, en effet, la langue dominante coexiste avec d’autres langues parlées sur le même territoire. Mais il nous faut également considérer les relations (relations linguistiques, politiques, économiques, etc.) entre pays de même langue, et celles entre pays de même famille de langues.
9Pour ce qui concerne la géographie des langues romanes, elle est contrastée, en ce que certaines d’entre elles (l’espagnol, le français et le portugais) sont implantées sur différents continents, tandis que d’autres (l’italien, le roumain, le catalan, le corse, les langues d’oc, le sarde, etc.) ont une expansion très réduite, uniquement européenne et que peu d’entre elles sont internationales, au sens de « parlées dans plusieurs pays » (ce n’est le cas que du roumain en Roumanie et en Moldavie et de l’italien en Italie et dans une partie de la Suisse). Parler de géopolitique des langues romanes, c’est donc d’abord et essentiellement parler de trois grands ensembles, les ensembles francophone, hispanophone et lusophone, de trois langues qui disposent dans le monde de réseaux culturels (institut français, Instituto Camões, Instituto Cervantès), de chaînes de radio ou de télévision internationales (RFI, TV5, France 24 pour le français, Antenna 3, TVE internacional pour l’espagnol, RTP internacional, Globo internacional pour le portugais etc.) et, nous le verrons plus loin, d’organisations politiques.
10La carte ci-dessous nous donne à voir l’expansion de ces trois langues à partir d’une petite portion de l’Europe sud-occidentale vers l’Afrique et l’Amérique, présentant les pays dans lesquels elles sont officielles ou co-officielles.

11Ces trois grands espaces linguistiques de langue romane ont un certain nombre de caractéristiques communes. Ils sont le produit d’un passé colonial ou impérial, ils s’étendent sur trois ou quatre continents, ils sont plus ou moins organisés politiquement et ils produisent de la diversité, chacune des langues prenant des formes locales dont certaines, comme le portugais au Brésil, ont beaucoup plus de locuteurs que la forme d’origine. Mais ils diffèrent sur un point majeur : si l’Espagne est minoritaire dans l’ensemble des hispanophones natifs, si le Portugal l’est encore plus dans l’ensemble des lusophones, la France reste majoritaire dans l’ensemble des francophones première langue, ce que Jean-Marie Klinkenberg (2015) a bien exprimé :
Alors que dans les autres grands blocs d’États soudés par une langue européenne l’ancienne métropole est devenue très minoritaire – c’est le cas pour le bloc anglophone, pour l’hispanophone et plus encore pour le lusophone –, la France continue à peser d’un poids décisif dans une francophonie où seule une minorité d’usagers a le français comme langue maternelle.
13La raison en est claire. Plus un « empire » a une origine ancienne et plus sa langue s’y est implantée, passant lentement du statut de langue exogène à celui de langue endogène par un processus que j’ai baptisé acclimatation (Calvet, 1999). On distingue en effet en écologie, à partir du verbe s’acclimater, deux processus différents : l’acclimatement et l’acclimatation. L’acclimatement est le fait, pour une espèce déplacée, de survivre, un animal ou un végétal que l’on transporte d’un climat à un autre s’adaptant à de nouvelles conditions de vie. L’acclimatation est pour sa part le fait, pour les mêmes espèces déplacées, non seulement de survivre mais aussi de se reproduire. Il en va de même pour les langues que déplacent leurs locuteurs. Elles peuvent survivre un temps, coexister avec d’autres langues dans une niche écolinguistique donnée, mais elles peuvent aussi prendre racine, la reproduction correspondant ici à la transmission d’une génération à l’autre. Le néerlandais, par exemple, a connu en Indonésie une période d’acclimatement puis il a disparu. En revanche, le portugais est passé au Brésil par un processus d’acclimatation, il a éliminé une grande partie de la population linguistique pour prendre sa place, mais en même temps il s’est en partie transformé. Car une espèce qui s’acclimate s’adapte aux conditions locales, en particulier aux conditions climatiques, et il en va de même pour les langues (même si, bien sûr, le climat ne joue ici aucun rôle). L’acclimatation de l’espagnol à Cuba ou en Argentine a entraîné des modifications à la fois dans la phonologie, le lexique et la syntaxe, au point que certains parlent aujourd’hui de l’espagnol de Cuba (ou d’Argentine, etc.), voire du cubain (ou de l’argentin, etc.).
14Cette acclimatation est donc un processus qui se déroule dans la durée. Si la langue arabe s’est en partie imposée sous différentes formes comme langue première au Maghreb, c’est que la conquête arabe remonte au viiie siècle. Et, pour ce qui concerne les langues romanes, l’Ultramar Português se développe à partir du xve siècle, l’empire espagnol à partir du xvie siècle, tandis que, si nous mettons à part les Antilles et le Canada, l’empire français débute au xixe siècle. Il en découle logiquement que le portugais est langue première pour plus de 95 % des Brésiliens, que l’espagnol est langue première d’une grande majorité des Argentins, des Cubains ou des Mexicains, tandis que le français est langue première en France et dans les zones francophones de la Belgique, du Canada ou de la Suisse, mais essentiellement langue seconde en Afrique « francophone ».
15Il en résulte un positionnement différencié du lieu de pouvoir normatif. Le Brésil, par son poids démographique, est en situation d’imposer sa norme à l’ensemble des lusophones, avec des retombées économiques non négligeables, par exemple dans le domaine de l’édition. Ainsi dans l’« accord orthographique de la langue portugaise », adopté entre 2004 (par le Brésil) et 2008 (par le Portugal), qui concerne environ 2 000 mots et tend à rapprocher l’orthographe de la prononciation en supprimant des consonnes non prononcées, sur le modèle déjà appliqué au Brésil, 75 % des changements portent sur des formes utilisées au Portugal. La norme de l’espagnol fluctue pour sa part d’un pays à l’autre : on ne double pas les films de la même façon pour l’Espagne et pour l’Amérique latine, des ouvrages sont traduits différemment en Espagne et dans certains pays latino-américains, etc. Quant à la norme du français, elle est plutôt le fait de la France ou, plus largement, des pays francophones du Nord.
16C’est-à-dire que l’on pourrait imaginer une guerre des normes, ou des standards, entre l’Europe et l’Amérique pour l’espagnol et le portugais. Ainsi l’Académie royale espagnole se préoccupe d’une part de défendre la norme ibérique (elle a par exemple publié en 2005 un Diccionario panhispanica de dudas) mais elle a d’autre part créé des « académies correspondantes » dans tous les autres pays hispanophones (y compris aux États-Unis) qui pourraient défendre des normes locales. En revanche, le problème ne se pose guère entre le Nord et le Sud de la francophonie, et il n’existe pas d’académie de la langue française du Congo, du Mali ou du Sénégal. Lorsque des mots ou des expressions venues de pays africains francophones entrent dans un dictionnaire français, c’est par décision d’éditeurs ou de lexicologues français et non pas africains : le Nord, et en particulier la France, garde le pouvoir sur la norme du français.
Un exemple de politique commune : les « trois espaces linguistiques »
17Si nous classons les langues du monde selon le nombre de pays dans lesquels elles sont officielles, l’anglais vient, sans surprise, à la première place, immédiatement suivi par le français, l’espagnol et le portugais (voir encadré ci-après). Le français est en effet langue officielle, co-officielle ou nationale de 31 pays ou régions. L’espagnol pour sa part l’est dans 22 pays et le portugais dans 9. Les trois langues jouent donc un rôle officiel dans 62 pays [1], ce qui constitue à l’échelon international un groupe de pression potentiel non négligeable. L’ensemble des pays ayant une langue romane pour langue officielle représente par exemple plus d’un tiers des pays membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) ou de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), ce qui leur donnerait, s’ils se concertaient pour défendre des positions communes sur des thèmes à élaborer, une force politique certaine.
Belgique, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Canada, Centrafrique, Comores, République du Congo, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, France, Gabon, Guinée, Guinée équatoriale, Haïti, Luxembourg, Madagascar, Mali, Maurice, Mauritanie, Monaco, Niger, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Suisse, Tchad, Togo, Vanuatu
Pays ou régions dans lesquels l’espagnol est langue nationale, officielle ou co-officielle
Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, République dominicaine, Espagne, Équateur, États-Unis, Guatemala, Guinée équatoriale, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Porto Rico, Salvador, Uruguay, Venezuela
Pays ou régions dans lesquels le portugais est langue nationale, officielle ou co-officielle
Angola, Brésil, Cap-Vert, Guinée-Bissau, Macao, Mozambique, Portugal, Timor oriental, Sao Tomé-et-Principe
18C’est fortes de cette constatation que trois organisations internationales – l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), l’Organizacion de los estados ibero-americanos (OEI) et la Comunidade dos paises de lingua portuguesa (CPLP) – lancèrent en l’an 2000 le projet de « trois espaces linguistiques », mettant en place deux groupes de travail consacrés l’un à la place des langues dans les nouvelles technologies et l’autre aux politiques linguistiques. Il sortit du deuxième de ces groupes un certain nombre de propositions d’actions concernant notamment l’observation des règlements linguistiques dans les organisations internationales, la formation de fonctionnaires internationaux à l’intercompréhension entre langues romanes, la formation de spécialistes en politique linguistique pour les langues partenaires, la standardisation des systèmes d’accréditation de compétences linguistiques pour les variétés extra-européennes des trois langues, etc. Derrière ces propositions apparaissait une analyse à deux niveaux : l’un dans un « axe horizontal » (celui des rapports entre espagnol, français et portugais) et l’autre dans un « axe vertical » (celui des rapports dans chacun des espaces considérés entre une langue et celles avec lesquelles elle « coexistait »). En d’autres termes, certaines propositions tendaient vers la défense de trois langues internationales, et éventuellement de leur unité normative, avec le danger d’aller vers une sorte de Yalta linguistique, et d’autres tendaient vers la solidarité entre ces langues et des langues plus ou moins opprimées ou occultées et que l’on voulait aider. Apparaissaient ainsi deux visions de la « diversité linguistique » : une diversité horizontale, concernant uniquement les trois grandes langues romanes définissant les « trois espaces », et une diversité verticale, concernant dans chacun des espaces l’ensemble des langues en présence. Pour l’instant, c’est la première vision qui a été retenue.
Jeux de coopération et jeux de lutte
19Un détour par la théorie des jeux et de la décision peut ici être utile. On distingue de façon générale entre des jeux de coopération, dans lesquels les joueurs ont des intérêts convergents, et des jeux de lutte, dans lesquels les joueurs ont des intérêts divergents. Dans le premier cas, il s’agit de jeux à somme positive, chacun gagnant, mais bien sûr ne gagnant pas la même chose, et dans le second cas de jeux à somme nulle, les uns gagnant ce que les autres perdent. Que pourrait nous apporter la transposition de cette distinction dans le domaine des langues ?
20On perçoit aisément les retombées économiques et militaires de la constitution (en général coloniale) de ces espaces. Du côté économique, on peut songer à l’implantation de l’entreprise de télécommunication espagnole Telefonica en Amérique latine, à la création en Amérique latine d’un marché commun du Sud (Mercado Común del Sur, Mercosur), au franc CFA, zone franc d’Afrique centrale (Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale, Cemac) et d’Afrique de l’Ouest (Union économique et monétaire ouest-africaine, UEMOA) ou encore à l’implantation de l’entreprise pétrolifère française Total en Afrique francophone (Côte d’Ivoire, Gabon, Congo). On peut aussi songer à la possibilité, vue du Sud, de jouer la concurrence économique entre différents acteurs du Nord, par exemple la France et le Canada francophone. Mais tout ceci n’a pas de rapports directs avec les langues, tout au plus peut-on constater que quand la colonisation n’a pas laissé beaucoup de traces linguistiques (Vietnam ou Cambodge pour la France, Macao ou Timor oriental pour le Portugal), les relations politiques ou économiques sont plus distendues. Nous sommes en fait confrontés ici aux versants économique ou militaire d’une expansion dont nos « trois espaces » sont le versant linguistique.
21Conçue en termes de jeu à somme nulle, la géopolitique des langues mènerait soit, dans l’axe horizontal, à une lutte entre trois langues dominantes, chacune d’entre elles cherchant à occuper la seconde place derrière l’anglais, soit, dans l’axe vertical, à une lutte entre une langue dominante et les langues qu’elle domine (par exemple le français face aux langues africaines, l’espagnol face aux langues indiennes, le portugais faces aux langues indiennes et aux langues africaines).
22Conçue en termes de jeu à somme positive, elle pourrait mener dans l’axe horizontal à la recherche d’une défense commune des trois langues dominantes (avec le danger de Yalta linguistique évoqué plus haut, une sorte de partage du monde face à l’appétit anglophone) et/ou dans l’axe vertical à la recherche d’une coexistence entre langues partenaires qui soit au bénéfice de chacune d’entre elles. La question est bien sûr de savoir si, la géographie servant d’abord à faire la guerre, comme l’a écrit Yves Lacoste, elle sert également à faire la « guerre des langues » ou si, revisitée par la politique linguistique, elle peut mener vers une « paix des langues ». Cette question est aujourd’hui ouverte, dans un processus dont nous sommes les acteurs.
23Prenons comme exemple la place des langues dans les universités. Une étude en cours sur l’enseignement des langues étrangères menée [2] dans 966 universités situées dans 172 pays, ce qui constitue un échantillon statistiquement représentatif (avec un taux d’erreur de plus ou moins 3 %), fait apparaître 291 langues différentes, c’est-à-dire 291 langues enseignées dans au moins une université. Voici la répartition des dix premières langues dans les 966 universités :

24On voit que quatre langues romanes (en gras) y sont présentes (l’italien passant nettement devant le portugais), et qu’elles sont donc potentiellement en conflit, en particulier le français et l’espagnol, situation qui s’apparente à un jeu de lutte. Peut-on aller vers une situation qui s’apparenterait à un jeu de coopération ? Il existe un certain nombre de travaux sur l’intercompréhension des langues romanes (voir article de Gaid Evenou dans ce même numéro), en particulier sur leur compréhension écrite, mais leurs applications dans l’enseignement n’en sont qu’au niveau expérimental. Or nous pourrions imaginer de développer, dans le secondaire et à travers le monde, non seulement un enseignement de l’intercompréhension des langues romanes, mais aussi une présentation conjointe d’un minimum de latin et de ces langues, afin de faire comprendre les correspondances phonétiques, lexicales et syntaxiques entre elles. Les élèves pourraient ensuite choisir d’approfondir une des langues, mais ils auraient en outre des facilités pour en acquérir ensuite une autre.
25Nous n’en sommes sur ce point qu’aux balbutiements car si les langues romanes existent, leurs locuteurs le savent à peine et leurs dirigeants politiques moins encore.
Notes
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[1]
Nous pourrions y ajouter l’italien (Italie, Saint-Marin, Suisse, Vatican, Slovénie, Croatie), le roumain (Roumanie, Moldavie, Serbie) et le catalan (Espagne, Andorre), ce qui nous mènerait à plus de 70 territoires.
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[2]
Menée par Alain Calvet et Louis-Jean Calvet, à paraître. Il s’agit bien des langues étrangères : ne sont pas prises en compte les langues officielles ou nationales du pays dans lequel se trouve l’université. Voir dans ce volume l’article « Les langues romanes dans les universités ».